{"id":92379,"date":"2023-11-03T14:30:02","date_gmt":"2023-11-03T13:30:02","guid":{"rendered":"https:\/\/jazairhope.org\/?p=92379"},"modified":"2023-11-29T13:40:42","modified_gmt":"2023-11-29T12:40:42","slug":"aspects-geopolitiques-du-conflit-en-palestine","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/jazairhope.org\/fr\/aspects-geopolitiques-du-conflit-en-palestine\/","title":{"rendered":"ASPECTS G\u00c9OPOLITIQUES DU CONFLIT EN PALESTINE"},"content":{"rendered":"
\u00a0par: daniele Perra<\/p>\n
Introduction<\/strong><\/p>\n Dans un article publi\u00e9 sur le site Eurasia. Rivista di studi geopolitici, dat\u00e9 du 20 septembre 2020 et intitul\u00e9 “Le d\u00e9clin des \u00c9tats-Unis et l’axe islamo-confuc\u00e9en”, l’auteur fait ouvertement r\u00e9f\u00e9rence au fait que la coop\u00e9ration retrouv\u00e9e entre les diff\u00e9rentes composantes de la r\u00e9sistance antisioniste, suite aux divisions apparues apr\u00e8s l’agression contre la Syrie, aurait pu constituer une “certaine menace” pour la s\u00e9curit\u00e9 de l'”\u00c9tat juif”. En particulier, on a tent\u00e9 de montrer comment le r\u00f4le actif de la R\u00e9publique islamique d’Iran dans le soutien \u00e0 des groupes tels que le Hamas et le Jihad islamique aurait pu accro\u00eetre consid\u00e9rablement ses capacit\u00e9s militaires jusqu’\u00e0 un niveau similaire, au moins, \u00e0 celui d’Ansarullah au Y\u00e9men (qui a partag\u00e9 pendant des ann\u00e9es le sort de la bande de Gaza en termes d’embargo et de si\u00e8ge) [1]. Dans un autre article publi\u00e9 sur le m\u00eame site (le 13 mai 2021) pour analyser la dynamique de l’attaque sioniste contre le quartier de Sheikh Jarrah \u00e0 J\u00e9rusalem-Est, il a \u00e9t\u00e9 avanc\u00e9 que cette “aide iranienne”, compte tenu de la situation particuli\u00e8re de la bande de Gaza, aurait eu les caract\u00e9ristiques d’un simple transfert de logistique, de donn\u00e9es et d’informations pour la construction d’une technologie militaire (m\u00eame rudimentaire) sur le terrain [2].<\/p>\n \u00c0 la lumi\u00e8re de ce qui s’est pass\u00e9 \u00e0 la suite de l’op\u00e9ration “Temp\u00eate al-Aqsa”, on peut dire (sans crainte d’\u00eatre contredit) que ces consid\u00e9rations n’\u00e9taient pas enti\u00e8rement erron\u00e9es. En m\u00eame temps, les \u00e9v\u00e9nements r\u00e9cents, avec l’emprise sioniste sur la bande de Gaza qui ne cesse de se resserrer et la volont\u00e9 g\u00e9nocidaire affich\u00e9e de la direction militaire isra\u00e9lienne elle-m\u00eame (le g\u00e9n\u00e9ral Ghassan Alian, par exemple, en plus de comparer le Hamas \u00e0 ISIS, a explicitement apostroph\u00e9 toute la population de Gaza en la qualifiant d'”animatx humains” et en lui promettant l’enfer) m\u00e9ritent d’\u00eatre examin\u00e9s en d\u00e9tail, \u00e0 la fois pour en donner une interpr\u00e9tation g\u00e9opolitique et pour d\u00e9construire le r\u00e9cit “occidental”, une fois de plus bas\u00e9 sur le sch\u00e9ma \u00e9l\u00e9mentaire “il y a un agresseur et un agress\u00e9”, qui est toujours utile pour inverser la responsabilit\u00e9 d’une trag\u00e9die, en ignorant ses causes au fil du temps. \u00c0 cette fin, cette contribution sera divis\u00e9e en deux parties: la premi\u00e8re partie analysera les donn\u00e9es politico-militaires, tandis que la seconde partie se concentrera sur certains aspects g\u00e9o-historiques du conflit arabo-sioniste.<\/p>\n Le fait politico-militaire<\/strong><\/p>\n Presque tous les observateurs occidentaux ont \u00e9t\u00e9 surpris par la complexit\u00e9 de l’attaque men\u00e9e par le mouvement de r\u00e9sistance islamique le 6 octobre contre l’entit\u00e9 sioniste (une attaque men\u00e9e sur terre, sur mer et dans les airs gr\u00e2ce \u00e0 l’utilisation combin\u00e9e de canots pneumatiques, de parapentes motoris\u00e9s et au lancement, en grandes quantit\u00e9s, de diff\u00e9rents types de roquettes capables de submerger et de p\u00e9n\u00e9trer le syst\u00e8me de d\u00e9fense antimissile Iron Dome, construit gr\u00e2ce aux g\u00e9n\u00e9reuses contributions des administrations am\u00e9ricaines de ces derni\u00e8res ann\u00e9es, en particulier celle d’Obama). Parmi ces diff\u00e9rents types de roquettes, se distinguent les Qassam 1 et 2 (dont la production est assez simple et bon march\u00e9, compte tenu du fait qu’elles utilisent g\u00e9n\u00e9ralement des mat\u00e9riaux provenant de d\u00e9chets de construction), les Abu Shamala