Par Lyes Mechti
Le marché paysan à Zéralda où le bio cultive ses racines s’anime d’une effervescence particulière, chaque vendredi.
Chaque vendredi, à une quarantaine de kilomètres d’Alger, la ferme pédagogique de Zéralda est en effervescence dès les premières lueurs de l’aube. Agriculteurs et artisans s’affairent à installer leurs étals, préparant un marché paysan qui est devenu, au fil des années, un rendez-vous incontournable pour les amateurs de produits bio et du terroir.
L’agriculture biologique et des produits du terroir
Située dans la localité de Kheloufi, à la sortie ouest de Zéralda, cette ferme de 8 hectares n’est pas seulement un lieu de vente, mais un véritable carrefour où se rencontrent producteurs venus des quatre coins du pays et consommateurs en quête d’authenticité. «Notre mission va au-delà de la simple commercialisation», explique Tahar Chaïb, un des responsables et fondateurs de la ferme. «Nous voulons inculquer et développer tout ce qui est en rapport avec l’agriculture biologique et les produits du terroir».
Dès l’entrée, les visiteurs sont accueillis par une explosion de couleurs et de parfums. Des cagettes débordant de fruits et légumes fraîchement cueillis côtoient des stands d’huiles essentielles et de produits artisanaux. L’air est empli d’un doux parfum de thym et de romarin, tandis que le bourdonnement des conversations se mêle aux cris joyeux des enfants explorant les lieux.
Plus chers les produits bio
Parmi les habitués de la ferme, on rencontre Mahdi, un agriculteur passionné propriétaire d’une ferme agroécologique à Djendel, dans la wilaya de Aïn Defla. Il y plante toute sorte de culture, allant des céréales aux légumineuses en passant par les arbres fruitiers et quelques graines. «Je viens ici chaque vendredi depuis deux ans», confie-t-il en disposant soigneusement ses couffins remplis de fruits et légumes. «Les clients ici comprennent la valeur d’un produit naturel. Ce n’est pas seulement des produits agricoles que je vends, c’est tout un écosystème que nous préservons ensemble».
Quant aux prix pratiqués, Mahdi affirme qu’ils sont plus chers car «la production biologique nécessite plus de main d’œuvre et n’utilise pas de pesticides ou d’engrais chimiques, ce qui augmente les coûts. Les rendements sont souvent plus faibles, et les normes de certification bio impliquent des contrôles réguliers, ajoutant des frais supplémentaires». De plus, dit-il, les exploitations bio étant généralement plus petites, « elles ne bénéficient pas des économies d’échelle des grandes productions conventionnelles».
Les habitués du marché du paysan à Zéralda
Non loin de là, Karima propose ses fromages de chèvre. «Chaque fromage raconte l’histoire de nos montagnes», dit-elle avec fierté. «Les herbes que broutent nos chèvres donnent un goût unique à notre production. C’est ce que recherchent nos clients : de l’authenticité et de la qualité », assure-t-elle.
La clientèle, elle aussi, est variée. On y croise aussi bien des habitués que des familles en quête de loisirs éducatifs. Mourad, un père de famille venu d’Alger Centre, partage son enthousiasme : «J’aime bien venir faire quelques achats de produits naturels et bio ici à la ferme et, en même temps, profiter avec mes enfants de moments de détente dans cet espace bien différent de ce que nous avons l’habitude de voir dans notre quotidien».
Des ateliers de fabrication de fromage, confiture et jardinage
Ce marché hebdomadaire n’est qu’un aspect des activités de la ferme. En semaine, elle accueille des groupes scolaires pour des visites éducatives. «Nous recevons régulièrement des élèves à qui nous proposons une visite éducative sur l’environnement, la nutrition, le respect de la nature, et les enjeux environnementaux», explique Tahar Chaïb. Des ateliers pratiques de fabrication de fromage, de confiture ou de jardinage complètent cette offre pédagogique.
L’engagement de la ferme pour une agriculture respectueuse de l’environnement se reflète dans chaque aspect de son fonctionnement. «Nous garantissons à notre clientèle que tous les produits qui leur sont proposés ici sont des produits bio, naturels, de terroir et artisanaux», affirme le responsable. Cette rigueur a permis à la ferme de Zéralda de se forger une solide réputation, attirant une clientèle fidèle et grandissante. Elle devrait l’être davantage lorsque son projet de production d’huiles essentielles et végétales sera lancés avec entre autres objectifs d’aller vers des marchés étrangers.
Un espace d’artisanat locale
Au-delà des produits alimentaires, le marché offre également un espace aux artisans locaux. Poteries traditionnelles, tissages colorés et objets en bois sculptés à la main rappellent la richesse du patrimoine artisanal algérien. «Chaque pièce que je crée est unique», explique Farida, une céramiste. «Ici, les gens comprennent et apprécient le travail manuel. C’est gratifiant de voir l’intérêt qu’ils portent à nos traditions».
A mesure que la matinée avance, l’affluence augmente. Les allées se remplissent de visiteurs, paniers à la main, discutant avec les producteurs, goûtant les produits, s’informant sur les méthodes de culture. L’ambiance est conviviale, presque festive. «C’est plus qu’un marché », observe Salim, un client régulier. «C’est un lieu de rencontre, d’échange. On vient ici pour les produits, mais aussi pour l’atmosphère, pour se reconnecter avec la nature et nos racines».
Une reconnexion avec la nature
Cette reconnexion avec la nature est précisément ce qui attire de plus en plus d’algérois, en quête d’une échappatoire à l’urbanisation galopante. «Sortir de la ville, aller à la découverte de la nature deviennent les principales quêtes de fin de semaine d’une catégorie de citoyens voulant échapper à une urbanité de plus en plus oppressant», observe Tahar Chaïb.
Alors que le soleil atteint son zénith, l’activité du marché bat son plein. Les étals se vident progressivement, témoignant du succès de la journée. Certains visiteurs prolongent leur séjour, pique-niquant dans les espaces verts de la ferme ou participant aux activités proposées l’après-midi.
Le marché du paysan une tendance croissante en Algérie
Le succès de la ferme pédagogique de Zéralda et de son marché hebdomadaire illustre une tendance croissante en Algérie : l’intérêt grandissant pour une alimentation saine et une agriculture durable. «Le marché du bio et des produits naturels est en pleine progression en Algérie», constate Tahar. «Des lieux de vente comme celui-ci ne sont pas nombreux, mais l’intérêt est là. Nous espérons que notre initiative inspirera d’autres projets similaires à travers le pays».
Alors que le marché se termine et que les derniers visiteurs quittent les lieux, la ferme retrouve son calme. Mais ce n’est que temporaire. Dans une semaine, elle s’animera à nouveau, perpétuant cette belle tradition qui allie commerce, éducation et respect de l’environnement. La ferme pédagogique de Zéralda, bien plus qu’un simple marché, est devenue un symbole d’un avenir plus vert et plus durable pour le pays.
Lyes Mechti
Marché paysan à Zéralda où le bio cultive ses racines (horizons.dz)