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Une Monnaie BRICS est difficile mais elle est prometteuse.

by Hedjazi Habib
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Un article de qualité publié par l’ hebdomadaire russe EKSPERT ,dont la ligne politique est  qualifiée de « soutien critique » à la politique menée par Vladimir Poutine en Russie.
Les positions de chaqune des pays membres du BRICS et éventuellement ceux du BRICS +.
Un regard objectif et rigoureux sur les options et les défis de la mise en place d’une monnaie BRICS.
Un article très riche en data ( Chiffres et analyse des experts de la finance).

Source originale :
https://expert.ru/expert/2023/30/valyuta-briks-poka-teoriya-no-perspektivnaya/
L’article est traduit par Mr Jacques Sapir Directeur d’études à l’EHESS sur :
https://www.les-crises.fr/la-monnaie-des-brics-est-encore-une-theorie-mais-elle-est-prometteuse-traduction-de-jacques-sapir/

———————Article———————-

Aleksey Dolzhenkov et Evgenija Obukhova

(rédacteurs au département d’économie et finance du journal Ekspert)

23 juillet 2023, Ekspert, n°30

“La probabilité et les perspectives d’une monnaie des BRICS sont l’un des sujets les plus discutés dans le monde de la finance. Si l’on en croit les médias mondiaux et les déclarations d’hommes politiques de différents pays, des propositions de création d’une monnaie d’union seront présentées fin août lors du sommet des BRICS en Afrique du Sud. La confiance dans le dollar continue de baisser, la dédollarisation du commerce mondial prend de l’ampleur. Les pays en développement se précipitent pour annoncer la transition vers les monnaies nationales dans le commerce bilatéral, en même temps, il y a une recherche d’un remplaçant pour la principale monnaie actuelle des règlements internationaux – le dollar. La monnaie « BRICS » est simplement considérée comme une telle alternative.

Ces derniers mois, plusieurs articles sont parus dans les principaux médias occidentaux disant à la fois qu’il n’y a pas de substitut au dollar dans le commerce mondial, et que la dédollarisation, si elle se produit, sera très lente. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a elle-même promis en juin que le dollar resterait la principale monnaie de réserve mondiale pendant encore longtemps, peut-être pour toujours : « Il y a des pays qui aimeraient inventer un système sans dollar, mais je pense que cela prendra très longtemps, voire ne se produira pas du tout, pour que le dollar soit remplacé comme principale monnaie de réserve« , a-t-elle déclaré et elle a expliqué qu’il n’y avait pas d’alternative au dollar en raison de « la force et le rôle de l’économie des États-Unis, [de leur] système économique ». Mais le flot d’informations sur la dédollarisation jette un doute là-dessus.

Selon le directeur de l’Institut de Prévision Économique de l’Académie des sciences de Russie (IPE-ASR), membre correspondant de l’Académie russe des sciences, Alexander Shirov, les événements survenus en 2022 ont radicalement changé la situation sur les marchés financiers: les actions des pays développés par rapport aux actifs russes ont réduit la qualité des monnaies de réserve[2]. « Si jusqu’à présent on croyait que l’utilisation d’une monnaie de réserve permettait d’échanger un actif de qualité contre un autre, il est maintenant devenu clair que, selon le détenteur de la monnaie, la méthode d’obtention et d’autres facteurs, la possibilité de son libre échange contre d’autres actifs peut être sévèrement limitée« , explique Shirov. — Ainsi, un précédent a été créé, qui n’est pas passé inaperçu auprès des grandes économies en développement. Sa conséquence a été une diminution de la demande pour les obligations des gouvernements des pays développés et une accélération du processus de dédollarisation de l’économie mondiale.

