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Place Ettoute (Blida) : Une mémoire, une histoire

by Toufan
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Considérée comme le cœur battant de la ville de Blida, la place 1er-Novembre, connue sous l’appellation placette Ettoute, est un repère qui remonte à avant la colonisation française.

C’est à partir de cette esplanade que la ville de Blida a commencé à prendre forme avec l’édification de la mosquée Sidi Ahmed El- Kebbir en 1535 qui fut en partie détruite par le tremblement de terre de 1825. Plus de 40 ans après, après l’arrivée de l’armée française et l’installation du siège du régiment d’Alger, la ville de Blida fut secouée encore une fois par un tremblement de terre en 1867. Devant l’ampleur des dégâts, la place fut transformée en un gigantesque camp de tentes pour abriter les victimes du séisme. Mais selon les témoignages et les écrits datant de l’ère coloniale, cette placette abritait, en fait, la tombe du fils du saint Sidi Yakoub et qui aurait été effacée en même temps que la mosquée Sidi M’Hamed El-Kebbir. C’est ainsi que la placette est devenue par la suite un terrain vague, qui servait aux officiers militaires de terrain de foot. On raconte que ces militaires plaçaient des sentinelles sur la place avec la consigne d’interdire à quiconque de passer par la place. La population en était contrariée et afficha son mécontentement.
 L’histoire raconte que pour déloger les officiers militaires, l’administration de l’époque décida le creusement d’un bassin au centre du terrain, appelé à l’époque place d’Armes. Les travaux du bassin auraient commencé dans la nuit, une manière intelligente de forcer les militaires à quitter les lieux. Mais devant l’insistance de ces militaires, Lemoine, maire de la ville de Blida à cette époque, mécontent, s’est rendu à Alger pour présenter au gouverneur général, le duc d’Aumale, les doléances de son conseil municipal. Pour couper court à cette histoire, le duc d’Aumale décida le transfert de la division militaire à Alger. Il faut dire que ce grand espace a de tout temps fait l’objet de discussions et de querelles surtout avec l’édification d’un bassin en ce milieu. On avait planté un mûrier, symbole de liberté. S’ensuivirent des querelles entre partisans du bassin et ceux de l’arbre, le bassin fut malheureusement cassé par une foule en délire le 4 septembre 1870. Quelque temps après, le mûrier se dessécha et mourut. On croit savoir que c’est à cette époque-là que cet endroit a pris le nom de placette Ettoute. Mais aucun historien ou témoignage de cette époque ne l’évoquèrent. «Même si à l’origine, la place signifiait en français place de toutes(de toutes les administrations) car elle réunissait tous les services administratifs, nous les Blidéens, ont maintien placette Ettoute. C’est incrusté dans la mémoire des Blidéens», explique Karim, enseignant  dans un lycée. Mais l’histoire de l’arbre mûrier n’a pas trop durée. Il sera détrôné le 4 septembre 1871 en présence du maire, un peuplier fut mis en terre au centre du bassin asséché. Les historiens mentionnent que le peuplier n’eut pas plus de chance que son prédécesseur. «Il n’arrivait pas à grandir et dépérissait», dit-on.
Mais selon le vieux Youcef Ouraghi, un septuagénaire originaire de la ville de Blida qui relate jalousement l’histoire de sa ville natale, il y avait quatre fontaines au milieu de la placette. Ces fontaines, selon lui, représentèrent les quatre portes d’entrée de la ville. «Il s’agit des quatre points cardinaux. Cette place représente le cœur de la ville qui donne accès aux quatre fameuses portes: Bab Errahba, Bab E’khouikha, Bab E’ssebt et Bab E’dzair», raconte Youcef Ouraghi qui se rappelle des fameux platanes qui cernaient la placette, offrant de l’ombre.
