LE JOURNALISME DE SOLUTIONS S’EMPLOIE À ANALYSER ET À DIFFUSER LA CONNAISSANCE D’INITIATIVES QUI APPORTENT DES RÉPONSES CONCRÈTES, REPRODUCTIBLES, À DES PROBLÈMES DE SOCIÉTÉ, ÉCONOMIQUES, SOCIAUX, ÉCOLOGIQUES.
source: http://www.reportersdespoirs.org/joso/definition/
Lorsque Reporters d’Espoirs en 2004 fait émerger la notion de « journalisme de solutions », certains ont pu l’assimiler au « journal des bonnes nouvelles », à « des petites actions qui donnent du baume au cœur », ou encore « aux trains qui arrivent à l’heure (en ajoutant : « ça n’intéresse personne ») ». Or, l’approche que nous proposons ne s’intéresse pas à des phénomènes sympathiques mais futiles comme « L’écureuil Twiggy qui fait du jet ski » (c’est rigolo) ou « Vous ne devinerez jamais comment cet homme a sauvé un chat » (c’est estimable mais ce n’est pas le sujet)… mais à des initiatives qui apportent réellement des éléments de réponses à des problèmes, des difficultés, qui se posent à des individus, des collectifs, une société.
QU’EST-CE QU’UNE « SOLUTION » ?
- une initiative concrète
- qui apporte une réponse à un problème de société, économique, et/ou social et/ou environnemental
- qui peut être locale (un village, une ville, un territoire) tout en ayant un potentiel de développement, d’essaimage, de reproductibilité en d’autres lieux, à d’autres échelles
- dont l’impact est mesurable, qualitativement et quantitativement (si elle prétend créer de l’emploi ou de l’insertion, des économies de Co2, préserver des espèces, créer de la richesse… il est bon de pouvoir l’apprécier par des chiffres, connaitre le nombre de personnes concernées par l’action, et ne pas se contenter de bonnes intentions)
- qui s’inscrit dans le temps (permettant d’apprécier sa pérennité, sa viabilité)
- qui peut inspirer les gens, et leur donne envie d’agir (un critère relativement subjectif)
Dans des situations où il n’y a pas forcément de « solution », on peut aussi s’intéresser à des histoires de résilience, de résolution de problèmes ou conflits, de réponses concrètes à des situations problématiques, de personnes qui font face et trouvent des issues concrètes à leurs propres problèmes ou à des problèmes identifiés dans la société.
Vous l’aurez compris : il ne s’agit pas de faire du positivisme gratuit, de dire que tout va bien, de nier l’existence de problèmes, difficultés, catastrophes. Mais bien d’identifier et de médiatiser des réponses, des pistes concrètes, qui contribuent à résoudre un problème => PROBLÈMES + SOLUTIONS.
PAR JOURNALISME DE SOLUTIONS ON ENTEND :
- Un journalisme qui analyse une situation problématique, tout en exposant des éléments de réponses concrets et concluants (notion d’impact)
- Un journalisme qui aborde à la fois les succès et les limites des initiatives abordées.Les difficultés, dysfonctionnements, doivent rester en évidence, dans un souci de crédibilité. Il ne se confond donc pas avec un exercice de communication : présenter des initiatives porteuses de solutions ne signifie pas en faire la promotion. On peut tout à fait exercer son esprit critique quel que soit l’angle et le sujet.
- Un choix d’initiatives qui s’effectue –du moins concernant Reporters d’Espoirs- sans volonté de défendre une pensée économique et sociale particulière. En effet, le journalisme de solutions dans l’absolu est apolitique, laïc et cosmopolite. Il se veut inclusif et cherchera une forme de neutralité. Évidemment, l’objectivité n’existe pas : chaque média, chaque journaliste, a un point de vue particulier, voire un positionnement idéologique qui peut être plus ou moins assumé et explicite : on ne trouvera évidemment pas la même perspective dans des journaux aussi différents par exemple que L’Humanité et Le Figaro.
QUELS CRITÈRES POUR SAVOIR SI UN REPORTAGE SUIT LES ‘PRÉCEPTES’ DU JOURNALISME DE SOLUTIONS ?