Malheureusement, seul SWIFT dispose de statistiques sur les devises des transactions internationales. Et dans celui-ci, surtout récemment, toutes les opérations internationales ne sont pas reflétées. Il n’est pas surprenant que dans ce système la part totale des transactions en dollars et en euros se soit stabilisée autour de 80% ces dernières années. Cependant, même chez SWIFT, ce printemps, on a pu observer comment le volume des transactions en euros a fortement chuté, passant d’un niveau de 33-38% à 22,4% en mars et à 11,5% en avril. Ce qui est important, c’est que le remplacement de la part de l’euro s’est fait non seulement par le dollar, mais aussi par d’autres devises, dont le yuan. La baisse de la part des transactions en euros est très probablement due à une forte baisse des importations (-11,9 %, d’avril 2023 à avril 2022) et, dans une moindre mesure, des exportations (-3,6 %) des pays de la zone euro[3]. Certes, on ne sait pas très bien pourquoi ce bond n’a eu lieu qu’au printemps 2023 : la baisse des importations des pays de la zone euro, voire de l’ensemble de l’UE, est observée depuis septembre 2022, et une part importante de cette baisse est imputable aux importations en provenance de Russie. Cependant, l’épisode de baisse lui-même a été de courte durée, après l’effondrement de la part des transactions en euros au printemps en juin, tout est revenu au niveau précédent.

Les statistiques sur les réserves de change des pays sont plus accessibles et reflètent plus fidèlement la situation réelle. Elles montrent que la part du dollar américain dans les réserves mondiales est passée de 71,5 % au premier trimestre 2000 à 59 % au premier trimestre 2023. Mais la part dans les réserves de la livre sterling (de 2,92 à 4,85%) et du yuan augmente – de zéro au premier trimestre 2000 à 2,58% au premier trimestre 2023. Et en général, la structure des réserves devient de plus en plus variée en termes de devises[4], de plus, la part de l’or dans celles-ci, instrument de réserve universel et éprouvé, augmente rapidement et fortement.

L’année 2022 a été une année record pour les achats d’or par les banques centrales mondiales, la Russie a été la plus active dans l’achat d’or pour les réserves au cours des vingt dernières années – au cours de cette période, elle a acheté près de 2 000 tonnes de ce métal. En deuxième position, la Chine (1500 tonnes). La Turquie, l’Inde, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et l’Arabie saoudite achètent activement de l’or. Il convient de préciser que les réserves ne sont pas seulement nécessaires en tant que réserves pour un jour de pluie, elles reflètent également, en particulier leur partie liquide, les besoins en devises du pays. Et quant à l’or, il n’est pas surprenant que, ayant vécu pendant près d’un siècle dans un système financier lié au dollar avec son émission insensée, le monde aspirait à quelque chose de plus fiable et tangible. Nous parlerons du rôle possible de l’or plus loin.

Défilé des monnaies nationales

La première étape de la dédollarisation a été de nombreuses tentatives de transfert du commerce transfrontalier vers des monnaies locales, et il y a déjà des premiers succès.

La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a promis que le dollar resterait une monnaie de réserve clé, peut-être pour toujours. Mais le flot de nouvelles sur la dédollarisation jette un doute là-dessus.

La Russie et la Chine travaillent depuis longtemps à réduire la part des paiements pour les opérations de commerce extérieur en dollars et à passer aux paiements en devises nationales – mais jusqu’à récemment, la question se limitait à des vœux pieux. Selon la Banque de Russie, les recettes pour l’exportation de biens et de services dans le cadre de contrats de commerce extérieur dans des devises qui ont ensuite été désignées comme «inamicales» en janvier 2019 s’élevaient à 86% (tandis que 13,1% des transactions étaient en roubles) du montant total ; en février 2022 le chiffre atteignait 85,8% (13,4% en roubles). Mais en mai 2023, la part des monnaies « inamicales » était tombé à 34,1%, tandis que la part du rouble était passée à 39,1%, et la part des monnaies « amies » et neutres à 26,9%.

Il y a un point qui reste incompréhensible dans ces statistiques : comment est prise en compte la vente de gaz à l’Europe « pour des roubles » ? S’il est comptabilisé comme des exportations de roubles, alors en fait ce n’est pas tout à fait exact, puisque le paiement du gaz entre dans le pays sous forme de monnaie, qui est déjà convertie en roubles sur notre change, de sorte qu’il peut ensuite être crédité sur un compte bancaire en roubles.

Néanmoins, le processus d’abandon des monnaies « hostiles » est en cours. En septembre 2022, Gazprom, après une rencontre entre son PDG Alexei Miller et le président du conseil d’administration de la CNPC, Dai Houliang, a signalé qu’une transition vers les paiements des fournitures de gaz russe à la Chine en devises nationales – roubles et yuans – avait été effectuée. Outre la Chine, la Russie a un accord avec l’Inde sur le commerce des roubles et des roupies, mais ces calculs se heurtent à des problèmes : côté russe, en raison d’un important excédent commercial bilatéral en faveur de la Russie et de difficultés de conversion des roupies, côté indien, en raison de la crainte des banques indiennes de tomber sous le coup de sanctions.