ou SH-85 (nomm\u00e9es en l’honneur de Muhammad Abu Shamala, commandant de l’aile militaire du Hamas d\u00e9c\u00e9d\u00e9 en 2014), les Fajr-3 et Fajr-4 de fabrication iranienne (bien que construites avec une technologie nord-cor\u00e9enne bas\u00e9e sur d’anciens syst\u00e8mes de missiles \u00e0 lancement multiple sovi\u00e9tiques) et les missiles R-160 de fabrication syrienne. La pr\u00e9sence de fusils M4 de fabrication am\u00e9ricaine dans l’arsenal militaire du Hamas est \u00e9galement surprenante. \u00c0 cet \u00e9gard, pour \u00e9viter les sp\u00e9culations politiques fantaisistes et inutiles selon lesquelles le Hamas serait alli\u00e9 au Mossad (sic !) et ainsi de suite, il est n\u00e9cessaire de rappeler que la principale source d’armement du mouvement de r\u00e9sistance est (in\u00e9vitablement) le march\u00e9 noir. Sans parler des arsenaux entiers abandonn\u00e9s par les Occidentaux apr\u00e8s l’ind\u00e9cente fuite d’Afghanistan, il est important de rappeler que toujours dans les colonnes d’Eurasia (reprenant \u00e9galement une enqu\u00eate du Washington Post, pas vraiment une publication que l’on peut accuser d’\u00eatre l’expression de la propagande russe) [3], il avait d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 soulign\u00e9 que l’important flux d’armes occidentales vers Kiev finirait d’une certaine mani\u00e8re par alimenter le march\u00e9 ill\u00e9gal des mati\u00e8res premi\u00e8res (une pratique dans laquelle l’Ukraine ind\u00e9pendante a historiquement jou\u00e9 un r\u00f4le de premier plan, notamment gr\u00e2ce \u00e0 l’un des taux de corruption les plus \u00e9lev\u00e9s au monde). Par cons\u00e9quent, il ne serait pas du tout improbable qu’un certain nombre (aussi petit soit-il) de ces armes se retrouvent dans la bande de Gaza (des armes fabriqu\u00e9es en Occident, par exemple, tr\u00e8s probablement par l’interm\u00e9diaire de l’ISI pakistanais, ont \u00e9galement \u00e9t\u00e9 trouv\u00e9es parmi les miliciens cachemiri oppos\u00e9s \u00e0 l’occupation de la r\u00e9gion par l’Inde).<\/p>\n Dans ce cas, le fait \u00e0 analyser est l’\u00e9chec patent des services sionistes qui, par le pass\u00e9, ont \u00e9t\u00e9 particuli\u00e8rement habiles \u00e0 infiltrer les territoires de la bande de Gaza et les rangs du Hamas. Comme nous l’avons d\u00e9j\u00e0 mentionn\u00e9, certains maintiennent encore la th\u00e8se de l’alliance cach\u00e9e ou de la cr\u00e9ation isra\u00e9lienne du Hamas. Pour \u00eatre juste, il serait correct de dire que, au moins dans un premier temps (c’est-\u00e0-dire au tournant des ann\u00e9es 1980 et 1990), que ce soit pour affaiblir le leadership “nationaliste” de l’OLP au sein de la lutte palestinienne ou pour pratiquer la division et la domination au sein des factions de la R\u00e9sistance \u00e0 l’occupation sioniste, Isra\u00ebl n’a pas particuli\u00e8rement emp\u00each\u00e9 la mont\u00e9e en puissance du Hamas. Il convient de rappeler que celle-ci s’inscrit dans la pratique socio-politique du mouvement dont il est issu, les Fr\u00e8res musulmans (organisation n\u00e9e en Egypte en 1928 qui s’est donn\u00e9 pour objectif de repenser l’Umma islamique apr\u00e8s l’abolition du califat par la Turquie k\u00e9maliste), qui ont b\u00e2ti leur fortune sur la cr\u00e9ation d’organisations caritatives (h\u00f4pitaux, orphelinats, \u00e9coles et instituts pour les couches les plus faibles de la population) qui ont \u00e9t\u00e9 l’\u00e9pine dorsale de leur succ\u00e8s dans un contexte \u00e9conomique extr\u00eamement pr\u00e9caire comme celui de la bande de Gaza. Un succ\u00e8s qui a repr\u00e9sent\u00e9, pour le moins, une grave erreur d’appr\u00e9ciation de la part de l’appareil s\u00e9curitaire sioniste. Les difficult\u00e9s (dues en partie aussi \u00e0 l’am\u00e9lioration des capacit\u00e9s de contre-espionnage du Hamas, autre aspect li\u00e9 \u00e0 une collaboration plus \u00e9troite avec T\u00e9h\u00e9ran) ne peuvent \u00eatre dissoci\u00e9es des profondes divisions internes de la soci\u00e9t\u00e9 isra\u00e9lienne (marqu\u00e9es par des tensions ethniques et m\u00eame religieuses croissantes – la croissance des communaut\u00e9s orthodoxes refusant le service militaire ne peut \u00eatre sous-estim\u00e9e -, l’obsession du d\u00e9passement d\u00e9mographique arabe et un choc inhabituel, pour Isra\u00ebl, entre les sommets politique et militaire). M\u00eame les appels \u00e0 l’unit\u00e9 nationale de Benjamin Netanyahou (durement critiqu\u00e9 \u00e0 la fois pour son projet controvers\u00e9 de r\u00e9forme du syst\u00e8me judiciaire et pour sa politique de “tol\u00e9rance z\u00e9ro” \u00e0 l’\u00e9gard de toute revendication palestinienne, aussi minime soit-elle) n’ont pas eu l’effet escompt\u00e9. En particulier, le Premier ministre a \u00e9t\u00e9 attaqu\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises, tant par les milieux “progressistes” et “lib\u00e9raux” (comme le quotidien historique “Haaretz”) que par les milieux conservateurs plus rigides.