- Explication des causes du problème (mise en contexte)
- Présentation d’une réponse au problème(une initiative, un processus)
- Référence à la résolution du problème et au « comment on a fait »
- Narration du processus de résolution du problème
- Présentation des résultats générés par la réponse (impact sur un groupe, un collectif, une société)
- Présentation et explication des limites de la réponse(regard critique)
QUELQUES IDÉES REÇUES… ET NOS RÉPONSES !
Le journalisme de solutions, bien que largement compris et accepté, a pu susciter des objections, souvent dues à une mécompréhension de son positionnement, comme en témoignent les citations suivantes, anecdotiques et de plus en plus rares, mais révélatrices d’un besoin de préciser la démarche. Compilation.
« Les bonnes nouvelles, les ‘trains qui arrivent à l’heure’, ça n’intéresse personne » ou « Se dire d’office ‘moi je ne parle que des choses belles et merveilleuses’, ça veut dire que si la vie est noire et triste, je ne reflèterai pas la vie et je déciderai de parler de quelque chose qui n’est pas représentatif de ce qu’est la réalité. »
Ça n’intéresse en effet pas grand monde dans la profession, journalistes de solutions compris ! Les bonnes nouvelles peuvent donner du baume au cœur et ont certainement leur utilité face à une information ressentie comme anxiogène. Ce n’est pas le propos du journalisme de solutions. Si l’on dit que les nouvelles sont bonnes, c’est que l’on n’a pas besoin de solutions. Les « mauvaises nouvelles » ne vont pas instantanément se transformer en « bonnes nouvelles ». Les relayer ne qualifie pas une démarche journalistique en tant que telle.
« L’information positive c’est le lot des dictatures »
Renvoyer à « la dictature », la ficelle est grosse. Paresse intellectuelle ou stratagème pour éviter la question d’une remise en question ? On pourra opportunément se focaliser sur la mesure décidée par les autorités russes d’imposer aux chaines d’État un quota de 50% d’informations positives sur la Russie. C’est un peu hâtif.
Renversons l’argument : confiner la population dans la peur ne serait-il pas tout autant le lot de despotes qui voudraient éviter qu’elle n’aspire au changement, à la prise d’initiative, à la contestation ? Dans 1984, est-ce l’excès de positivisme qui caractérise l’oppression ? Ou bien le fait de semer la terreur, de contrôler, museler, réécrire l’histoire ?
Il y aurait des raisons de s’inquiéter d’un monde où l’information serait « uniquement » positive (monde illusoire), comme il y a tout autant de raisons de craindre une information « uniquement » négative, qui aurait pour effet de confiner la population dans la peur et l’immobilisme. Le « tout positif » comme le « tout négatif » peuvent relever d’une stratégie ou tentative manipulatoire, laissant peu de place à l’analyse et au regard critique.
Ce n’est pas le propos du journalisme en général, et donc pas du journalisme de solutions en particulier. Le journalisme n’a pas vocation à promouvoir l’une ou l’autre de ces approches. Il veut considérer le monde tel qu’il est, en analysant et en rendant compte des problèmes, des défis, des enjeux contemporains, tout autant qu’en diffusant la connaissance d’initiatives mises en œuvre concrètement sur le terrain pour y apporter des éléments de réponse.
POURQUOI EST-CE NÉCESSAIRE AUJOURD’HUI ?
PARCE QU’IL EXISTE UNE TENDANCE DU JOURNALISME À PRIVILÉGIER CE QUI FAIT « SENSATION », QUI CONDUIT À DONNER UNE IMAGE PARTIELLE DE CERTAINES SITUATIONS ET À LES DRAMATISER
PRIME AU DRAME ET AU SENSATIONNEL
Négatif et dénonciation seraient ‘plus efficaces’
Part des faits divers dans les JT + 200% en 10 ans
Elections, Trump, politique : course à la polémique et aux « petites phrases »
- La formation des journalistes, leurs représentations concernant les attentes du public ou encore la priorité accordée aux faitsimmédiats, conduisent le discours médiatique à restituer strictement le problème, avecsouvent un ton alarmiste.
- La majorité des messages émis par les médias se limite à rendre compte de l’hostilité du réel, sans ouvrir d’horizons permettant de le dépasser – et même parfois en éclipsant ou en condamnant toute tentative ou issue.Un tel cadrage journalistique devient problématique dès lors qu’il empêche de traiter un sujet dans sa totalité. Faire l’impasse sur des initiatives qui peuvent répondre à un problème, revient à donner une information partielle, non-exhaustive, ne représentant pas la réalité.
