Home Algérie Algérienne La mondialisation et les jeunes, la crise identitaire en Algérie, par Salmi Mustapha, revue sciences sociales et humaines, Université Mohamed Boudiaf, Msila

La mondialisation et les jeunes, la crise identitaire en Algérie, par Salmi Mustapha, revue sciences sociales et humaines, Université Mohamed Boudiaf, Msila

by gostoman
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Introduction:
La mondialisation de nos sociétés au XXIème siècle a bouleversée nos modes de
vie traditionnels, la culture et l’identité de la région de Kabylie en Algérie s’estvue
dépassée, oubliée par les jeunes d’aujourd’hui qui ne se reconnaissent plus à
leurs ancêtres, leur langue maternelle n’est plus parlée et discutée dans les foyers
autours d’une table, en famille, elle est remplacée par la langue française héritée
du colonialisme.
Le paysage même de la Kabylie a changé, laissant place aux bâtiments et aux
villas, disant adieu aux maisons et à l’agriculture d’antan, la collecte des olives ne
se faisant plus.
Ce qui nous intéresse dans cette réflexion c’est l’identité berbère qui s’est vu
oubliée à cause d’un brassage culturel, car, au rendez-vous du donner et du
recevoir culturel, les choses semblent ne plus marcher comme elles se doivent.
Le choc culturel, ce «sentiment de profonde désorientation qu’éprouvent les
personnes et les groupes mis soudainement en contact avec un milieu culturel
dont les traits se révèlent inconnus, incompréhensibles, menaçants »
1
, a
provoqué dans nos sociétés modernes des grandes mutations laissant place soit
à l’érosion des valeurs morales, soit à la perte d’identité culturelle, à la
dépersonnalisation et au déséquilibre interne qui rendent difficilement
maîtrisable l’avenir culturel de certains peuples.
Devant cette crise d’identité culturelle et du sens d’appartenance sociale qui
jonchent nos rapports sociaux, une question attire notre attention. Que
deviendra la culture berbère? Quel rôle doit avoir la jeunesse d’aujourd’hui face à cet embrasement culturel
venu de l’occident ?
Mots-clés: culture, identité, éducation, jeunesse
1- Les concepts : Culture et Cultures :
La culture touche tous les domaines de la vie humaine. Sa définition est
contextuelle. Voilà pourquoi on parle de culture comme connaissance ou
sagesse, comme production agricole ou mieux comme civilisation d’un peuple.
Instance spirituelle et normative de la société, la culture fait de l’être humain un
être historique, le détermine dans son expression fondamentale de l’humain,
dans ses actes, sa singularité et dans sa vision du monde. On ne pourrait dans
cette dynamique considérée une personne sans culture. Et selon les termes
d’Achiel PEELMAN «chacun de nous baigne dans sa culture comme un poisson
dans l’eau.»
2
Et celle-ci, dans ses manifestations que sont la morale, la religion,
l’art, la tradition nous suit comme une ombre dans tout notre passé et notre
quotidien. Nous ne pouvons en aucun jour nous en séparer puisque regroupant
toutes les sphères de notre vie et de notre être.
Il y a donc lieu de définir l’homme comme un animal culturel. Ce n’est donc pas
surprenant que soucieux de leur avenir, du devenir de leur être, tous les hommes
« parlent d’identité culturelle, de dialogue des cultures, de développement
culturel, de révolution culturelle, d’évangélisation des cultures.»
3
Le dynamisme
culturel de nos jours n’est que l’expression de la culture comme base
fondamentale de tout être humain. La culture est ainsi dans son expression
profonde le reflet de tout l’univers de l’homme dans son milieu de vie car elle surgit dans ce que nous sommes, dans nos connaissances, nos Us, nos mœurs,
nos traditions et nos croyances.
On pourrait dire que nous sommes ce que notre culture a fait de nous. Et
rejoignant Achiel PEELMAN, nous disons que «chacun de nous, dès le premier
jour de sa vie, a été programmé, éduqué ou endoctriné dans une seule façon
d’être humain »
4
selon les normes et les valeurs de sa société capable de lui
procurer vie et liberté en rapport avec son milieu ambiant.