<\/p>\n Aux difficult\u00e9s politiques et sociales internes \u00e9videntes (jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent, la principale menace pour Isra\u00ebl reste la fragmentation de son tissu social, \u00e0 l’instar du reste de l’Occident), s’ajoutent des difficult\u00e9s d’ordre militaire. Les d\u00e9clarations initiales de M. Netanyahu concernant l’entr\u00e9e imminente des forces arm\u00e9es isra\u00e9liennes dans la bande de Gaza se sont heurt\u00e9es \u00e0 la vision plus “prudente” de la direction militaire, qui semble actuellement opter principalement pour un lent \u00e9tranglement de la bande, soumis \u00e0 des bombardements “pr\u00e9paratoires” constants et \u00e0 l’interruption de l’approvisionnement en nourriture, en eau et en \u00e9lectricit\u00e9. Cette situation, qui met en \u00e9vidence l’hypocrisie traditionnelle de l’Occident (qui, contrairement aux attaques russes contre l’infrastructure \u00e9nerg\u00e9tique de l’Ukraine, ne semble pas dispos\u00e9 \u00e0 accuser Isra\u00ebl de crimes de guerre), met en lumi\u00e8re les risques et les co\u00fbts d’une campagne militaire terrestre dans un contexte urbain dens\u00e9ment peupl\u00e9. Ce n’est pas une co\u00efncidence si les centres de recherche am\u00e9ricains (dans le sillage des deux conflits tch\u00e9tch\u00e8nes de la derni\u00e8re d\u00e9cennie du 20\u00e8me si\u00e8cle) ont d\u00e9fini le combat urbain comme la caract\u00e9ristique d\u00e9terminante des conflits du nouveau mill\u00e9naire. Un type de combat qui favorise presque toujours le d\u00e9fenseur et qui, selon les experts en tactique militaire, ne peut r\u00e9ussir que si l’attaquant dispose d’un avantage num\u00e9rique \u00e9vident (6 \u00e0 10 contre 1 sur l’adversaire) [4]. Les Am\u00e9ricains eux-m\u00eames ont rencontr\u00e9 des difficult\u00e9s \u00e0 Falloujah et, malgr\u00e9 un avantage num\u00e9rique consid\u00e9rable (environ 15.000 contre 3000 insurg\u00e9s), n’ont r\u00e9ussi \u00e0 s’imposer qu’en rasant des quartiers entiers de la ville. La Russie, pour sa part, \u00e0 l’exception du cas de Marioupol (ville \u00e0 haute valeur strat\u00e9gique et “symbolique”) ou du “hachoir \u00e0 viande” de Bakhmout\/Artemovsk, a choisi de limiter au maximum les combats urbains dans le cadre du conflit ukrainien.<\/p>\n Or, il semble \u00e9vident que la d\u00e9couverte du syst\u00e8me ramifi\u00e9 de tunnels construits par les miliciens palestiniens \u00e0 l’int\u00e9rieur de la bande de Gaza serait loin d’\u00eatre ais\u00e9e et exposerait les forces isra\u00e9liennes \u00e0 de lourdes pertes (ce qui, le moment venu, a conduit Tel-Aviv \u00e0 abandonner ses r\u00eaves d’expansion vers le Liban). Cependant, il est tout aussi clair que la seule issue possible du conflit pour Isra\u00ebl est la “victoire totale”, c’est-\u00e0-dire la destruction du Hamas (ou du moins de sa capacit\u00e9 d’attaque). Pour atteindre cet objectif, l’entr\u00e9e dans la bande de Gaza (avec tous les risques \u00e9normes que cela comporte, y compris en termes de pression sur l’industrie de guerre occidentale d\u00e9j\u00e0 \u00e9prouv\u00e9e par le conflit ukrainien) semble in\u00e9vitable. Et pour pr\u00e9parer cette intervention, une campagne d’information a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9e dans le but de d\u00e9shumaniser et de criminaliser l’adversaire (qui doit \u00eatre identifi\u00e9 comme le “mal manifeste”). C’est dans cette optique qu’il faut interpr\u00e9ter les nouvelles (peu fiables) sur le pr\u00e9tendu massacre de mineurs dans le kibboutz de Kfar Aza, dont le but est simplement de pr\u00e9parer l’opinion publique \u00e0 un conflit prolong\u00e9 ; une pratique bien connue en Occident, depuis le tout aussi pr\u00e9tendu massacre de Ra\u010dak qui a donn\u00e9 le coup d’envoi de l’agression de l’OTAN contre la Serbie, jusqu’aux accusations infond\u00e9es contre l’Irak