L’Inde ne dispose tout simplement pas des marchandises dont la Russie a besoin en quantités suffisantes. Bloomberg a estimé l’accumulation de roupies excédentaires de la Fédération de Russie à 1 milliard de dollars par mois. Cependant, les données détaillées sur les exportations russes et les paiements correspondants sont désormais secrètes, Bloomberg ne divulgue pas non plus sa méthode de calcul, ce chiffre ne doit donc pas être pris au sérieux[5].

L’expansion des paiements en yuan – et pas seulement pour les exportations de matières premières, mais en général pour les opérations de commerce extérieur – est également indiquée par les petites banques russes, vers lesquelles une partie des paiements internationaux transite après que les grandes banques russes soient tombées sous sanctions. Ainsi, selon Agroros Bank, le nombre total d’opérations de change transitant par elle, en mai 2023, a été multiplié par 3,3 par rapport à mai 2020. De plus, jusqu’à 80% des règlements sont effectués en yuan chinois, la deuxième devise la plus demandée pour les paiements étant le tenge kazakh.

Le yuan est généralement considéré comme le principal concurrent pour prendre la place du dollar. Grâce à la force de l’économie chinoise, c’est bien réel.

Ainsi, la Chine a des accords sur le commerce en yuan avec le Brésil et un certain nombre d’autres pays. Fin mars 2023, le Brésil et la Chine ont conclu un accord sur le commerce en yuan et annoncé la création d’une chambre de compensation commune. Au cours des 13 dernières années, la Chine a été le plus grand partenaire commercial du Brésil, selon Folha de Sao Paulo, et le commerce entre les deux pays a atteint un record de 775,9 milliards de réals brésiliens (soit 150 milliards de dollars) en 2022. L’excédent du Brésil était de 150 milliards de réals (29 milliards de dollars). Dans ce cas, la présence de yuans « supplémentaires » ne deviendra pas un problème pour le Brésil car la Chine détient fermement le titre d’usine du monde et il y a toujours quelque chose dont vous avez besoin…

La Chine achète depuis longtemps du pétrole iranien contre des yuans, et en décembre 2022, les médias ont rapporté que lors d’une visite en Arabie saoudite du président chinois Xi Jinping, un accord non public avait été conclu pour payer le pétrole saoudien en yuans. Et si cela n’a pas été annoncé officiellement, la conclusion du premier accord de crédit en yuan entre l’Export-Import Bank of China et la Saudi National Bank a été annoncée publiquement depuis. Il est tout à fait possible que l’infrastructure financière se développe pour payer le pétrole saoudien en yuan.

L’Inde tente de suivre le rythme de la Chine, même si la roupie ne peut toujours pas circuler à l’extérieur du pays. L’abandon du dollar dans les échanges bilatéraux découle de la déclaration conjointe de l’Inde et de la Malaisie en date du 1er avril 2023. Le commerce se fera désormais en roupies. Dès le 2 avril, l’Union Bank of India a été la première à annoncer l’ouverture d’un compte spécial « vostro » en roupies auprès de l’India International Bank of Malaysia. Le commerce bilatéral entre l’Inde et la Malaisie pour 2021-2022 a atteint 19,4 milliards de dollars. Selon Bloomberg, citant un responsable anonyme, l’Inde et l’Indonésie envisagent également de procéder à des règlements bilatéraux en devises nationales et de connecter leurs systèmes de paiement rapide pour encourager les transferts transfrontaliers.

Au sommet des BRICS au Cap en août 2023, on peut encore parler d’une nouvelle monnaie

Et qu’en est-il de la monnaie des BRICS ? Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a proposé à plusieurs reprises de réfléchir à sa création. Le fait que la question de la création d’une monnaie de réserve internationale basée sur le panier de devises des pays BRICS soit en cours d’élaboration a été discuté en juin 2022 lors du dernier sommet BRICS par le président russe Vladimir Poutine. Et, au début de l’été 2023, les ministres des Affaires étrangères des BRICS ont chargé la New Development Bank (NDB) de déterminer comment une nouvelle monnaie commune pourrait fonctionner, y compris comment elle pourrait protéger les pays membres des sanctions secondaires occidentales lorsqu’ils interagissent avec des partenaires sanctionnés comme la Russie[6].