Et si la culture est le signe, la mentalité et l’être vital d’un peuple donné, il y a lieu
d’utiliser le mot culture avec diversités des valeurs. Il faut noter ainsi qu’il n’y a
pas des peuples sans culture car chaque peuple essaie suivant ses possibilités de
se rendre la vie plus facile dans son milieu ambiant en essayant de dominer celuici au risque de se faire écraser. Entendons parcultures, la diversité des sociétés
ayant chacune sa façon d’être et de résister à la domination de son milieu. Et
comme les problèmes ne sont jamais les mêmes pour toutes les sociétés, il y a
lieu de parler des diversités culturelles. On emploie ainsi le termecultures au
niveau des groupes, des ethnies et des tribus comme ce qui crée des particularités
et des différences les unes des autres. La culture est alors conçue comme la façon
de chaque peuple à s’adapter à son environnement. Tous les peuples du monde
se différencient par leur façon d’être et de faire. Il est important de dire avec
MBUMUA que:
«Les hommes ont inventé des cultures différentes en fonction de leurs
préoccupations conjoncturelles, de leur subjectivité, de leurs goûts et de leur
tempérament respectifs qui sont par essence, insuperposables. Les cultures humaines sont donc soumises au principe de la relativité et de pluralisme. Et
comprendre une culture, c’est trouver le motif prédominant qui l’a fait naître et a
pu lui permettre de se développer efficacement.»
5
La culture est comprise dans cette optique comme tout génie du genre humain
qui permettra à chaque peuple d’éclairer le jour au jour ses dimensions
proprement humanistes tant pour l’individu que pour la société.
Au-delà de toutes ces diversités culturelles, l’aspiration de toutes les sociétés
reste la même: parvenir à créer des conditions d’épanouissement de chaque
individu. La culture devient pour tout homme ou toute société « un plan de vie à
réaliser qu’un produit déjà fini.»
6
Elle incorpore la dimension ontologique et
anthropologique de l’homme. Elle apparaît ainsi comme force de libération d’un
soi transcendant à tout l’ordre du spatio-temporel dans une vision globale de la
croissance humaine, une croissance d’un monde vital mis en ses différents
membres. Elle est aussi la «réalisation suprême de l’homme, appelé à se dépasser
sans cesse intellectuellement, moralement, dans une vie individuelle et
communautaire.»
7
C’est à ce niveau qu’intervienne la définition moderne de la culture à laquelle
tout le monde aspire. La culture se saisit dans ces conditions comme fonction de
la réalisation humaine, d’où le devoir de chaque personne d’appartenir à une
culture sans laquelle elle ne peut atteindre son plein accomplissement. Il
modèlera ainsi sa nature et trouvera sa raison d’être humain dans sa culture. Le
sens d’appartenance culturelle se veut un « impératif catégorique» à ne jamais
perdre de vue.

La culture est le propre d’un homme ou d’une société. Edouard HERRIOT
l’identifie à l’érudition en affirmant que la culture est « ce qui reste quand on a
tout oublié.»
8
Elle reste ce que nous procure l’éducation. Chez Ralph LINTON
elle est «le mode de vie d’une société»
9
c’est-à-dire la manière d’être et de faire
propre à cette société. Loin d’être une connaissance inconsciente, la culture est
une transformation consciente de la nature.
2- L’éducation permanente pour promouvoir notre culture :
L’éducation joue un rôle important dans la réalisation de l’espèce humaine. Elle
nous arrache à des formes d’asservissement, de l’animalité et d’agressivité pour
nous donner le sens réel du pourquoi de notre existence. L’homme est ainsi fruit
de l’éducation. C’est pourquoi il faut inviter les jeunes dès le bas âge à une
véritable formation de leur personnalité sur les valeurs essentielles de
l’humanité: élever à un haut degré le sens de l’être sur les « valeurs » illusoires.
L’acquisition d’un esprit éclairé est un remède à la course au matérialisme qui
classe l’humain au garage au profit d’un égoïsme exacerbé et insignifiant. Mais
comment faire pour promouvoir ces valeurs galvaudées aujourd’hui ?