en 2003, en passant par la campagne de d\u00e9sinformation qui a ouvert la voie \u00e0 la destruction de la Libye (sans oublier le massacre russe jamais prouv\u00e9 de Bucha, en Ukraine). Que ces informations soient confirm\u00e9es ou non, il est curieux de constater que l’opinion publique pr\u00e9cit\u00e9e n’a pas manifest\u00e9 la moindre indignation face au meurtre (cette fois-ci aussi r\u00e9el que r\u00e9p\u00e9t\u00e9) de mineurs palestiniens dans les territoires occup\u00e9s par les forces de s\u00e9curit\u00e9 isra\u00e9liennes. Pourtant, comme le rapporte l’organisation non gouvernementale Save the Children, depuis le d\u00e9but de l’ann\u00e9e et jusqu’en septembre dernier, le massacre a atteint le triste record de 38 morts [5]. Une nouvelle d\u00e9monstration du fait qu’il n’y a pas de “nouveau conflit” en Palestine (comme le pr\u00e9tendent \u00e0 tort certains journaux italiens) – ce \u00e0 quoi nous assistons n’est que l’escalade d’un conflit qui dure d\u00e9j\u00e0 depuis plus d’une d\u00e9cennie – et du fait qu’il est tout aussi inappropri\u00e9 de pr\u00e9tendre que l’attaque du Hamas n’a pas eu d’\u00e9l\u00e9ment d\u00e9clencheur.<\/p>\n Dans ce sens, il sera \u00e9galement utile d’ouvrir un bref chapitre sur le contexte international, puisque plusieurs analystes ont soutenu la th\u00e8se selon laquelle l’op\u00e9ration du mouvement de r\u00e9sistance palestinien visait \u00e0 contrecarrer les efforts am\u00e9ricains en vue d’une normalisation “officielle” des relations entre Isra\u00ebl et l’Arabie saoudite. Cette possibilit\u00e9 ne doit pas \u00eatre \u00e9cart\u00e9e a priori, mais il convient d’apporter quelques pr\u00e9cisions :<\/p>\n a) historiquement, les relations entre le Hamas et l’Arabie saoudite n’ont jamais \u00e9t\u00e9 particuli\u00e8rement constructives (le mouvement, au contraire, a toujours \u00e9t\u00e9 soutenu par le Qatar et la Turquie, des pays qui entretiennent des relations solides avec Tel-Aviv, avec des hauts et des bas) ;<\/p>\n b) les relations entre Isra\u00ebl et l’Arabie saoudite n’ont pas besoin d’\u00eatre normalis\u00e9es de sit\u00f4t, car elles se poursuivent officieusement depuis longtemps (comme l’a fait valoir l’universitaire Madawi al-Rasheed, m\u00eame l’embargo p\u00e9trolier qui a suivi la guerre d’octobre 1973 ne peut \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme un acte hostile, compte tenu de sa dur\u00e9e extr\u00eamement limit\u00e9e) [6] ;<\/p>\n c) il n’est pas du tout acquis qu’une normalisation des relations entre Isra\u00ebl et l’Arabie saoudite (sur le mod\u00e8le des “accords d’Abraham” de Trump) conduise \u00e0 un gel du conflit en Palestine ou m\u00eame \u00e0 un nouvel accord de paix isra\u00e9lo-palestinien qui inclurait les mouvements de r\u00e9sistance islamique en plus de l’Autorit\u00e9 nationale palestinienne d\u00e9j\u00e0 largement d\u00e9l\u00e9gitim\u00e9e;<\/p>\n d) les accords de paix propos\u00e9s jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent dans le contexte occidental ont toujours \u00e9t\u00e9 unilat\u00e9raux, ignorant compl\u00e8tement les droits des deux parties (notamment le “plan\/escroc du si\u00e8cle” de l’administration Trump, qui pr\u00e9voyait, d’une part, la l\u00e9gitimation totale des colonies sionistes en Cisjordanie et, d’autre part, la cr\u00e9ation d’une entit\u00e9 nationale palestinienne d\u00e9pourvue de souverainet\u00e9, d\u00e9militaris\u00e9e et territorialement fragment\u00e9e).<\/p>\n Th\u00e9oriquement, il serait donc plus juste de dire que le r\u00e9cent accord de r\u00e9ouverture des canaux diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, parrain\u00e9 par la Chine, a en quelque sorte donn\u00e9 le feu vert au Hamas pour organiser l’attaque. Enfin, la “piste Sadate” semble exclue : en d’autres termes, l’id\u00e9e que les dirigeants du Hamas, comme le successeur de Nasser au d\u00e9but des ann\u00e9es 1970, ont cherch\u00e9 la confrontation pour montrer leur force et pouvoir n\u00e9gocier une sortie du conflit dans des conditions plus favorables. Un mouvement qui se pr\u00e9sente comme l’expression des espoirs palestiniens de revanche (ind\u00e9pendamment des \u00e9l\u00e9ments et \u00e9v\u00e9nements sans \u00e9quivoque qui ont caract\u00e9ris\u00e9 son histoire) ne peut \u00eatre compar\u00e9 aux aspirations personnelles du pr\u00e9sident d’un pays tiers, l’\u00c9gypte, dont l’objectif ultime \u00e9tait l’inclusion progressive dans l’orbite occidentale. D’ailleurs, Sadate lui-m\u00eame a \u00e9t\u00e9 victime d’une tentative d’assassinat organis\u00e9e par un groupe issu des Fr\u00e8res musulmans, alors que le pr\u00e9sident lui-m\u00eame avait r\u00e9habilit\u00e9 son nom apr\u00e8s les ann\u00e9es de pers\u00e9cution nass\u00e9riste (bien que la confr\u00e9rie ait jou\u00e9 un r\u00f4le non n\u00e9gligeable dans les \u00e9v\u00e9nements qui ont conduit au succ\u00e8s de la “r\u00e9volution” des officiers libres au d\u00e9but des ann\u00e9es 1950).