L\u2019Histoire<\/em> (juin 2025)<\/a>, o\u00f9 il revient sur l\u2019\u00e9volution des mentalit\u00e9s face au pass\u00e9 de la conqu\u00eate de l\u2019Alg\u00e9rie. Mais derri\u00e8re cet optimisme apparent, plusieurs non-dits et angles morts subsistent.<\/p>\u00a0<\/p>
Tout est parti d\u2019une pol\u00e9mique : le 25 f\u00e9vrier 2025, sur RTL, Jean-Michel Aphatie a os\u00e9 comparer le massacre d\u2019Oradour-sur-Glane \u00e0 ceux perp\u00e9tr\u00e9s en Alg\u00e9rie. Une comparaison qui a choqu\u00e9 certains, r\u00e9v\u00e9lant combien la France peine toujours \u00e0 assumer son histoire coloniale.<\/p>
Benjamin Stora, historien bien connu du dossier, minimise : pour lui, l\u2019analogie d\u2019Aphatie visait \u00e0 \u201cd\u00e9cloisonner\u201d les m\u00e9moires. Depuis longtemps, Stora milite pour une meilleure connaissance de cette histoire, en saluant le travail de pionniers comme Charles-Andr\u00e9 Julien ou Robert Ageron.<\/p>
Il note que la recherche sur la conqu\u00eate de l\u2019Alg\u00e9rie s\u2019est densifi\u00e9e ces vingt derni\u00e8res ann\u00e9es, stimul\u00e9e par la publication de m\u00e9moires de soldats, de harkis, de pieds-noirs \u2014 1,5 million de soldats fran\u00e7ais ayant combattu en Alg\u00e9rie, rappelle-t-il. La question centrale reste : quelle \u00e9tait l\u2019origine de cette violence ?<\/em> Vengeance, ressentiment, volont\u00e9 d\u2019humilier ? Autant de pistes que les historiens explorent.<\/p>\u00a0<\/p>
Mais Stora ne s\u2019arr\u00eate pas au travail des chercheurs. Selon lui, le changement des mentalit\u00e9s passe par une m\u00e9diation sociale plus large : \u00e9cole, m\u00e9dias, r\u00e9seaux sociaux, d\u00e9bats publics. \u201cLes Fran\u00e7ais sont m\u00fbrs pour affronter cette histoire\u201d, dit-il.<\/p>
On peut nuancer cet optimisme. Car si des avanc\u00e9es existent (reconnaissance des massacres de S\u00e9tif, Guelma, Kherrata de 1945, de l\u2019assassinat de Maurice Audin, des exactions de l\u2019OAS…), la m\u00e9moire coloniale continue d\u2019alimenter les crispations franco-alg\u00e9riennes.<\/p>
La preuve ?<\/em> Le climat actuel autour de la loi de 2005 sur les \u201caspects positifs\u201d de la colonisation n\u2019est toujours pas apais\u00e9. Les discours d\u2019extr\u00eame droite exploitent r\u00e9guli\u00e8rement ces m\u00e9moires bless\u00e9es. Et c\u00f4t\u00e9 alg\u00e9rien, la demande de reconnaissance des crimes coloniaux reste vive : le pr\u00e9sident Tebboune a ainsi r\u00e9it\u00e9r\u00e9 en 2024 le souhait d\u2019une commission historique bilat\u00e9rale.<\/p>\u00a0<\/p>
Le d\u00e9bat, souligne Stora, ne doit pas se limiter \u00e0 la guerre d\u2019ind\u00e9pendance (1954-1962), mais aussi int\u00e9grer la conqu\u00eate et la colonisation d\u00e8s 1830. C\u2019est l\u00e0 que les tensions m\u00e9morielles sont les plus vives.<\/p>
Enfin, Stora insiste sur l\u2019importance de replacer la m\u00e9moire coloniale dans le cadre d\u2019un r\u00e9cit m\u00e9diterran\u00e9en global. La colonisation fran\u00e7aise en Alg\u00e9rie n\u2019est pas un fait isol\u00e9 mais s\u2019inscrit dans un vaste mouvement imp\u00e9rialiste.<\/p>
\u00a0<\/p>
Mon avis ?<\/em> Il y a du vrai dans l\u2019id\u00e9e que \u201cles esprits sont m\u00fbrs\u201d \u2014 mais m\u00fbrs jusqu\u2019\u00e0 quel point ?<\/em><\/p><\/blockquote>Si l\u2019on observe les d\u00e9bats publics fran\u00e7ais, les r\u00e9sistances restent fortes : d\u00e8s qu\u2019un responsable politique ou un intellectuel \u00e9voque les violences coloniales, la machine \u00e0 pol\u00e9miques se r\u00e9active. La peur d’\u201cab\u00eemer l\u2019image de la France\u201d demeure puissante.<\/p>
En Alg\u00e9rie, la jeunesse reste profond\u00e9ment marqu\u00e9e par ces blessures non reconnues. Le travail historique est donc essentiel, mais doit s\u2019accompagner d\u2019une reconnaissance politique claire.<\/p>