La promotion culturelle passe par une éducation permanente tant des jeunes que
des adultes. C’est la raison pour laquelle MBUMUA W. pense que: «la révolution
culturelle se confond avec la révolution éducative, c’est-à-dire elle aboutit
nécessairement à une refonte radicale de la philosophie et du système
éducatif.»
10 Il y a urgence de l’action éducative pour ne pas se trouver avec des
jeunes acculturés, déracinés, coupés de leur source et emportés totalement par
la culture étrangère qui n’offre pas toujours des valeurs dignes de ce nom.

L’objectif de cette action n’est pas de préserver l’Algérien traditionnel, ni d’en
faire un « Européen », mais de créer l’Algérien moderne capable d’intégrer tous les
éléments occidentaux qui répondent aux exigences de la vie contemporaine
dans la tradition autochtone rationnellement thématisée au sens de JANHEINZ
J
11. La promotion de notre culture et l’élaboration d’un Algérien digne doivent
avoir pour base l’éducation de nous-mêmes et des jeunes algériens plongés pour
la plupart dans les imitations serviles, dans les errements et le dédoublement.
L’éducation culturelle doit ainsi nous permettre de nous enraciner dans notre
culture, de nous moderniser sans nous renier. Ainsi, avec l’éveil de la conscience
se formera une jeunesse algérienne moderne digne qui ne sera plus « une
jeunesse falsifiée, déracinée, dédoublée.»
12 Seule l’éducation fera de nous ce
que nous serons, ce que sera notre culture.
Malheureusement, cette éducation est très minée en Algérie. Le système éducatif
ne répond pas aux exigences mondiales. C. HAYFORT l’a remarqué en notant
que: «Le vrai problème de l’Africain consiste à développer ses possibilités entant
qu’Africain… Les méthodes qui sont jusqu’ici utilisées sont absurdes parce
qu’elles ont été transplantées sur le terrain sans tenir compte de l’homme
noir.»
13Il faut l’introduction des valeurs culturelles humanistes dans
l’enseignement scolaire. Nos systèmes éducatifs doivent tenir compte de ces
valeurs culturelles pour répondre aux besoins et aux réalités mondiales. Cette
façon arracherait le jeune l’algérien du « « bovarysme » culturel qui conduit une
société à perdre confiance en elle-même et à chercher ailleurs les éléments de
son accomplissement.»
L’éducation se veut d’abord familiale. Les parents doivent être des pionniers de
l’éducation de leurs enfants. Au sens de Hervé CARRIER, la famille doit « dans
chaque projet de politique culturelle, être considérée comme le fondement
privilégié où se communique et s’enrichit la sagesse populaire, où se cultivent les
valeurs éthiques et spirituelles qui confèrent toute sa dignité à la culture
vivante.»
15 L’accent doit être mis sur l’éducation de base qui commande et qui
est responsable de notre devenir existentiel. Car la personne dès sa naissance
acquiert et intériorise les aspects de sa culture dans sa société qui le moule.
La situation des jeunes dans nos sociétés urbaines déstructurées, dépassées et
décontenancées par le rythme de la mondialisation nous laisse voir une jeunesse
médiocre, désorientée et éprise d’une éducation pauvre en valeurs humaines.
Cette situation doit nous interpeller. Il y a intérêt pour toutes les sociétés civiles
à réviser leur politique culturelle pour l’élaboration d’un type d’homme qui saura
conduire l’Algérie vers sa destinée. Lié étroitement à la culture, le développement
en Algérie a besoin de la culture pour se réaliser. Cela implique une mise à jour
des valeurs culturelles tant algériennes qu’étrangères correspondant aux
exigences de l’univers mondiale. C’est pourquoi dans la révision de sa politique
culturelle intérieure et extérieure, l’Algérie ne doit pas seulement promouvoir ses
valeurs traditionnelles, mais aussi les nouvelles valeurs. Il faut alors initier les
jeunes algériens à leur culture dès leur jeune âge.
Dans le processus de réalisation de ce noble projet de société, les penseurs
algériens doivent jouer le rôle d’éclaireurs et d’éveilleurs de conscience et inviter
la masse à un regard critique sur les anciennes et nouvelles « valeurs ». Pour y parvenir, nos penseurs doivent se libérer d’abord du giottisme encouragé par nos
gouvernements malades du culte de la personnalité.