<\/p>\n Aspects g\u00e9o-historiques<\/strong><\/p>\n roger-coudroy.jpgLe militant et universitaire fran\u00e7ais Gilles Munier commente ainsi, dans les pages de La Nation Europ\u00e9enne, la mort du militant de Jeune Europe Roger Coudroy, qui s’\u00e9tait rendu en Palestine dans la seconde moiti\u00e9 des ann\u00e9es 1960 pour combattre avec les Fida’iyyin : “La participation active des Europ\u00e9ens \u00e0 la lutte de lib\u00e9ration, on le comprend ais\u00e9ment, est une r\u00e9alit\u00e9 trop dangereuse pour les sionistes, qui ne peuvent accepter que la presse s’approprie l’information. Isra\u00ebl, pilier de l’imp\u00e9rialisme anglo-saxon, est une menace permanente pour tous les peuples riverains de la M\u00e9diterran\u00e9e. Accepter son existence, c’est ent\u00e9riner la politique des blocs, dont l’int\u00e9r\u00eat est de diviser pour mieux r\u00e9gner. La disparition d’Isra\u00ebl privera la 6\u00e8me flotte am\u00e9ricaine de son principal pr\u00e9texte pour traverser la M\u00e9diterran\u00e9e […] La question palestinienne et l’hypoth\u00e8que sioniste sur l’Europe sont un seul et m\u00eame probl\u00e8me, qui ne peut \u00eatre r\u00e9solu que par l’alignement de l’organisation sioniste mondiale. L’histoire montrera que Roger Coudroy, comme Che Guevara, n’est pas mort en vain”[7].<\/p>\n En d’autres termes, Munier dit qu’il ne peut y avoir de souverainet\u00e9 pour l’Europe (en g\u00e9n\u00e9ral) tant qu’Isra\u00ebl est l\u00e0. L’id\u00e9e que l’entit\u00e9 sioniste repr\u00e9sente un “pilier de l’imp\u00e9rialisme anglo-saxon” n’est pas sans fondement. Outre le fait que la flotte am\u00e9ricaine en M\u00e9diterran\u00e9e s’est rapidement rapproch\u00e9e des c\u00f4tes de l’entit\u00e9 sioniste apr\u00e8s l’attaque de la r\u00e9sistance islamique (sans parler de l’engagement de Washington \u00e0 envisager l’envoi de syst\u00e8mes d’armes compatibles avec ceux de l’arm\u00e9e isra\u00e9lienne) [8], de nombreux pr\u00e9c\u00e9dents historiques soutiennent cette th\u00e8se: du soutien inconditionnel lors du conflit d’octobre 1973 \u00e0 la d\u00e9claration de l’actuel pr\u00e9sident am\u00e9ricain Joseph R. Biden selon laquelle “si Isra\u00ebl n’existait pas, les Etats-Unis devraient en inventer un pour prot\u00e9ger les int\u00e9r\u00eats am\u00e9ricains”[9].<\/p>\n Mais l’amour de l’Occident pour Isra\u00ebl a des origines lointaines. Tout au long du 19\u00e8me si\u00e8cle, par exemple, se sont multipli\u00e9es en Grande-Bretagne des associations (pr\u00e9curseurs du “sionisme chr\u00e9tien”, de plus en plus r\u00e9pandu aujourd’hui) pr\u00f4nant le retour des Juifs en Terre Sainte (ce sont elles qui ont invent\u00e9 l’expression plus tard utilis\u00e9e par le sionisme, et absolument fausse, “un peuple sans terre pour une terre sans peuple”). Ces r\u00e9flexions purement eschatologiques s’inscrivent bient\u00f4t dans un discours plus large qui m\u00eale des aspects th\u00e9ologiques \u00e0 des consid\u00e9rations purement g\u00e9opolitiques.<\/p>\n L’homme politique britannique Benjamin Disraeli (juif s\u00e9farade converti, peut-\u00eatre pas tr\u00e8s sinc\u00e8rement, au christianisme), quelques ann\u00e9es avant de devenir Premier ministre de Sa Majest\u00e9, a par exemple publi\u00e9 plusieurs romans dans lesquels \u00e9mergeait l’id\u00e9e que la “nation juive” avait droit \u00e0 une patrie en Palestine. Dans l’un d’eux, outre l’id\u00e9e d’un protectorat britannique en Terre sainte, on peut lire : “Vous me demandez ce que je veux. Ma r\u00e9ponse est J\u00e9rusalem. Vous me demandez ce que je veux. Ma r\u00e9ponse est le Temple, tout ce que nous avons perdu, tout ce \u00e0 quoi nous aspirons…” [10].