Dans le même temps, début juillet 2023, les médias indiens ont diffusé une déclaration du ministre des Affaires étrangères Subramanyam Jaishankar selon laquelle le pays n’envisageait pas une monnaie des BRICS – l’Inde se concentre sur le renforcement de sa monnaie nationale, la roupie, et ce sera une priorité du gouvernement indien. De plus, selon lui, il n’est pas prévu de discuter de la monnaie des BRICS lors du sommet des BRICS. Certes, l’autre jour, le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé que la question d’une nouvelle monnaie commune serait encore discutée lors d’une réunion en août.

Ainsi, la monnaie BRICS est en cours d’élaboration, mais il n’y a pas encore de détails. Le projet peut être présenté pour discussion, mais plutôt sous la forme d’une idée, plutôt que d’une discussion formelle d’un projet prêt à l’emploi, qui doit être voté dans le cadre d’un ordre du jour convenu à l’avance. De plus, il existe déjà des fraudeurs potentiels dans les BRICS sous la forme de l’Inde.

Essayons de comprendre ce que peut être la monnaie des BRICS et les raisons de sa mise en place, en plus du désir général des membres de l’association de se dédollariser, qui en théorie peut être satisfait par le commerce bilatéral en monnaies nationales.

Commençons par la base économique. Selon le FMI, le PIB total (en PPA) des pays BRICS en 2020 a dépassé 31 % du PIB mondial ; il a dépassé le PIB total des pays du G7 et ne prévoit pas de baisser, contrairement à l’indicateur du G7. A titre de comparaison, en 1980, un an après l’adoption officielle de l’ECU (ECU), la part du PIB (selon la PPA) des pays de l’UE s’élevait à 25,85% du monde. Il est à noter qu’il est plus correct de comparer la monnaie potentielle des BRICS avec l’ECU, et non avec l’euro qui est venu le remplacer. Alternativement, on peut faire des analogies avec le « rouble transférable » du Conseil d’assistance économique mutuelle, mais il ne sera plus possible de comparer des indicateurs numériques en raison de la différence de structure de l’économie mondiale à cette époque.

Le tableau peut être complété par les taux de croissance du PIB réel des leaders économiques de ces blocs. En 2022, selon le FMI, le taux de croissance de l’économie chinoise était de 3 %, la prévision pour 2023 est de 5,2 %, le PIB indien en termes réels a augmenté de 6,8 % en 2022, la prévision pour 2023 est de 5,9 %. A titre de comparaison le taux de croissance du PIB américain sera de 2,1 et 1,6%, respectivement, l’Allemagne – 1,8 et -0,1%. Il n’y a pas de commentaires à faire : les BRICS continueront de dépasser de plus en plus le G7.

de biens et services pour 2021 était de 18,6%, tandis que le G7 était à 30,3%. La part des BRICS dans les importations mondiales est de 17 %, celle du G7 est de 33,85 %. Ce n’est déjà pas si impressionnant, si ce n’est sur deux points. Premièrement, les économies des pays du G7 sont principalement orientées vers les services. Deuxièmement, le niveau de consommation des biens et services importés, y compris ceux de première qualité, est plus élevé dans les pays développés[7].

Comme nous pouvons le voir, il existe une base économique pour introduire notre propre monnaie mondiale, qui peut devenir une réserve et être utilisée pour effectuer des paiements internationaux. On s’intéresse également à la dédollarisation. Comme le note Alexander Shirov, la création d’une nouvelle unité de compte, protégées des décisions politiques des pays développés, est dans l’intérêt de presque toutes les grandes économies en développement, et à l’exception des pays BRICS cela devrait inclure les pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’Amérique latine.

Quel est le hic ?

Les économistes interrogés par « Ekspert » estiment que les mêmes termes s’appliquent à la nouvelle monnaie, dans laquelle les projets de monnaies d’autres associations (par exemple, l’euro) ont été mis en œuvre – ce qui signifie que nous parlerons d’un processus très lent.