La culture cessera alors d’être un simple outil de divertissement pour devenir la
condition sine qua none de l’épanouissement totale comme pense Hervé
CARRIER : «la culture donne à l’homme la capacité de réflexion sur lui-même.
C’est elle qui fait de nous des êtres spécifiquement humains, rationnels, critiques
et éthiquement engagés.»
16 C’est par la culture que l’homme se libère de toute
frustration et s’hominise réellement. En effet, il ne faut jamais l’oublier, les jeunes
sont les fers de lance, la sève de chaque peuple. Ce sont eux qui prendront en
main la destinée de l’Algérie. La nécessité d’une réflexion profonde sur les
problèmes socio-culturels que connaît aujourd’hui ce pays conduira à une
jeunesse réussie, aguerrie face aux enjeux du monde à venir. Cette jeunesse
éclairée et mature comprendra aisément que la science et la technologie ne sont
que fille d’un environnement donné et qu’il faut les domestiquer comme facteurs
du progrès et non d’autodestruction.

3- CARACTERISTIQUES DU TYPE KABYLE
S’il est un animal au caractère duquel, on peut comparer celui de l’antique type
kabyle, se serait bien le chacal.
En dehors de sa tribu, l’homme kabyle prenait ses distances et ne se laissait
approcher, que lorsqu’il se savait, rassuré de tout danger.
Il retrouvait surtout sa force, dans la consistance de son clan, lequel clan gagnait
à s’unir le plus possible, pour se prémunir de toute attaque ou invasion d’éléments d’autres tribus, qui, pour des raisons diverses, attentaient à l’intégrité
territoriale de leurs voisins.
Aussi, les cols, collines et versants hauts perchés étaient des endroits privilégiés
par l’homme kabyle, pour y ériger son habitat, tant que ces endroits, pouvaient
lui procurer l’eau nécessaire à sa survie.
Il peinait certes, à travailler le sol des coteaux souvent arides, pour semer son blé
et y tirer ses produits d’agriculture, mais au moins, estimait-il, il pouvait, de là où
il se trouvait, observer tout mouvement insolite s’opérant au piémont ou plus
loin, dans la plaine.
Dans la quasi-totalité de ses sorties pour ses travaux champêtres,
l’homme kabyle, se faisait accompagner par son épouse, quand bien même, il
posséderait une nombreuse progéniture, pouvant lui assurer une main d’œuvre
appréciable.
Avec son épouse à ses côtés, l’homme kabyle se sentait couvert contre toute
médisance sur son comportement vis-à-vis des autres familles, l’épouse prêtait
main forte à son mari et elle était surtout un moyen d’alerte, le cas échéant.
Tout en activant dans leurs propriétés, les gens kabyles, avaient
inlassablement un œil sur tout ce qui pouvait se produire alentour, tant et si bien
que dès lors où il leur apparaissait quelque chose d’insolite, la femme lançait de
sa voix perçante «thighrathine» (des you-you) appelant à une mise en garde.
Toute autre femme percevant ce message, se devait impérativement le relayer de
la même manière, pour le faire parvenir au village, et là, les forces vives se
concertaient pour décider des palliatifs à envisager.

Afin de pérenniser leur cohésion, les kabyles préféraient contracter
mariage, entre des membres de la même tribu. Les mariages entre membres de
tribus différentes, tenaient le plus souvent d’exception. On y recourait, lorsqu’il
était surtout question d’établir des alliances inter-tribus. Afin d’enterrer des
sentiments d’adversité ou mettre un terme à des animosités, on signait les pactes
d’amitié, par les liens de sang: Cette sacrée attache, à laquelle l’homme kabyle ne
s’y défait qu’en cas de situation extrême.
Descendant généralement d’un même patriarche, c’était tout le temps,
sous l’autorité de ce patron, que se déroulaient toutes les affaires de la vie
courante d’une tribu. Tajma3ath (assemblée générale) siégeait à des sessions
régulières, pour écouter les orientations de leur aïeul et s’organiser de façon
convenable, toutes les fois.
