Il faut préciser toutefois que ce potentiel est dû au niveau d’irradiation solaire deux fois plus important qu’en Europe. Cependant, c’est surtout la disponibilité des vastes étendues désertiques pour l’implantation des centrales solaires qui offre ce potentiel. Nous avons relevé les difficultés qu’a l’Europe à trouver des sites pour implanter des centrales solaires. Les centrales solaires demandent de grandes surfaces. Le cas de la centrale solaire prévue dans le Larzac (France) prouve bien les difficultés à convaincre les populations d’accepter l’installation de ces centrales. On notera que le marché électrique européen en 2050 représentera 4 750 TWh. Le respect des limites de dépendance en matière d’énergie nous laisse penser que 40 000 MW d’importation d’électricité verte en 2050 à partir du Maghreb est tout à fait envisageable. Il faut retenir que les ENR, particulièrement le solaire, ont atteint un niveau de compétitivité suffisant hormis pour le solaire thermique qui n’a pas atteint le stade de la maturité. En effet, le solaire est aujourd’hui compétitif avec les énergies fossiles, malgré le dumping dû au pétrole et gaz de schiste. C’est aussi le cas pour le nucléaire. La perspective de cession au privé des centrales nucléaires ne fera qu’augmenter cette compétitivité. Cela permettra aux pays européens d’honorer leurs engagements pris lors des COP 21 et 24. L’élément important est que du fait de cette compétitivité, les ENR ne nécessiteront plus de subventions. Les financements pourront se faire en financement de projet (project finance). Ce sera le cas au Maghreb. Les financements seront donc plus faciles à trouver. L’approche que nous proposons, qui intègre également un réseau de transport électrique, permettra de remédier au désinvestissement dans le réseau électrique de transport européen. Le coût de transport sera inférieur à celui du gaz. De plus, le réseau proposé en courant continu fera que les stations de redressement du courant ne viennent pas se connecter directement au réseau existant électrique. Il n’y aura pas de synchronisation à gérer et donc aucun risque de Black-out. Pour le plan énergie, nous avons les éléments principaux permettant de cibler quelques objectifs et arrêter un portefeuille de projets. Pour l’Algérie, nous devons achever les objectifs globaux de la phase 1 (2030), soit près de 27 000 MW en ENR. Nous privilégions les hybrides solaire (thermique et photovoltaïque) avec du gaz torché, ce qui permettra de faire l’économie d’un stockage énergétique. Le gaz torché servira à alimenter les centrales électriques la nuit. Le transport d’électricité sera en courant continu à très haute tension. Nous intégrons les contraintes à l’investissement dans notre démarche. La part algérienne ne saurait dépasser les 40 %. Cela correspond à la partie des biens et services de l’investissement qui sera algérianisée. Par la même, nous remettons en cause la règle précédente qui limitait l’investissement étranger à 49 %. Il est bien entendu qu’avec le développement de nos capacités de production de biens et services, nous augmenterons notre part de financement. Ceci n’induit pas que nous augmenterons la part algérienne au Capital social des entreprises à créer. Les amendements iront jusqu’à ériger en Zone franche toutes les technopoles de développement énergétique dans le Sud du pays, Hassi R’Mel sera le premier. Il représente à lui seul un potentiel de développement de plus de 40 000 MW en centrale solaire hybride. Ain Aménas à la frontière libyenne, Adrar au sud-ouest du pays.
Définir le programme global de génération électrique en ENR panachées
Il faudra définir le programme global de génération électrique en ENR panachées, et ce, aux horizons 2030-2050 pour les marchés intérieurs et l’export. Nous rappelons la structuration des phases. Phase 1 : Pour les centrales solaires hybrides c’est-à-dire solaire (thermique + photovoltaïque) hybridé avec du gaz torché, il n’y a pas de stockage thermique et le transport est assuré par des câbles électriques HVDC, en courant continu et haute tension 850 KV. Phase 2 : Les centrales solaires disposeront de stockage thermique. Les centrales solaires seront à 80 % constituées de concentrateurs solaires paraboliques (parabolic trough) et 20 % de champs en PV. Le stockage sera assuré par des tours solaires utilisant un fluide caloporteur pouvant accepter des températures supérieures à 600°C. Le transport se fera par des câbles supraconducteurs à haute température. Ils seront au noyau d’un pipe dont l’espace intermédiaire transportera de l’hélium ou de l’hydrogène liquide afin d’assurer la supraconductivité. Les canalisations seront posées le long de la côte atlantique française pour atteindre l’Allemagne. Ce sera bien sûr du courant continu. Elles assureront par la même le transport de l’hydrogène et de l’hélium vers le marché européen.