Comme l’explique Elsa Shirgazina, secrétaire scientifique du Centre pour la région de l’océan Indien (centre appartenant à l’IMEMO ASR), même au sein de la zone euro actuelle, la monnaie a été créée et mise en circulation pendant une trentaine d’années, mais ici le niveau d’intégration économique était beaucoup plus élevé, jusqu’à la présence de structures supranationales. « Les pays BRICS se caractérisent par une approche fondamentalement différente de la coopération au sein de l’association. Et cette approche implique la préservation par les pays participants d’une grande autonomie dans la prise de décision tout en s’efforçant de développer des liens amicaux au niveau national, ainsi que des interactions humanitaires au niveau des peuples », explique-t-elle. – La monnaie des pays BRICS, au stade actuel, est plutôt un projet potentiel et est considérée comme l’une des options pour assurer le fonctionnement normal du système de règlements mutuels. Le principal reste le calcul en monnaies nationales.

Sergei Ryabukhin, qui est le premier vice-président du Comité du Conseil de la Fédération sur le budget et les marchés financiers, et le directeur de l’Institut de recherche sur les instruments et technologies financiers innovants (NII IFIT), rappelle que les BRICS sont, en fait, une union d’intégration qui n’a pas les fonctions d’unions douanières et monétaires, sans lesquelles il est impossible de créer une monnaie unique supranationale. Il serait donc plus juste de parler de la création d’un instrument supranational de règlement et de compensation.

Cela nécessite des solutions algorithmiques et politiques qui ne seront pas simples, basées sur des principes de consensus pour la formation de règles et de réglementations pour l’émission (émission), la circulation et le rachat d’un instrument de paiement qui a les caractéristiques d’un moyen de paiement supranational (monnaie), dit Ryabukhin. Il rappelle également qu’il a fallu plus de vingt ans à l’Union européenne pour créer les mécanismes de fonctionnement de la monnaie supranationale des pays européens (l’euro), et ce malgré le fait qu’il existait déjà une plate-forme financière pour la création d’une telle monnaie supranationale sous la forme de l’ECU.

Cela nécessite des solutions algorithmiques et politiques qui ne seront pas simples, basées sur des principes de consensus pour la formation de règles et de réglementations pour l’émission (émission), la circulation et le rachat d’un instrument de paiement qui a les caractéristiques d’un moyen de paiement supranational (monnaie), dit Ryabukhin. Il rappelle également qu’il a fallu plus de vingt ans à l’Union européenne pour créer les mécanismes de fonctionnement de la monnaie supranationale des pays européens (l’euro), et ce malgré le fait qu’il existait déjà une plate-forme financière pour la création d’une telle monnaie supranationale sous la forme de l’ECU.

« Les pays du CAEM ont passé plus de quinze ans à créer un instrument supranational de règlement et de compensation pour les règlements mutuels (rouble transférable), alors qu’il existait déjà un système de règlement et de compensation pour les règlements non monétaires basé sur le troc bilatéral et multilatéral, ainsi que sur les transactions compensatoires », explique Sergei Ryabukhin. « Le Fonds monétaire international tente depuis cinquante ans de donner le statut d’appel d’offres supranational (devise) aux droi

ts de tirage spéciaux, les DTS, alors qu’un tel système s’appuie sur les accords internationaux de Bretton Woods et de la Jamaïque. »

Le yuan reste le principal concurrent pour mettre fin à la suprématie du dollar. Grâce à la force de l’économie chinoise, c’est bien réel.

Prise en charge des BRICS+

Nous constatons que la création d’une nouvelle monnaie est vraiment difficile et prend du temps, mais les technologies de l’information et de la finance se sont accélérées plusieurs fois par rapport aux années 1970 et 1980. Oui, et la route sera maîtrisée par celui qui marche s’il y a une volonté. Mais cela n’effacera pas les difficultés.

Commençons traditionnellement, en épelant le nom de l’organisation, par le Brésil. Avec lui, tout est simple : il y a un désir, adossé à une nécessité économique. Rappelons que la balance commerciale du Brésil ces dernières années est traditionnellement positive. Par conséquent, pour ne pas prêter aux acheteurs de ses ressources, il lui faut soit un partenaire commercial comme la Chine, qui puisse répondre pleinement aux besoins d’importation du Brésil, soit une monnaie de paiement internationalement reconnue, soit des mécanismes d’échange gratuit et surtout peu coûteux des devises des acheteurs contre les devises des fournisseurs. Cependant, il n’y a pas encore de propositions spécifiques pour la devise BRICS du Brésil. Peut-être seront-ils présentés au sommet d’août.