Rien que pour entamer la saison des labours par exemple, l’on n’avait
pas le droit de le faire, si au préalable, une famille élue du village, ne se décidait
pas à aller faire d’abord, l’entame. Ce privilège était du à ces gens, en rapport à
une qualité qui leur était reconnue. De même était-il de la saison de la récolte des
olives, où il n’était permis à personne d’aller commencer le travail, avant que
l’autorisation requise, ne soit donnée par «l’amine.» (Responsable) Les
contrevenants se voyaient infliger des sanctions pécuniaires ou encore, tenus de
s’acquitter d’une corvée donnée, telle que le nettoyage de la fontaine, du
cimetière, ou d’un accès quelconque, selon le besoin.
On avait un «crieur» dans chaque village. On le chargeait d’aller
répandre l’information à voix haute, en empruntant chacune des ruelles du douar, toutes les fois, où la djama3a statuait sur un sujet. Ainsi, ne pouvait-on
pas se dire non informé et chercher à se dérober, devant aucun cas relevant de
l’intérêt collectif.
Les conflits qui naissaient entre un village et un autre, relevaient le plus
souvent du fait que les uns ou les autres empiétaient les limites territoriales du
voisin, ou encore, lorsqu’on cherchait à détourner une source entre autre. Dans
de tels cas, on usait d’intransigeance et l’issue s’avérait malaisée, exigeant parfois
l’arbitrage d’un saint patron de l’3arch ; mais avant, bien des fois, il coulait du
sang et des hommes pâtissaient.
On s’entendait sur la délimitation du territoire d’un hameau ou encore
d’un 3arch, pouvant permettre à ces derniers, d’exploiter les espaces de pacage
et les sous-bois. Aussi, tout étranger de mauvaise foi, qui s’aventurait à fouler ces
endroits, s’exposait de ce fait, à la vindicte de ses voisins.
L’homme kabyle avait pour habillement : Un saroual assez ample dans
l’entre-jambe, lui permettant en toute aisance, de faire des foulées et des
enjambées, sans contrainte aucune. Les pans du saroual ne parvenaient pas
jusqu’aux chevilles. L’avantage en cela, était que l’homme qui portait ce
vêtement, ne le salissait pas en effectuant ses tâches quotidiennes.
Ce même homme se vêtait aussi d’une chemise à longues manches, dessus
laquelle, il mettait un gilet. Ce gilet devait avoir deux poches latérales, intérieures
assez profondes pouvant contenir hormis des argents, des objets tels que : un canif, une pince à épiler, une aiguille de tailleur et du fil à coudre, voire un petit
miroir, que l’homme d’antan, estimait indispensables.
La serpette: cet outil tranchant ne quittait quasiment pas l’homme
kabyle, qui sortait de chez lui, pour se rendre à ses champs. C’est entre ses
omoplates qu’il glissait le manche de celle-ci, sous le tissu de sa chemise et du
gilet. Habile à la sortir de là, le moment venu, il s’en servait dans plusieurs usages,
voire pour se défendre contre une attaque de quelque animal dangereux.
L’homme kabyle portait aussi le burnous. Blanche était
traditionnellement la couleur du burnous de l’homme kabyle. Ce n’était qu’une
fois ses taches terminées, que l’homme kabyle songeait à endosser son burnous.
La blancheur de cet habit témoignait sur la propreté de celui-ci. D’aucuns,
possédaient d’ailleurs, un burnous d’apparat, tissé finement et brodé à l’encolure,
avec du fil de soie. On pouvait alors juger de l’importance de l’homme qui portait
un tel habit, en estimant la valeur de ce dernier.
Il est des occasions sacrées aux yeux de l’homme kabyle, et c’était assez
souvent à grands frais, que celui-ci fêtait yennayer, l’aïd seghir, l’aïd kébire,
l’achoura, le mewled ennabawi, les mariages et les circoncisions. Il immolait
selon le cas, un ovin ou un bovin, et distribuait la chair de ceux-ci, aux gens de
son entourage. «L’ouzéa» consistait à immoler un bœuf à l’achat duquel
contribuaient tous les chefs de famille du village et on se partageait la chair, dans
la liesse. On ne faisait pas payer les démunis. D’ailleurs, le but principal de
«l’ouzéa» était de permettre aux démunis, d’avoir leur part, de cette denrée de
tout temps onéreuse.