Construction de centres qui disséminent l’information
Un autre point important est la construction de centres qui disséminent l’information en levant le black-out sur certaines expériences réussies dans les ENR (particulièrement le projet de Hassi R’Mel) et en jetant la lumière sur nos échecs. Nous avons vu qu’un des freins au développement des ENR en Algérie est dû au déficit d’informations chez les autorités centrales et locales. Ainsi, un black-out a touché la centrale solaire thermique-gaz de Hassi R’Mel. Elle fonctionne pourtant aux conditions contractuelles en remplissant toutes ses obligations depuis 2011. Cependant, aucun bilan précis n’a été fait sur les 400 MW de photovoltaïque. Il est nécessaire de créer des centres pédagogiques autour des projets pionniers afin d’améliorer l’impact et d’apprécier le potentiel des 100 % ENR. L’éducation des citoyens, le partage des connaissances et la communication publique doivent être prioritaires pour les décideurs publics.
Exploration du potentiel de création d’emploi
Il existe une étude de l’IRENA qui a analysé la création d’emplois dans le secteur de l’énergie pour le monde entier (IREANA 2020c). Nous notons au vu de cette étude que la création d’emplois sera plus importante dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique que dans les énergies fossiles qui connaitront une réduction d’emplois et ceci avec 40 % des emplois créés. Dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, c’est la filière solaire qui sera la plus importante. La structure de l’emploi dans la chaine de valeur sera la suivante : 80 % de techniciens, 8 % d’ingénieurs, 8 % d’experts, 4 % pour le marketing et l’administration. Le besoin global pour l’Algérie devrait être de 1 million d’emplois d’ici 2050. La structure des besoins serait de 800 000 techniciens, 80 000 ingénieurs, 80 000 experts et 40 000 employés dans le marketing et l’administration. Les segments de la chaine de valeur comprennent le développement de projets, la fabrication et l’approvisionnement, le transport et la logistique, la construction et l’installation, l’opération et la maintenance. La tendance dans le monde confirme cette étude (IRENA 2020c). Ainsi et selon Saul Griffith et Sam Calish qui propose une décarbonation totale de l’économie US, le réseau aurait besoin d’être étendu car presque tout fonctionnerait à l’électricité, et de ce fait, il faudrait un grand nombre de travailleurs. «Cela nécessitera des millions de kilomètres de transmission et de distribution nouvelles et améliorées pour atteindre l’utilisateur final. Enfin, du côté de la demande, nous devrons électrifier nos 250 millions de véhicules, 130 millions de foyers, 6 millions de camions, l’ensemble de la fabrication et procédés industriels et 5,5 millions de bâtiments commerciaux couvrant 90 milliards de pieds carrés», indique le rapport (Griffith/Calish/Fraser 2020). Le plan mettrait le système électrique du pays sous stéroïdes, le faisant passer de 450 gigawatts d’électricité livrés aujourd’hui à 2000 gigawatts. Cependant, selon le rapport, la demande énergétique globale du pays serait réduite de plus de moitié, car les machines électriques sont généralement plus efficaces que celles qui dépendent de la combustion. Les besoins énergétiques globaux des États-Unis passeraient d’environ 98 quads à environ 42 quads, selon le rapport. Un «quad» correspond à 1 quadrillion d’unités thermiques britanniques et représente une quantité d’énergie stupéfiante. Le rapport «Rewiring America» appelle à une «période de mobilisation» similaire à l’effort total consenti pour s’armer lors de la Seconde Guerre mondiale et qui avait créé une crête de 17,5 millions d’emplois. Cette nouvelle ruche d’activités d’énergie propre au 21ème siècle pourrait créer 25 millions d’emplois sur une période de transition intense de trois à cinq ans, qui passerait à 5 millions d’emplois pour maintenir le système une fois en place. Actuellement, l’industrie énergétique américaine emploie environ 1,8 million de personnes, ou 2,7 millions si les employés des stations-service sont inclus. Une décarbonisation agressive créerait, plutôt que de détruire, plusieurs millions d’emplois américains bien rémunérés. Ces emplois seraient fortement répartis géographiquement et difficiles à délocaliser, indique le rapport (Griffith/Calish/Fraser 2020). Il faut savoir que selon les prévisions avant Covid-19, un objectif médian entre le lobby pétrolier et le lobby pour le climat était projeté, qui devait donnait une part de l’électricité de 55 % de la demande énergétique mondiale. L’après Covid-19 devrait changer complètement la donne.
Tewfik Hasni, Redouane Malek et Nazim Zouioueche janvier 2021