<\/p>\n En fait, l’ouverture du canal de Suez en 1869 a rendu la r\u00e9gion du Proche-Orient extr\u00eamement attrayante pour les int\u00e9r\u00eats g\u00e9opolitiques britanniques en contr\u00f4lant une route qui r\u00e9duisait consid\u00e9rablement le temps de navigation vers l’Inde (il faut aussi y voir l’un des derniers coups du colonialisme europ\u00e9en, l’agression conjointe franco-britannico-sioniste contre l’\u00c9gypte de Nasser apr\u00e8s la nationalisation du canal en 1956). Pour \u00eatre honn\u00eate, Londres s’est longtemps oppos\u00e9e \u00e0 la construction du canal, craignant un renforcement excessif de la France dans la r\u00e9gion. Mais lorsqu’elle a compris que cette strat\u00e9gie \u00e9tait vaine, elle a jou\u00e9 la carte de la p\u00e9n\u00e9tration financi\u00e8re en \u00c9gypte. Un plan qui se concr\u00e9tise alors que Disraeli est Premier ministre, en 1876, gr\u00e2ce \u00e0 l’achat de 44% des actions de la Canal Company en \u00e9change de 4 millions de livres sterling pr\u00eat\u00e9s au gouvernement britannique par la banque Rothschild (dont les propri\u00e9taires, “philanthropes” notoires, sont ceux-l\u00e0 m\u00eames qui ont maintenu \u00e9conomiquement les colonies juives en Palestine lors de la premi\u00e8re “aliyah”, qui n’a pas \u00e9t\u00e9 couronn\u00e9e de succ\u00e8s). Deux ans plus tard, le renforcement des positions britanniques dans la r\u00e9gion s’est poursuivi avec le contr\u00f4le total de Chypre apr\u00e8s le Congr\u00e8s de Berlin. Mais ce n’est que dans les premi\u00e8res d\u00e9cennies du 20\u00e8me si\u00e8cle que l’alliance entre le sionisme et la Couronne britannique est devenue explicite, gr\u00e2ce au travail inlassable de Chaim Weizmann, chimiste sp\u00e9cialis\u00e9 dans la production de poudre \u00e0 canon pour les navires, qui s’est montr\u00e9 extr\u00eamement habile pour infiltrer les dirigeants politiques britanniques et r\u00e9aliser le projet de Theodor Herzl de rallier une grande puissance europ\u00e9enne \u00e0 la cause sioniste en proposant l’\u00e9ventuelle entit\u00e9 juive comme avant-poste occidental au Levant. Herzl lui-m\u00eame a essay\u00e9 de faire la m\u00eame chose (sans succ\u00e8s) avec l’Allemagne (en fait, le p\u00e8re du sionisme politique pensait que l’allemand devrait \u00eatre la langue de l'”\u00c9tat juif”) et l’Empire ottoman. Le premier refusa pour ne pas irriter la Sublime Porte et avait en t\u00eate le projet de construction du chemin de fer Berlin-Bagdad ; le sultan ottoman, quant \u00e0 lui, malgr\u00e9 les promesses de soutien financier juif aux caisses de l’empire en difficult\u00e9, ne pouvait accepter l’offre, se pr\u00e9sentant comme le protecteur des lieux saints de l’islam.<\/p>\n Quoi qu’il en soit, avec la fameuse d\u00e9claration Balfour de 1917 (peut-\u00eatre pr\u00e9vue par le gouvernement britannique \u00e9galement pour s’assurer que l’influente et nombreuse communaut\u00e9 juive am\u00e9ricaine fasse pression sur Washington pour qu’elle intervienne directement dans la Premi\u00e8re Guerre mondiale), Londres s’engage directement \u00e0 \u00e9tablir un “foyer national pour le peuple juif en Palestine” et trahit ouvertement les accords pass\u00e9s avec les Arabes qui, dans ces m\u00eames ann\u00e9es, \u00e0 l’instigation d’agents londoniens, s’\u00e9taient rebell\u00e9s contre la domination ottomane.<\/p>\n 30699877367.jpgLe soutien britannique a naturellement conduit \u00e0 une augmentation exponentielle des agressions et des revendications sionistes en Terre sainte. C’est \u00e9galement au cours de ces ann\u00e9es que l’on a commenc\u00e9 \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 une “solution \u00e0 la question arabe”. \u00c0 cet \u00e9gard, il est possible d’identifier au moins trois tendances diff\u00e9rentes dans le sionisme. Dans un premier temps, il a \u00e9t\u00e9 pens\u00e9 comme une sorte d'”assimilation” des Arabes palestiniens, ce qui appara\u00eet fortement dans le roman “fantastique” de Theodor Herzl, Altneuland (L’ancienne nouvelle terre), publi\u00e9 en 1902, dans lequel il est affirm\u00e9 que le sionisme, en transformant la Palestine en une soci\u00e9t\u00e9 id\u00e9ale dont toute l’humanit\u00e9 devrait s’inspirer, finirait par y incorporer une population indig\u00e8ne qui ne ferait que gagner \u00e0 la pr\u00e9sence juive. L’id\u00e9e d’assimilation a cependant \u00e9t\u00e9 ouvertement critiqu\u00e9e par l’interpr\u00e8te du sionisme culturel, Asher Ginsberg. Dans un texte intitul\u00e9 La v\u00e9rit\u00e9 de la terre d’Isra\u00ebl, il \u00e9crit : “A l’ext\u00e9rieur, nous avons tendance \u00e0 croire que la Palestine d’aujourd’hui est presque compl\u00e8tement abandonn\u00e9e, une sorte de d\u00e9sert inculte, et que n’importe qui peut venir et acheter toutes les terres qu’il veut. Mais ce n’est pas la r\u00e9alit\u00e9. Les colons traitent les Arabes avec hostilit\u00e9 et cruaut\u00e9, envahissent injustement leurs propri\u00e9t\u00e9s, les battent sans vergogne et sans raison, et sont fiers de le faire […] nous sommes habitu\u00e9s \u00e0 consid\u00e9rer les Arabes comme des sauvages, des b\u00eates de somme qui ne voient ni ne comprennent ce qui se passe autour d’eux” [11].