{"id":115671,"date":"2025-06-05T07:51:30","date_gmt":"2025-06-05T06:51:30","guid":{"rendered":"https:\/\/jazairhope.org\/?p=115671"},"modified":"2025-06-05T07:51:30","modified_gmt":"2025-06-05T06:51:30","slug":"quand-les-cartes-postales-faisaient-trembler-le-colonisateur-la-guerre-contre-limage-de-messali-hadj","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/jazairhope.org\/fr\/quand-les-cartes-postales-faisaient-trembler-le-colonisateur-la-guerre-contre-limage-de-messali-hadj\/","title":{"rendered":"Quand les cartes postales faisaient trembler le colonisateur : la guerre contre l\u2019image de Messali Hadj"},"content":{"rendered":"
Hope&ChaDia<\/em><\/p>\n Le 3 juin 1974 s\u2019\u00e9teignait \u00e0 l\u2019\u00e2ge de 76 ans l\u2019un des plus embl\u00e9matiques militants de l\u2019ind\u00e9pendance alg\u00e9rienne, Messali Hadj. Figure fondatrice du nationalisme alg\u00e9rien moderne, p\u00e8re du mouvement ouvrier alg\u00e9rien, et d\u00e9tenu politique historique, il reste un symbole que l\u2019histoire officielle a parfois tent\u00e9 d\u2019oublier. Pourtant, son combat a marqu\u00e9 les esprits \u2014 \u00e0 tel point que, bien avant sa mort, son simple portrait repr\u00e9sentait une menace aux yeux de l\u2019administration coloniale.<\/p>\n En 1952, dans une Alg\u00e9rie toujours sous domination fran\u00e7aise, un arr\u00eat\u00e9 de saisie pour le moins r\u00e9v\u00e9lateur est sign\u00e9 par le pr\u00e9fet d\u2019Alger, Andr\u00e9 Tremeaud. Cet arr\u00eat\u00e9, dat\u00e9 du 25 juin 1952, ordonne la saisie imm\u00e9diate de toutes les cartes postales repr\u00e9sentant le portrait de Messali Hadj. La raison invoqu\u00e9e ? Leur contenu serait \u00ab de nature \u00e0 porter atteinte \u00e0 la s\u00fbret\u00e9 int\u00e9rieure et ext\u00e9rieure de l\u2019\u00c9tat \u00bb<\/em>. Rien que cela.<\/p>\n Chronologie rapide de l\u2019affaire des cartes postales (1952)<\/strong><\/p>\n Printemps 1952<\/strong> : des cartes postales \u00e0 l\u2019effigie de Messali Hadj commencent \u00e0 circuler parmi les sympathisants du MTLD en Alg\u00e9rie.<\/p>\n<\/li>\n 25 juin 1952<\/strong> : le pr\u00e9fet d\u2019Alger signe un arr\u00eat\u00e9 de saisie ordonnant le retrait imm\u00e9diat de ces cartes, jug\u00e9es \u00ab subversives \u00bb.<\/p>\n<\/li>\n \u00c9t\u00e9 1952<\/strong> : op\u00e9rations de police dans plusieurs quartiers d\u2019Alger et grandes villes du pays pour confisquer ces cartes ; arrestations ponctuelles de militants.<\/p>\n<\/li>\n Cons\u00e9quence<\/strong> : l\u2019image de Messali devient encore plus populaire aupr\u00e8s du peuple alg\u00e9rien, le transformant en symbole de r\u00e9sistance.<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n<\/blockquote>\n L\u2019administration coloniale \u00e9tait alors en pleine guerre contre l\u2019image de Messali. \u00c0 cette \u00e9poque, Messali Hadj avait \u00e9t\u00e9 emprisonn\u00e9 ou assign\u00e9 \u00e0 r\u00e9sidence \u00e0 de nombreuses reprises. Ses \u00e9crits \u00e9taient censur\u00e9s, ses discours interdits, et voil\u00e0 que l\u2019on voulait d\u00e9sormais interdire… son visage. Car ces cartes postales, diffus\u00e9es parmi les sympathisants du Mouvement pour le Triomphe des Libert\u00e9s D\u00e9mocratiques (MTLD), circulaient comme des symboles de ralliement. Elles repr\u00e9sentaient une Alg\u00e9rie en lutte, un peuple refusant l\u2019effacement, et surtout, un homme devenu ic\u00f4ne.<\/p>\n L\u2019arr\u00eat\u00e9 pr\u00e9cise que \u00ab tous officiers de police du d\u00e9partement d\u2019Alger sont requis \u00e0 l\u2019effet de saisir les cartes postales sus-indiqu\u00e9es partout o\u00f9 besoin sera \u00bb<\/em>. Et le dispositif mis en place est large : police, gendarmerie, administrateurs, chefs de communes… Tous mobilis\u00e9s pour chasser quelques morceaux de carton imprim\u00e9s.