Il y a des hasards qui n\u2019en sont pas.
\nPeu le savent, mais le logo de Starbucks repr\u00e9sente la reine Esther, figure biblique dont l\u2019histoire fut r\u00e9investie par l\u2019imaginaire politique isra\u00e9lien contemporain. Un d\u00e9tail que M. Boukrouh semble avoir lui aussi remis au go\u00fbt du jour, en rappelant que cette Esther fut plac\u00e9e dans le harem du roi perse pour mieux renverser le pouvoir de l\u2019int\u00e9rieur. Un r\u00e9cit mill\u00e9naire\u2026 qui s\u2019invite aujourd\u2019hui dans la guerre secr\u00e8te entre Isra\u00ebl et l\u2019Iran.<\/p>\n
En effet, Le logo de Starbucks, avec sa myst\u00e9rieuse sir\u00e8ne couronn\u00e9e, cache en r\u00e9alit\u00e9 une r\u00e9f\u00e9rence biblique : la reine Esther, h\u00e9ro\u00efne d\u2019un livre fondamental pour l\u2019imaginaire juif. Cette figure f\u00e9minine fut plac\u00e9e dans le harem d\u2019un roi perse, avant d\u2019orchestrer un retournement fatal contre ceux qui ”mena\u00e7aient” les siens. Une strat\u00e9gie d\u2019infiltration, d\u2019attente, puis d\u2019extermination \u00ab l\u00e9gitime \u00bb. Ce n\u2019est pas de l\u2019arch\u00e9ologie : c\u2019est une grille de lecture vivante, r\u00e9activ\u00e9e \u00e0 haut niveau, comme l\u2019a montr\u00e9 un geste tr\u00e8s pr\u00e9cis de Benjamin Netanyahou en 2012.<\/p>\n
Invit\u00e9 \u00e0 la Maison-Blanche, le Premier ministre isra\u00e9lien offre \u00e0 Barack Obama un exemplaire du Livre d\u2019Esther. Mais ce n\u2019est pas un pr\u00e9sent diplomatique neutre. En le lui remettant, Netanyahou lui chuchote : \u00ab Lui aussi voulait nous an\u00e9antir \u00bb, en r\u00e9f\u00e9rence au vizir Aman, ”ennemi” des Juifs dans le r\u00e9cit ancien. Quelques heures plus tard, devant l\u2019AIPAC, le plus puissant lobby pro-isra\u00e9lien des \u00c9tats-Unis, il encha\u00eene avec un discours martial :
\n\u00ab Nous avons donn\u00e9 du temps \u00e0 la diplomatie. Nous avons donn\u00e9 du temps aux sanctions. Nous ne pouvons plus attendre davantage. Je ne laisserai jamais mon peuple vivre sous la menace d\u2019un an\u00e9antissement. \u00bb<\/p>\n
Ce double acte \u2014 un geste religieux suivi d\u2019une d\u00e9claration militaire \u2014 condense tout ce que Noureddine Boukrouh d\u00e9plie dans ses deux interventions r\u00e9centes. D\u2019abord, dans \u00ab Iraniens, taisez-vous \u00e0 jamais ! \u00bb, il condamne avec v\u00e9h\u00e9mence ”l\u2019inaction” iranienne apr\u00e8s la frappe du 13 juin, appelant \u00e0 un long silence national en guise de honte. Puis, dans \u00ab L\u2019Iran et le Mossad, une vieille histoire\u2026 \u00bb, une prise de conscience? il remonte \u00e0 la profondeur du r\u00e9cit, \u00e0 la dimension doctrinale du conflit.<\/p>\n
Et l\u00e0, le constat devient vertigineux : dans la vision sioniste, la violence n\u2019est pas une faute. Elle est un droit sacr\u00e9. Une m\u00e9moire activable. Le Livre d\u2019Esther ne raconte pas seulement une vengeance : il institue une l\u00e9gitimation pr\u00e9ventive de l\u2019extermination. Lorsque Netanyahou s\u2019y r\u00e9f\u00e8re pour parler de l\u2019Iran, il ne fait pas de po\u00e9sie : il trace une ligne rouge th\u00e9ologique. Le g\u00e9nocide est permis, si ”l\u2019ennemi” r\u00e9active les figures du pass\u00e9.<\/p>\n