Le vœu du fils de Sidi Yakoub exaucé
Après le mûrier et le peuplier, les divergences continuent. Dans le journal Tell, édité à l’époque, l’auteur d’un article mentionne que l’échec des deux arbres (mûrier et peuplier) a une explication. Il estimait que «les Algériens virent dans ce fait un avertissement du fils de Sidi Yacoub qui selon la légende a été enterré au milieu de la place Ettoute, appelée à l’époque par l’administration française, place d’Armes. Le saint homme, avant de mourir, aurait demandé qu’un palmier soit planté sur sa tombe. Aussi, comme il fallait à tout prix à Blida un arbre de la Liberté et que le fils de Sidi Yacoub ne voulait ni mûrier ni peuplier, le conseil municipal de Blida décida, quelques années plus tard, de planter un palmier. Ce fut une réussite complète : le jeune arbuste poussait à vue d’œil, ses palmes furent bientôt assez longues pour couvrir de leur ombre, à midi, plus de 20 dormeurs allongés autour du bassin, ou même dans le bassin, puisqu’il était la plupart du temps sec comme le lit de l’oued El Kebir en été», décrit l’auteur. Mais selon notre interlocuteur, Youcef Ouraghi, «il  n’y a pas de tombe du fils de Sidi Yakoub au milieu de la placette. Sidi Yakoub, ce saint venu du Maroc et qui aurait accompli le Hadj, de retour du Hidjaz s’est installé en Algérie, mais il n’avait pas d’enfant». Le vieux Blidéen se rappelle du jour de la réfection totale de la placette par l’APC de Blida : «Le sol a été entièrement décapité et nous avons juste trouver les traces de l’ancienne mosquée de Sidi M’Hamed El-Kebbir. Il n’y avait pas de trace de tombe.»
Le premier kiosque en bois fut érigé entre 1881 et 1901
C’est entre 1881 et 1901 que le premier kiosque en bois a été construit par municipalité d’Alexandre Mauguin. Dans certains articles de presse de l’époque (Les nouvelles de Blida), il est précisé que le kiosque en bois a été fabriqué pour célébrer  une fête ou un événement et être démonté après. Cette situation a occasionné de nombreuses polémiques sur le kiosque dont certains sont pour le maintien et d’autres non. C’est lors des élections municipales de 1901 que le kiosque en bois resté en place jusqu’en 1910. Malgré les divergences entre les citoyens, le kiosque fut construit en dur, entouré de fer forgé. Lors de cette opération, les divergences se multiplient sur l’existence du kiosque et l’arbre en son milieu.
«Pour la reconstruction d’un kiosque autour du palmier, les avis semblent partagés. Rien ne se fait sans polémique», avait écrit Cazenave, ancien directeur d’école à la retraite, dans les colonnes du journal «Les Nouvelles» en 1910. Par la suite, la fameuse esplanade est devenue le lieu des évènements importants de la ville, les bals pour la fête de Blida, la fête des fleurs, les prises d’armes, les défilés et aussi le lieu de rassemblement populaire. Mais lors de la nuit du 4 au 5 avril 1947, la ville de Blida fut frappée par une forte rafale de vent qui déracina le fameux palmier. Cet accident plongea les Blidéens dans la consternation. Dans un article paru au lendemain de la chute du palmier, titré «Un arbre par-dessus le toit berce sa palme», l’auteur relate l’immense regret des Blidéens et la manière dont l’arbre a été ôté du cercle du kiosque. «L’enterrement fut ensuite très rapide et très simple. Sans escorte, sans cortège, une voiture de la cavalerie municipale, transportant le corps deux fois mutilé du défunt jusqu’à la rivière ou ses restes… seront coupés en tranche afin que les eaux de l’oued El-Kebbir les jettent jusque dans la mer où finalement se disperseront au gré des flots». «Je me souviens comme si c’était hier, comment ils ont ramené une grue pour ôter l’ancien palmier et planter le nouveau. Je sortais de l’école et j’ai assisté à cette opération», raconte le vieux Youcef Ouraghi. La municipalité de cette époque, décida, après concertation, que le successeur du palmier serait un cocos car cette plante possédant des palmes très souples serait plus facile à loger dans l’emplacement où a été dressé son prédécesseur. Nous souhaitons qu’il devienne rapidement le superbe et digne successeur de l’arbre de la Liberté défunt, tant il est vrai que le fils du saint Sidi Yakoub, qui est enterré sous le kiosque, a formulé avant sa mort le vœu que l’emplacement de sa tombe soit signalé aux fidèles par un magnifique palmier. Gageons que le saint marabout, en reconnaissance de la bonne mémoire des Blidéens, permettra à l’avenir que les fêtes à Blida se déroulent sous un ciel sans nuages», avait écrit le même auteur de l’article cité ci-dessus.
