Aïssa Jarmouni. Conter un pays, décliner une identité.
Éléments pour une géopoétique du monde Chaouia
Zineb Ali-Benali
Dans Études et Documents Berbères 2019/1 (N° 41), pages 31 à 42
Au milieu des années 1930, probablement en 1937, Aïssa Jarmouni chante à l’Olympia de Paris et fait entendre pour la première fois « une voix africaine ».
Dans les deux langues qu’il pratique, le chaouia et l’arabe algérien de sa région, il fait entendre un pays. Dressé sur la scène, vêtu comme à son habitude de la gandoura et du burnous blancs, la tête entourée du cheich dont le blanc est souligné par la cordelette brune (alqitan), il entonne « nous les chaouias / Ne dites pas ils sont soumis » : « Ahna ‘Chaouia / Ma tgoulichi dhelu ».
Quel est l’itinéraire qui va mener un chanteur populaire, orphelin, berger fils de paysan, né dans en pays chaouia, à se produire dans une salle de spectacle parisien ? À Paris, ce sont surtout des travailleurs immigrés qui vont venir l’écouter, même s’il y eut d’autres spectateurs. Dans les cafés nord-africains, comme on disait alors, on écoutait déjà les disques qu’il avait déjà enregistrés.
Sans exclure la part de hasard (notamment sa voix exceptionnelle), on peut réfléchir à la conjonction entre une histoire singulière et le moment historique.
Les années 1930 sont celles de la célébration du Centenaire de la colonisation. Quelques mois avant 1930 et après cette date, les manifestations politiques et culturelles sont nombreuses.
La colonisation semblait s’inscrire dans la pérennité, mais déjà des ombres se profilaient, celles d’une contestation qui n’avait jamais cessé, même au temps où elle semblait à peine visible et du côté du colonat des voix exprimaient « une sourde inquiétude »…
2 comments
Nadine 👍🏼👏🏽👏🏽👏🏽👏🏽👏🏽🙏😘💕😘🌹🌹🌹🌹🌹🌹🌹🌹
Une voix rare et jusqu’à maintenant elle continue de l’être
Merci Nadine