C’est un rendez-vous qui pourrait bien marquer un tournant dans la scène artistique et intellectuelle algérienne.
Du 11 au 13 juin 2025, l’École supérieure des beaux-arts d’Alger (ESBA), haut lieu de formation artistique, accueillera la nouvelle édition de TINDA25, un cycle annuel de réflexion et d’innovation en arts et design. Le thème de cette année ? « AlgerIA Revolutions », un jeu de mots percutant qui mêle Algeria et AI (Artificial Intelligence), pour mieux interroger l’impact grandissant des technologies d’intelligence artificielle sur la création contemporaine.
TINDA, lancée comme plateforme ouverte et dynamique, veut offrir chaque année un espace où se rencontrent artistes, étudiants, designers et penseurs algériens autour des grandes mutations de notre époque. L’objectif : anticiper les bouleversements, en débattre collectivement et, surtout, y contribuer activement.
Cette année, le choix du thème n’a rien d’anodin. À l’heure où l’IA générative transforme les métiers du graphisme, de l’illustration, de la musique et même de l’écriture, la scène créative algérienne s’interroge : comment intégrer ces nouveaux outils sans perdre son identité ? Comment éviter une colonisation numérique des imaginaires ? Quels usages éthiques et responsables peut-on promouvoir ?
À mon avis, ce questionnement est absolument salutaire. Trop souvent, les débats sur l’IA restent centrés sur les grandes puissances technologiques, ignorant les spécificités culturelles des pays du Sud. Or, en Algérie, société marquée par une mémoire coloniale complexe et une forte aspiration à la souveraineté culturelle, ces enjeux prennent une résonance particulière.
Ainsi, l’ESBA entend ouvrir un dialogue critique, éthique et artistique sur le sujet. Pendant trois jours, workshops, débats, journées d’étude et un hackathon mêleront pratiques créatives et réflexions de fond. L’idée n’est pas de rejeter en bloc ces technologies, mais d’en proposer une appropriation consciente et ancrée dans les valeurs et l’imaginaire algériens.
Ce positionnement rejoint des mouvements plus larges qu’on voit émerger dans plusieurs pays africains et arabes : penser l’IA non comme une simple importation des modèles occidentaux, mais comme un levier potentiel pour renouveler les récits, réinventer les formes esthétiques et affirmer des identités culturelles fortes à l’ère numérique.
Le visuel même de l’affiche du colloque en dit long : une figure sculpturale mi-humaine, mi-siliconée, comme en devenir, traversée de circuits et de lignes de codes. Une image qui pose avec force la question de l’hybridation entre l’homme, la machine et l’art.
En somme, ce TINDA25 s’annonce comme un temps fort pour l’art algérien et pour la réflexion critique sur l’IA. Il affirme aussi le rôle d’Alger, ville des révolutions passées, comme un lieu de réflexion sur les révolutions numériques et intellectuelles en cours. Un espace où l’on cherche à bâtir des avenirs technologiques qui ne soient ni standardisés ni aliénants, mais au contraire enracinés, pluriels et porteurs de sens.
Hope&ChaDia