En ce qui concerne la Russie, chez nous aussi, tout est clair. Nous avons un excédent commercial avec tous les principaux partenaires commerciaux. Les besoins sont similaires à ceux du Brésil, mais les problèmes sont encore plus prononcés, et il y a aussi des sanctions très sévères en surplomb. La proposition semble être en cours de préparation, mais on développera plus à ce sujet ci-dessous.

En Inde, la situation est beaucoup plus compliquée. Premièrement, il a un déficit de la balance commerciale. Lorsqu’ils effectuent des paiements en devises nationales, les pays importateurs pour l’Inde sont simplement obligés d’acheter à l’Inde au moins quelque chose qui n’est même pas vraiment nécessaire, ou de prêter à l’Inde, ce qui n’intéresse personne. De plus, le représentant du ministre indien des Affaires étrangères a déjà déclaré qu’il n’était pas prévu de participer à la monnaie des BRICS. N’oublions pas la politique d’équilibre traditionnelle de l’Inde.

« Cette décision est due à un certain nombre de considérations : les taux de croissance du PIB de l’Inde sont stables, donc pour le moment elle n’a pas besoin du soutien des pays des BRICS ; une orientation multilatérale oblige New Delhi à maintenir de bonnes relations avec les États-Unis et les pays de l’UE et à ne pas risquer ses liens commerciaux, économiques et politiques avec eux ; on s’inquiète de l’internationalisation et du renforcement du yuan chinois et de la position de la Chine lors de l’introduction de la monnaie BRICS dans un contexte de concurrence active et continue entre les deux pays », explique Elza Shirgazina.

La position de la Chine est également claire. Elle est, bien sûr, intéressé par la dédollarisation, mais sa monnaie est assez forte en soi. Les fournisseurs de ressources s’engagent à l’accepter quand même. De plus, malgré toutes les guerres commerciales avec les États-Unis, la Chine n’envisage pas de casser définitivement la vaisselle et de se retirer du système financier occidental. Comme nous l’avons écrit plus haut, elle fait progressivement la promotion du yuan, développe sa monnaie numérique et son projet d’échange de devises numériques, prête activement à d’autres pays en yuan – et étend le périmètre de ces prêts.

Comme l’a rapporté l’agence Xinhua la semaine dernière, la Banque populaire de Chine et l’Administration d’État du contrôle des changes de Chine ont assoupli la réglementation du financement transfrontalier des entreprises et des institutions financières. Le multiplicateur du plafond des encours de financement transfrontalier a été relevé de 1,25 à 1,5, permettant aux prêteurs chinois de prêter davantage aux entreprises étrangères. Dans le même temps, la précédente augmentation de 1 à 1,25 n’a eu lieu qu’en octobre 2022. Il semble bien que la Chine fasse la promotion du yuan par l’expansion du crédit. Cependant, et contrairement à l’Inde, elle ne s’est pas désolidarisée de l’idée même de la monnaie des BRICS.

La situation avec l’Afrique du Sud est la plus incompréhensible. Comme l’explique Elza Shirgazina, il y a une certaine incertitude dans la position du pays : il y a une compréhension de la nécessité d’abandonner le dollar, mais les dirigeants n’ont pas encore avancé leurs propositions.

Étalon-or ? Étalon de commerce

Quant aux options pour la devise BRICS, elles ne sont pas nombreuses : sécurité par rattachement à des matières premières (un cas particulier étant l’or), rattachement à un panier de devises (il est même possible de n’en avoir qu’une, par exemple, au yuan[8]), et enfin, une devise sans sécurité ni rattachement. Cela n’a même aucun sens de considérer le dernier cas : le monde en a tellement assez du dollar, soutenu uniquement par la force militaire et perdant progressivement sa puissance économique, que cette option n’intéressera personne.