- L’info n’est jamais neutre. L’agenda médiatique, la tonalité, l’angle avec lesquels sont traités les sujets, la ligne éditoriale choisie, ont une influence et un impact sur les représentations, attitudes, émotions, voire convictions des citoyens qui y sont exposés.
- Lorsqu’elle se focalise de manière univoque sur les « trains qui déraillent » (ou les banlieues qui brûlent, les entreprises qui délocalisent), l’info contribue à la propagation de la peur et de l’immobilisme.
PARCE QUE C’EST UN MOYEN DE RECRÉER DE LA CONFIANCE ENTRE CITOYENS ET MÉDIAS, ET PLUS PARTICULIÈREMENT DE LUTTER CONTRE LES « FAKE NEWS »
UNE GRANDE DÉFIANCE À L’ÉGARD DES JOURNALISTES ET DES MÉDIAS
71% des Français considèrent que « les journalistes ne sont pas indépendants »
Seuls 23% des français déclarent leur faire confiance
Mimétisme, uniformisation, hiérarchie : on questionne le traitement des faits
« Tous pourris », « médiacrates », « parti des médias »: 5ème métier le plus détesté
Plus de confiance dans les proches que dans les professionnels
Quand vous demandez à un jeune d’un quartier « sensible » ce qu’il pense des journalistes, il y a des chances qu’il vous réponde : « On ne vient nous voir que quand il y a un problème, jamais pour dire ce qu’il se passe de bien chez nous ».
Lorsqu’un journaliste ne décrit la réalité que sous cet angle -images de voitures brûlées, de trafics, d’émeutes- cela n’incite pas les premiers concernés à avoir confiance dans les médias. Le journaliste peut être considéré comme celui qui cherche les images chocs et qui envenime le débat pour faire de l’audience.
Parler d’autres faits tout aussi réels -Des habitants qui tentent d’apaiser la situation dans les moments « chauds », des artistes et de la créativité qui s’exprime ; de la solidarité ; de gens qui créent des entreprises, des associations, des projets…- ne peut qu’aider à refléter une image plus fidèle de la situation, et à crédibiliser le travail d’information.
PARCE QU’IL Y A UN RISQUE D’IMMOBILISME ET DE REPLI SUR SOI
« A trop éprouver par procuration, l’empathie s’épuise. Le risque : un repli communautariste. »
Serge Tisseron, psychanalyste
PARCE QUE DE PLUS EN PLUS DE JOURNALISTES ESTIMENT QUE LEUR « RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE » EST DE DIFFUSER LA CONNAISSANCE DE FAITS QUI PEUVENT DONNER DE L’ESPOIR, DE L’ENVIE, VOIRE DE L’ACTION
PARCE QUE LE PUBLIC EN DEMANDE, ET QUE DES EXPÉRIENCES MONTRENT QUE ÇA MARCHE !
Libé des solutions +24% de ventes au numéro
Ouest France des solutions + 7% de ventes au numéro
Nice matin : des records de taux de clics, temps de lecture, taux de partages, nombre de vidéos vues, personnes qui acceptent de visionner une pub en vidéo pour pouvoir lire l’intégralité d’un article…
CONCRÈTEMENT, ÇA DONNE QUOI ?
TÉLÉVISION : QUELQUES SUJETS DE JOURNAUX TÉLÉVISÉS
« Colombie, de la coca au cacao »
« On a une très mauvaise image ici. On était longtemps stigmatisés à cause de la violence et de la culture de la drogue. On veut prouver aujourd’hui que nous sommes de bons agriculteurs qui se battent depuis longtemps« , explique Elisabeth Aguido Villamizar, productrice de cacao « Finca Villa Gaby ». Transformer la Colombie en Eldorado du cacao, c’est un défi de taille pour ce pays encore meurtri par plus de 52 ans de conflits entre la guérilla et les paramilitaires et où la culture de la coca était le nerf de la guerre. Pour stabiliser une paix encore fragile, le chocolat pourrait devenir la meilleure arme de la Colombie. »
https://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/colombie-de-la-coca-au-cacao_2443142.html
2 comments
très très bien expliqué
Merci
Supper article kho