<\/p>\n Cet \u00e9pisode dit tout de la f\u00e9brilit\u00e9 du pouvoir colonial \u00e0 ce moment-l\u00e0.<\/em> Quand un portrait imprim\u00e9 devient plus subversif qu\u2019un tract politique, c\u2019est que la peur a chang\u00e9 de camp. Le r\u00e9gime colonial comprenait que l\u2019image de Messali Hadj cristallisait l\u2019espoir de millions d\u2019Alg\u00e9riens.<\/p>\n Et cet espoir avait une voix, et un geste inoubliable, celui qui avait embras\u00e9 Alger quelques ann\u00e9es plus t\u00f4t, le 2 ao\u00fbt 1936<\/strong>, au stade municipal d\u2019Alger<\/strong> (actuel stade El Annasser), lors du grand meeting du Congr\u00e8s musulman :<\/p>\n Messali Hadj, re\u00e7u par le v\u00e9n\u00e9r\u00e9 Cheikh Ben Badis, prend la parole devant plus de 20 000 Alg\u00e9riens venus de toutes les r\u00e9gions. Il d\u00e9nonce \u00e0 pleine voix le programme colonial du gouvernement Violette\/Blum qui voulait rattacher l\u2019Alg\u00e9rie \u00e0 la France :<\/p>\n \u00ab Au nom de l\u2019\u00c9toile Nord-Africaine, nous rejetons de toutes nos forces le programme du colonialisme. Nous r\u00e9clamons haut et fort l\u2019ind\u00e9pendance totale de l\u2019Alg\u00e9rie, et nous sommes pour la cr\u00e9ation d\u2019un Parlement alg\u00e9rien \u00e9lu au suffrage universel, sans distinction de race, de religion. \u00bb<\/strong><\/p>\n Puis, dans un geste fort, il se met \u00e0 genoux, ramasse une poign\u00e9e de terre alg\u00e9rienne et la montre \u00e0 la foule en criant :<\/p>\n \u00ab Cette terre b\u00e9nie est la n\u00f4tre, elle appartient \u00e0 l\u2019Alg\u00e9rie et aux Alg\u00e9riens. Elle n\u2019est ni \u00e0 vendre, ni \u00e0 acheter, ni \u00e0 hypoth\u00e9quer ; ses h\u00e9ritiers sont l\u00e0 et l\u2019\u00c9toile Nord-Africaine y veillera. \u00bb<\/strong><\/p>\n Ce moment d\u00e9clenche une ferveur immense : Messali est port\u00e9 en triomphe par la foule qui scande \u00ab Vive l\u2019ind\u00e9pendance de l\u2019Alg\u00e9rie ! \u00bb<\/strong>.<\/p>\n Ce geste marquera profond\u00e9ment la m\u00e9moire nationale. Bien plus tard, en 1992, le pr\u00e9sident feu Mohamed Boudiaf d\u00e9clarera avec force que \u00ab la R\u00e9volution du 1er Novembre 1954 est n\u00e9e le 2 ao\u00fbt 1936 au Stade municipal d\u2019Alger, autour de Messali Hadj qui a r\u00e9veill\u00e9 la conscience nationale \u00bb<\/em>.<\/p>\n Le projet Violette \/ Blum : une tentative de dilution coloniale<\/strong><\/p>\n Le \u00ab projet Blum-Violette \u00bb \u00e9tait un plan pr\u00e9par\u00e9 en 1936 sous le gouvernement de L\u00e9on Blum (Front populaire) et le gouverneur g\u00e9n\u00e9ral Maurice Violette. Sous couvert de r\u00e9formes, il visait \u00e0 int\u00e9grer une petite \u00e9lite alg\u00e9rienne musulmane (environ 25 000 personnes) aux droits civiques fran\u00e7ais, tout en laissant intact le syst\u00e8me colonial pour la majorit\u00e9.<\/p>\n Ce projet fut per\u00e7u par les nationalistes alg\u00e9riens comme une man\u0153uvre pour briser le mouvement ind\u00e9pendantiste en cr\u00e9ant une caste de notables assimil\u00e9s. La r\u00e9ponse de Messali Hadj au meeting du 2 ao\u00fbt 1936 fut une condamnation claire de cette politique et un appel au rejet de toute \u00ab francisation \u00bb forc\u00e9e de l\u2019Alg\u00e9rie.<\/p>\n<\/blockquote>\n Aujourd\u2019hui, plus de 70 ans plus tard, cet arr\u00eat\u00e9 de saisie r\u00e9sonne comme un symbole de cette \u00e9poque o\u00f9 le moindre signe de dignit\u00e9 alg\u00e9rienne \u00e9tait traqu\u00e9. Messali Hadj, dans son exil int\u00e9rieur, avait d\u00e9j\u00e0 gagn\u00e9 une bataille : celle de l\u2019existence dans les c\u0153urs.<\/p>\n Puissent ces souvenirs raviver notre m\u00e9moire collective et rappeler que le combat pour la libert\u00e9 ne s\u2019\u00e9teint jamais tant que des hommes et des femmes portent les id\u00e9es et les images de leur lutte.<\/p>\n\n
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