<\/p>\n Une autre tendance, en accord avec l’id\u00e9e de la “terre sans peuple” ou de la pr\u00e9sence d’un “peuple sans identit\u00e9”, est la n\u00e9gation du probl\u00e8me. Chaim Weizmanm lui-m\u00eame, en 1917, interrog\u00e9 par le penseur sioniste Arthur Ruppin sur la relation possible entre les immigrants juifs et la population palestinienne, r\u00e9pondit avec col\u00e8re : “Les Britanniques nous ont assur\u00e9 qu’en Palestine il n’y a que quelques milliers de kushim (Noirs) qui ne comptent pour rien”.<\/p>\n La troisi\u00e8me tendance, la plus r\u00e9pandue historiquement, a \u00e9t\u00e9 l’\u00e9limination physique du probl\u00e8me \u00e0 la racine (soit en repoussant la masse de la population palestinienne dans les pays voisins, notamment en Jordanie, soit en l’\u00e9liminant litt\u00e9ralement en vertu d’un afflux religieux qui identifiait les Palestiniens aux descendants des peuples bibliques qui habitaient la r\u00e9gion avant la conqu\u00eate juive). A cette tendance se sont associ\u00e9es des personnalit\u00e9s comme Ariel Sharon (dont les tireurs d’\u00e9lite de l’Unit\u00e9 101 sont entr\u00e9s dans l’histoire pour leur pratique d\u00e9rangeante consistant \u00e0 tirer sur des paysans arabes d\u00e9sarm\u00e9s pour les chasser de leurs terres) et Moshe Dayan, qui n’a jamais cach\u00e9 que de nombreux villages arabes ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9truits et\/ou rebaptis\u00e9s en h\u00e9breu pour effacer l’histoire et l’identit\u00e9 de la Palestine avant la colonisation sioniste (pensez \u00e0 la destruction d’un quartier entier de l’ancienne J\u00e9rusalem pour construire une clairi\u00e8re devant le soi-disant “mur des lamentations”).<\/p>\n La tendance \u00e0 \u00e9liminer le probl\u00e8me \u00e9tait en fait d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s pr\u00e9sente dans les \u00e9laborations th\u00e9oriques des partisans du sionisme socialiste (qui a \u00e9galement attir\u00e9 l’attention de Staline dans la croyance erron\u00e9e qu’il pouvait \u00eatre utilis\u00e9 pour s’opposer \u00e0 l’Occident au Proche-Orient). Parmi eux, Ber Borochov, qui adopte les th\u00e8ses marxistes pr\u00e9sent\u00e9es dans ses \u00e9crits sur la “question juive”, soutient l’id\u00e9e d’un “renversement de la pyramide” \u00e0 r\u00e9aliser par le travail. Dans son ouvrage Bases du sionisme prol\u00e9tarien (1906), il part d’une analyse de la structure sociale juive, pr\u00e9sent\u00e9e comme une pyramide invers\u00e9e, avec un petit nombre de prol\u00e9taires et de paysans face \u00e0 un grand nombre de petits commer\u00e7ants, d’entrepreneurs et de banquiers. D\u00e8s lors, la “lib\u00e9ration du peuple juif” est impensable sans la transformation de sa structure sociale. Et cette transformation ne pouvait se faire que par la concentration territoriale en Palestine (o\u00f9, m\u00eame selon Borochov, vivait un peuple sans identit\u00e9) et la construction d’un “\u00c9tat prol\u00e9tarien juif” bas\u00e9 sur le travail.<\/p>\n L’accent mis sur le travail, et en particulier sur le travail de la terre (\u00e9galement tr\u00e8s pr\u00e9sent dans les \u0153uvres d’Aaron David Gordon), a donn\u00e9 naissance \u00e0 la rh\u00e9torique de la “terre rachet\u00e9e” qui ne pouvait \u00eatre cultiv\u00e9e que par les Juifs. Ainsi, alors que les premiers colons sionistes ont largement utilis\u00e9 (et exploit\u00e9) la main-d’\u0153uvre arabe, les repr\u00e9sentants des vagues de migration suivantes ont opt\u00e9 pour un changement de cap radical, emp\u00eachant les agriculteurs palestiniens de travailler la terre dont ils avaient tir\u00e9 leur subsistance pendant des si\u00e8cles. Concr\u00e8tement, une fois les terres vendues au mouvement sioniste par des propri\u00e9taires qui, souvent, n’\u00e9taient m\u00eame pas pr\u00e9sents sur place (ils r\u00e9sidaient \u00e0 Beyrouth, Damas ou Istanbul), elles ont \u00e9t\u00e9 cl\u00f4tur\u00e9es et les paysans palestiniens ont \u00e9t\u00e9 expuls\u00e9s, pour le meilleur et pour le pire. Ainsi, selon l’universitaire Arturo Marzano, “alors que le mod\u00e8le de la premi\u00e8re alya \u00e9tait celui d’une soci\u00e9t\u00e9 fond\u00e9e sur la supr\u00e9matie des Juifs sur les Arabes, la seconde alya visait l’exclusion totale de ces derniers” [13]. Il va sans dire que l’\u00e9quation terre juive – travail juif – produit juif n’a pas emp\u00each\u00e9 les formes d’exploitation. Les sionistes ont en effet favoris\u00e9 la migration en Palestine des Juifs y\u00e9m\u00e9nites (plus proches des Arabes) et donc susceptibles d’\u00eatre discrimin\u00e9s, tout en conservant intact le principe de la terre rachet\u00e9e \u00e9voqu\u00e9 plus haut. En fait, m\u00eame le mythe \u00e9conomique du kibboutz, tr\u00e8s pr\u00e9sent dans l’imaginaire collectif occidental, devrait \u00eatre reconsid\u00e9r\u00e9 pour ce que les kibboutzim ont \u00e9t\u00e9 historiquement : des enclaves exclusives et rigidement racistes. Sans parler du mythe tout aussi irr\u00e9aliste de l’efficacit\u00e9 \u00e9conomique sioniste (en r\u00e9alit\u00e9, l’\u00c9tat d’Isra\u00ebl est une entit\u00e9 tr\u00e8s d\u00e9pendante de l’aide \u00e9trang\u00e8re, \u00e0 tel point que dans de nombreuses \u00e9tudes universitaires, il est inclus dans la cat\u00e9gorie des “\u00c9tats rentiers”).<\/p>\n En m\u00eame temps, pour ceux qui pr\u00e9tendent encore qu’il n’y a pas eu de vol r\u00e9el de terres arabes, il serait utile de rappeler qu’en 1946, ann\u00e9e de la derni\u00e8re enqu\u00eate, seuls 6% du territoire de la Palestine sous mandat britannique avaient \u00e9t\u00e9 “l\u00e9galement” acquis par le mouvement sioniste [14]. En outre, il convient de rappeler qui a import\u00e9 en Palestine les m\u00e9thodes de terrorisme dirig\u00e9es contre la population civile (on pense \u00e0 l’usage indiscrimin\u00e9 de la violence par l’Irgoun, qui pla\u00e7ait ses engins sur les march\u00e9s ou dans les bureaux de poste fr\u00e9quent\u00e9s par les Arabes) [15]. Et il faut aussi mentionner qu’avant m\u00eame le projet de partition \u00e9labor\u00e9 par l’ONU, les sionistes avaient d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9par\u00e9 le plan dit “Dalet”, qui pr\u00e9voyait l’annexion rapide des territoires que l’ONU aurait donn\u00e9s \u00e0 la composante arabe.<\/p>\n En conclusion, il est donc clair que la solution “deux peuples, deux \u00c9tats” reste essentiellement non viable. Aujourd’hui, en Palestine, deux visions du monde totalement polaris\u00e9es et incompatibles s’affrontent : la civilisation du profit d’un “pseudo-peuple” d\u00e9racin\u00e9 (produit du m\u00e9lange de diff\u00e9rents groupes ethniques) qui, en se r\u00e9-enracinant, n’a produit qu’une simple imitation des mod\u00e8les occidentaux (se pr\u00e9sentant comme une civilisation de l’esprit enracin\u00e9e dans la terre et la tradition et refusant “obstin\u00e9ment” de s’en \u00e9carter). Le choc reste in\u00e9vitable, pour la simple raison historique qu’Isra\u00ebl, se pr\u00e9sentant aujourd’hui comme un appendice p\u00e9riph\u00e9rique de l’empire occidental dirig\u00e9 par les Am\u00e9ricains, assume le poids de la fronti\u00e8re, c’est-\u00e0-dire de la ligne de faille entre des civilisations diff\u00e9rentes qui se caract\u00e9rise toujours par la pr\u00e9sence latente de formes de conflit.<\/p>\n Notes<\/p>\n [1] Voir Il declino USA e l’asse islamico-confuciano, 20 septembre 2020,\u00a0www.eurasia-rivista.com<\/a>.<\/p>\n [2] Voir Gerusalemme e Resistenza, 13 mai 2021,\u00a0www.eurasia-rivista.com<\/a>.<\/p>\n [3] Voir Flood of weapons to Ukraine raises fear of arms smuggling,\u00a0www.washingtonpost.com<\/a>.<\/p>\n [4] Voir Russia’s Chechen wars 1994-2000. Lesson from urban combat,\u00a0www.rand.org<\/a>.<\/p>\n [5] Voir Cisjordanie : 2023 est l’ann\u00e9e la plus meurtri\u00e8re pour les enfants palestiniens. Jusqu’\u00e0 38 mineurs tu\u00e9s, plus d’une fois par semaine, 18 septembre 2023,\u00a0www.savethechildren.it<\/a>.<\/p>\n [6] Madawi al-Rasheed, Storia dell’Arabia Saudita, Bompiani, Milano 2004, pp. 170-79.<\/p>\n [7] Sommaire C. Mutti, Introduzione a R. Coudroy, Ho vissuto la resistenza palestinese, Passaggio al Bosco, Firenze 2017.<\/p>\n [8] Voir Isra\u00ebl mobilise 300.000 soldats pour l’offensive dans la bande de Gaza, 11 octobre 2023,\u00a0www.analisidifesa.it<\/a>.<\/p>\n