Il y a quelques années, la polémique sur l’appellation de la place 1er-Novembre à resurgi encore. Les fidèles à l’arbre mûrier  imposent arrivent à avoir gain de cause. Ironie du sort, les arbres de platanes qui entourèrent magnifiquement la placette furent remplacés par des mûriers afin de répondre «correctement» à l’appellation initiale  de l’endroit. Mais à l’arrivée d’une nouvelle Assemblée populaire en 2010, une  opération de relookage de la placette a été décidée. Les mûriers ont fini eux aussi par être délogés pour être remplacés par des palmiers washingtonnia. Chaque Assemblée populaire apportera sa touche avec des travaux sur la placette. Une place pourtant baptisée officiellement par les autorités locales, place 1er-Novembre, mais par habitude les Blidéens continuent à l’identifier placette Ettoute. Le vieux Youcef Ouraghi, qui l’appelle «la mémoire de Blida», reste tout de même nostalgique. Il se souvient de l’ambiance des fêtes organisées au niveau de cette place, du kiosque à musique, notamment la fête des fleurs. «Le mois de mai est la période où la placette est très mouvementée et animée. A cette époque, on organisait la fête des Roses qui durera trois jours et trois nuits. Chaque candidat défila avec un engin couvert par différentes fleurs. Je me souviens même de l’endroit des jurés, ils plaçaient leur table à côté de l’imprimerie Mauguin», se rappelle  le vieux Ouraghi. Pour mettre fin à cette querelle entre citoyen,  l’ancienne APC a décidé de planter tout au
tour de l’esplanade deux rangées de platanes et au milieu un palmier washingtonnia. Une manière d’arranger tout le monde. Aujourd’hui, la place, qui a fait l’objet d’une grande opération d’aménagement, n’arrive pas à retrouver son ambiance d’antan. C’est lors du mois de Ramadhan qu’elle se réveille de son long sommeil pour retrouver l’ambiance nocturne où les cafétérias qui l’entourent ne désemplissent pas.
Le projet d’un musée sur l’histoire de la ville ne verra pas le jour
Le projet ambitieux d’un musée relatant l’histoire de la ville de Blida, lancé il y a quelques années, n’est pas près de voir le jour. Pour certains Blidéens, «ce projet dépasse les élus locaux  qui n’ont pas les capacités de le concrétiser». Blida est une ville riche par ses sites historiques, notamment la place 1er-Novembre  (place Ettoute) et les sept portes. Pour la concrétisation de ce musée, il était question de faire un appel aux citoyens pour faire don d’objets historiques qui relatent la mémoire de la ville. Le musée aurait eu une partie dédiée aux us et traditions des habitants de cette vieille cité, dans la célébration des fêtes religieuses et autres festivités familiales comme les mariages les circoncisions. Pour rappel, la ville de Blida détient de nombreux manuscrits relatant l’histoire et le riche patrimoine matériel et immatériel de cette ville fondée par un homme venu d’Andalousie et qui n’est autre que Sidi M’hamed El-Kebbir.
M. Benkeddada

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