L’étalon-or est mentionné par certains commentateurs occidentaux et russes. Il y a des raisons pour soutenir cette idée. Selon le World Gold Council, la Russie et la Chine ont doublé leurs réserves d’or au cours des dix dernières années. Les réserves de l’Inde ont officiellement augmenté de 42%, mais n’oubliez pas qu’en Inde, la population possède une énorme quantité d’or sous forme de bijoux, donc ce pays n’est pas privé d’or. Cependant, la plupart des économistes n’envisagent pas sérieusement l’option d’une sécurité mono-marchandise sous forme d’or, c’est-à-dire le nouvel étalon-or incarné dans la monnaie BRICS.

« Je ne pense pas que l’or ou d’autres valeurs mobilières puissent sous-tendre une telle unité de compte« , déclare Alexander Shirov. Le principal mécanisme pour assurer la monnaie des BRICS devrait être un assez grand marché pour le commerce mutuel [intra-BRICS (NdT)], inclus dans l’orbite de la nouvelle monnaie. La qualité d’une monnaie doit être déterminée par la possibilité d’un échange efficace de ressources de qualité correspondant à son utilisation. Il y a encore quelques problèmes avec cela. Par exemple, les règlements en monnaie nationale avec l’Inde sont associés à la présence d’importants déséquilibres commerciaux, ce qui entrave le développement d’opérations commerciales dans des monnaies de réserve alternatives.

Si un or ne convient pas, une structure plus complexe d’ancrage sur les matières premières peut déjà être sérieusement envisagée. Selon Sergey Ryabukhin, au nom du président de la Fédération de Russie et sur les instructions du groupe de travail interministériel temporaire de l’appareil du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, des scientifiques de l’Institut de recherche IFIT, en coopération avec des organisations scientifiques et éducatives en Russie et un certain nombre d’États amis (Myanmar, Venezuela, Brésil et Chine), développent un prototype d’instruments financiers, basés sur des biens duaux (possédant à la fois des propriétés marchandes et monétaires). Ces biens permettent d’élargir la base d’or (collatéral) lors de la formation d’une mesure provisoire d’un nouveau moyen de paiement (monnaie) des pays des unions d’intégration, tels que l’EAEU, l’OCS, les BRICS et les BRICS+. En outre, le directeur de l’Institut de recherche IFIT a rappelé que dans le volume mondial total des biens duaux, qui comprennent le pétrole, le gaz, les métaux précieux et les terres rares, les céréales, l’étain, le titane, le chrome, l’uranium, le lithium et autres, les pays BRICS détiennent une part d’au moins 60 %, et les pays BRICS + – au moins 80 % des réserves mondiales.

« Le prototype des instruments financiers qui a été développé, qui peut être soutenu par des biens duaux, grâce à l’algorithme unique créé pour calculer l’indice de la valeur multi-produits de la stabilité des prix (indice MTZ) à l’or, la matière première d’ancrage, permet d’élargir la base d’or« , explique Sergey Ryabukhin. « En plus des actifs des pays BRICS et BRICS+, qui existent sous une forme tangible et peuvent être utilisés dans la formation de l’indice MTZ, il existe également des montants importants d’actifs financiers des pays de l’union d’intégration, qui peuvent également être utilisés pour créer une nouvelle mesure de sécurité pour l’émission d’un moyen de paiement supranational. »

Ces actifs, selon l’Institut de recherche IFIT, peuvent inclure les droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, dont le volume dans les actifs des pays de l’union d’intégration est supérieur à 200 milliards de dollars en dollars. Ainsi, l’ensemble des actifs cotés, ainsi que les monnaies nationales des pays BRICS et BRICS+, pourraient devenir la base de la constitution de réserves de matières premières et de devises. La monnaie pourrait être émise sous la forme d’actifs financiers numériques, sous la forme d’une monnaie agrégée (synthétique), tandis que la Nouvelle Banque de Développement pourrait agir comme un centre d’émission pour émettre et contrôler la circulation d’un nouveau moyen de paiement.

Que veut la file d’attente à la porte BRICS ?

Avec un panier de devises, la situation est un peu plus simple : de nombreux économistes considèrent cette option comme la plus probable. « L’option la plus probable pour créer une telle monnaie est un panier de monnaies numériques émises par les banques centrales des pays BRICS, et le poids de chaque pays dans le panier sera déterminé en fonction de paramètres économiques. Un tel mécanisme augmentera certainement le rôle des banques centrales dans le système financier, peut-être en réduisant l’importance des banques commerciales », affirme Alexander Shirov.