Et c\u2019est l\u00e0 que Boukrouh va plus loin que la simple analyse strat\u00e9gique. Il met en lumi\u00e8re la structure mentale d\u2019une doctrine qui inscrit la l\u00e9gitime d\u00e9fense dans la m\u00e9moire ”d\u2019un massacre fondateur”. Isra\u00ebl, selon cette logique, ne bombarde pas pour dissuader, mais pour r\u00e9actualiser l\u2019ordre d\u2019Esther : d\u00e9truire avant d\u2019\u00eatre d\u00e9truit. Sans distinction d\u2019\u00e2ge, de sexe, ou m\u00eame d\u2019intention \u2014 \u00ab y compris les enfants et les femmes \u00bb, comme le roi Assu\u00e9rus l\u2019a d\u00e9cr\u00e9t\u00e9 sous l\u2019influence d\u2019Esther, dans la version biblique.<\/p>\n
Dans ce cadre, le Mossad n\u2019est plus un service de renseignement classique. Il est l\u2019agent de l\u2019anticipation messianique. Il infiltre, pi\u00e8ge, d\u00e9sorganise, humilie \u2014 non pas seulement pour gagner une guerre, mais pour \u00e9crire la guerre selon un r\u00e9cit mythologique. D\u2019o\u00f9 peut etre cette fascination qu\u2019exprime Boukrouh : la pr\u00e9cision de la frappe isra\u00e9lienne du 13 juin, capable de toucher des cibles \u00e0 1500 km sans mettre le feu au foin, est une \u0153uvre technico-th\u00e9ologique. Un acte rituel camoufl\u00e9 en op\u00e9ration militaire.<\/p>\n
Face \u00e0 cela, l\u2019Iran gesticule. Il promet, il parade, mais ne riposte pas disait Boukrouh, dans son premier texte, et semble le bl\u00e2mer plus encore pour cette impuissance symbolique que pour l\u2019\u00e9chec militaire. Car dans un monde o\u00f9 l\u2019ennemi inscrit son droit \u00e0 tuer dans un vieux livre sacr\u00e9, ne pas r\u00e9pondre, c\u2019est accepter le r\u00f4le de la victime d\u00e9sign\u00e9e.<\/p>\n
La profondeur des causes, chez Boukrouh, c\u2019est donc celle du mythe. Il ne nous parle plus de diplomatie, de sanctions, ou de g\u00e9opolitique ordinaire. Il nous tend un miroir :<\/p>\n
Et si nous \u00e9tions les seuls \u00e0 ne pas comprendre que l\u2019adversaire ne joue pas avec des r\u00e8gles, mais avec des proph\u00e9ties ?
\nEt si l\u2019histoire du Moyen-Orient se d\u00e9cidait toujours entre un livre offert\u2026 et un discours prononc\u00e9 ?<\/p>\n
Et que, depuis 2500 ans, la conclusion demeure la m\u00eame : \u00ab \u2026 y compris les enfants et les femmes. \u00bb<\/p>\n
Mais ce n\u2019est pas qu\u2019un lointain souvenir biblique. Aujourd\u2019hui encore, Esther est partout \u2014 jusque sur les gobelets en carton de millions de caf\u00e9s vendus chaque jour \u00e0 travers le monde. Le logo de Starbucks, inspir\u00e9 de cette figure mythique, semble anodin\u2026 mais il devient symbole quand on sait que l\u2019entreprise est l\u2019un des plus grands soutiens \u00e9conomiques et m\u00e9diatiques \u00e0 Isra\u00ebl.<\/p>\n
Comme si l\u2019histoire, \u00e0 force de se r\u00e9p\u00e9ter, finissait par se boire \u00e0 emporter.<\/p>\n
\u2014<\/p>\n
Hope&ChaDia<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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