Le \u201cdialogue des m\u00e9moires\u201d que Stora appelle de ses v\u0153ux reste inachev\u00e9. Et c\u2019est peut-\u00eatre moins un probl\u00e8me de maturit\u00e9 des esprits\u2026 qu\u2019un probl\u00e8me de volont\u00e9 politique.<\/p>
\u00a0<\/p><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/article>En effet plusieurs angles morts m\u00e9ritent d\u2019\u00eatre rappel\u00e9s :<\/p><\/blockquote>
1\ufe0f\u20e3 Le poids des lobbies d\u2019anciens d\u2019Alg\u00e9rie : <\/strong>Malgr\u00e9 les avanc\u00e9es historiographiques, le poids politique des r\u00e9seaux nostalgiques de l\u2019Alg\u00e9rie fran\u00e7aise reste consid\u00e9rable en France. Associations d\u2019anciens combattants, r\u00e9seaux de pieds-noirs, groupes parlementaires influents freinent encore toute reconnaissance officielle des crimes coloniaux.<\/p>2\ufe0f\u20e3 L\u2019instrumentalisation politique de la m\u00e9moire : <\/strong>La m\u00e9moire coloniale est un levier \u00e9lectoral redoutable. \u00c0 l\u2019extr\u00eame droite bien s\u00fbr, mais aussi dans certains segments de la droite r\u00e9publicaine, qui n\u2019h\u00e9sitent pas \u00e0 enflammer les d\u00e9bats d\u00e8s qu\u2019une avanc\u00e9e m\u00e9morielle est envisag\u00e9e. En t\u00e9moignent les r\u00e9actions violentes apr\u00e8s le rapport Stora de 2021 ou apr\u00e8s les discours de Macron \u00e0 S\u00e9tif et Alger.<\/p>3\ufe0f\u20e3 Le double langage de l\u2019\u00c9tat fran\u00e7ais : <\/strong>Emmanuel Macron a souffl\u00e9 le chaud et le froid : discours de reconnaissance d\u2019un c\u00f4t\u00e9, refus de \u201crepentance\u201d de l\u2019autre. Cette ambigu\u00eft\u00e9 alimente l\u2019incompr\u00e9hension des Alg\u00e9riens, pour qui les crimes du colonialisme ne peuvent \u00eatre sold\u00e9s par de simples gestes symboliques.<\/p>4\ufe0f\u20e3 Le silence sur les r\u00e9parations : <\/strong>Le mot-cl\u00e9 absent de l\u2019entretien est bien celui-l\u00e0 : r\u00e9parations<\/em>. Or, pour de nombreux Alg\u00e9riens et pour une partie des chercheurs, sans r\u00e9flexion sur les cons\u00e9quences \u00e9conomiques, sociales et humaines de la colonisation, le travail m\u00e9moriel restera incomplet.<\/p>5\ufe0f\u20e3 Une histoire trop franco-fran\u00e7aise : <\/strong>Enfin, comme le souligne Stora lui-m\u00eame \u00e0 demi-mot, l\u2019histoire de la conqu\u00eate et de la colonisation de l\u2019Alg\u00e9rie n\u2019est pas qu\u2019une affaire franco-alg\u00e9rienne : elle s\u2019inscrit dans une dynamique imp\u00e9riale plus large, m\u00e9diterran\u00e9enne et mondiale. Cet \u00e9largissement du regard reste timide dans le d\u00e9bat public.<\/p><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/div><\/article>\t\t\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/section>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t","protected":false},"excerpt":{"rendered":"Hope&ChaDia Petit \u00e0 petit, le r\u00e9cit colonial fran\u00e7ais sort de l\u2019ombre. C\u2019est du moins ce qu\u2019affirme Benjamin Stora dans un entretien accord\u00e9…<\/p>\n","protected":false},"author":50,"featured_media":115781,"comment_status":"open","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_lmt_disableupdate":"","_lmt_disable":"","footnotes":""},"categories":[32,39,42],"tags":[],"class_list":["post-115777","post","type-post","status-publish","format-standard","has-post-thumbnail","hentry","category-algerie","category-articles-en-vedette","category-histoire-et-patrimoine"],"yoast_head":"\n
Les esprits sont m\u00fbrs\u2026 ou presque : quand Benjamin Stora sonde les m\u00e9moires de la conqu\u00eate de l\u2019Alg\u00e9rie - AAH.JZR<\/title>\n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n\t \n\t \n\t \n \n \n \n\t \n\t \n\t \n