Elza Shirgazina estime également qu’au stade actuel, la meilleure option pour créer une monnaie potentielle est de l’arrimer à un panier de monnaies nationales des pays participant à l’association avec des fluctuations de sa valeur en fonction de l’évolution du taux de change des monnaies nationales. De plus, elle estime qu’il est inapproprié d’envisager l’inclusion d’autres devises pour le moment.

Un point important à garder à l’esprit est que toute répartition des poids des monnaies nationales dans le panier sera insatisfaisante soit pour l’Inde, qui ne reconnaîtra jamais le poids économique plus important de la Chine, soit pour la Chine, qui sera naturellement en désaccord avec l’attribution à l’Inde d’une part plus importante que celle qui correspond à la taille de son économie. Quant à fournir un large ensemble de biens duaux sous la forme d’un indice complexe, il sera difficile de le coordonner avec d’autres membres du BRICS et de résoudre toutes les tâches organisationnelles associées à la structure complexe de l’instrument.

« Jusqu’à présent, la nouvelle monnaie BRICS est plus un souhait politique qu’un véritable développement« , déclare Alexander Galushka, secrétaire adjoint de la Chambre civique de la Fédération de Russie, en 2013-2018 – ministre de la Fédération de Russie pour le développement de l’Extrême-Orient. — « Nous devons admettre que le système financier existant s’est solidement ancré dans l’esprit des autorités financières du monde entier, y compris les pays BRICS, tous y ont été élevés, et, selon mon observation personnelle, ils manquent de subjectivité professionnelle, une sorte de créativité financière — et cela est nécessaire si nous voulons construire un modèle alternatif, et non copier celui qui a été créé sur la base du dollar. La même banque des BRICS n’est pas encore devenue une véritable alternative au FMI et à la Banque mondiale, puisqu’en fait, elle ne fait que les copier. Le monde entier est fixé sur le dollar, même si cela crée d’énormes risques – et renforce le bien-être des États-Unis ».

Néanmoins, la nouvelle monnaie a vraiment une chance d’apparaître, et voici pourquoi. Premièrement, on a le sentiment que le monde n’est plus si facilement prêt à changer la monnaie d’un pays géant pour la monnaie d’un autre pays géant. Les pays du Sud qui tentent d’affirmer leur souveraineté craindront que la monnaie de n’importe quel pays, utilisée comme instrument de réserve, puisse être utilisée comme levier.

Deuxièmement, l’expansion des BRICS peut être un plus. Le fait est que pour les pays en développement (ainsi que pour les pays développés), la Chine est souvent le principal partenaire commercial, alors que le chiffre d’affaires commercial de ces pays entre eux est généralement assez faible. Aujourd’hui, 22 nouveaux États veulent rejoindre les BRICS[9], et pour eux, il est probable que l’utilisation de la nouvelle monnaie d’association dans le commerce mutuel sera une option plus intéressante que de tout payer en yuan. Surtout si la nouvelle monnaie est liée à un panier de biens – et de nombreux pays en développement ont de sérieuses réserves de certains minéraux ou exportent des produits agricoles vers le marché mondial.

Troisièmement, les chances d’une nouvelle monnaie des BRICS augmenteront si un marché mondial de la dette est organisé en parallèle, où les pays et les entreprises peuvent emprunter dans cette monnaie. Le marché de la dette est le soutien le plus important pour le dollar américain, et maintenant pour le yuan. Mais la totalité de la dette commune des pays BRICS dépasse désormais à peine 4 000 milliards de dollars ; en comparaison, les États-Unis doivent 32 000 milliards de dollars et un quart de leur dette est détenue par des étrangers. Le développement progressif mais persistant des obligations dans la nouvelle devise BRICS renforcera son rôle.

Enfin, maintenant, grâce aux efforts de la Chine, nous assistons à un processus historique – le changement du pétrodollar en pétroyuan. Mais pourquoi le pétrole devrait-il être échangé contre du yuan ? Les États-Unis sont au moins le plus grand acteur du marché mondial du pétrole, tandis que la Chine n’est qu’un acheteur. Dans le commerce mondial du pétrole, il n’est pas nécessaire de passer au yuan – vous pouvez passer à la nouvelle monn

aie des BRICS.

Fin.

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