On connaissait deux façons de célébrer une fête de mariage: La mariée
« marchait» ou « montait».
En effet, si la nouvelle famille de la jeune mariée habitait le même village, on
faisait « marcher» la mariée, en lui faisant parcourir les rues de hameau, sous le
rythme de la ghayta et du bendir. Cela consistait à informer l’ensemble des
citoyens, sur l’heureux évènement.
Si la jeune mariée devait par contre, quittait son village natal, on la faisait
« monter» sur un cheval ou un mulet, pour la transporter à sa nouvelle demeure.
On improvisait des concours de tirs au fusil de chasse, lorsqu’on recevait des
compagnons du nouveau marié.
Autant les visiteurs, que les hôtes, tout le monde, trouvait là, l’occasion de mettre
en exergue, ses compétences et aussi surtout, de dévoiler aux autres,
l’importance de l’arsenal détenu par les gens du village, cherchant ainsi, à
décourager tout individu qui serait tenté un jour, de chercher à nuire à
leur collectivité.
Il n’est guère de village kabyle, qui ne possède une mosquée. Ce
sanctuaire sacré, présentait un double intérêt : Celui d’accueillir et rassembler les
fidèles, pour l’accomplissement de leurs culte et aussi, de permettre aux gens du
village, pratiquants et non pratiquants, de venir s’assoir sur les bancs de pierre de
la cour de cette mosquée, ou sous un préau, pour se délasser, s’informer, se
distraire et puiser du savoir, à écouter parler leurs aînés.
La mosquée, le kanoune, étaient durant longtemps, les écoles du jeune
kabyle.

Les grands parents autour desquels se regroupaient les membres d’une famille,
s’assoyaient tout près de l’âtre, et dispensaient tout un savoir, à leurs petits
enfants, attentifs.
Lorsque les enfants ne trouvaient pas de réponse à quelque question, auprès de
leurs parents, c’est à la mosquée qu’ils allaient ensuite la glaner, car là-bas, c’était
sans trop de gêne, qu’ils pouvaient formuler leur demande, à des hommes âgés
et expérimentés.
Pour le gente féminine, la fontaine s’avérait le carrefour de leurs
rencontres. Elles se croisaient, s’échangeaient l’information et traitaient même
des affaires : Sélectionner et cibler la future bru, trouver une acheteuse
potentielle d’une robe, d’un bijou, d’un ustensile etc.…
Il arrivait aussi, que la fontaine soit un lieu de discorde, lorsque son eau venait à
tarir. Excédées par de longues attentes, pour arriver à puiser sa ration de ce
précieux liquide, des femmes se chamaillaient nécessitant quelques fois
l’intervention des hommes. Et là, lorsque la sagesse venait à manquer, c’est après
effusion de sang, que de telles affaires se terminaient.
« Les crimes ne sont vengés, que lorsque des femmes se chamaillent à la
fontaine» disait-on d’ailleurs.
Au marcher hebdomadaire, l’homme kabyle pouvait acheter sa vache, sa
paire de bœufs ou son mulet, sans même avoir de l’argent sur soi, pour peu que
celui-ci avait du renom. Il lui suffisait de dire son appartenance comme étant le
neveu de telle famille, le gendre d’un tel dignitaire ou tout simplement,
descendant d’une telle tribu. C’était le renom qui tenait lieu de monnaie.

Lorsqu’un homme accrédité par les gens de son ascendance trahissait la
confiance de celle-ci, il s’exposait à de sévères répressions, pouvant aller jusqu’au
bannissement.
Le caractère du type kabyle a commencé s’étioler, dès l’arrivée du colon
français. Dès lors, ses écoles inculquaient de nouvelles idées aux enfants, une
nouvelle culture, de toutes nouvelles façons, de concevoir les choses.
Les brassages des populations et surtout la cinglante invasion des films
et émissions télévisuels, ont fini par avoir raison du caractère de l’homme kabyle.
Aujourd’hui, le caractère originel du type kabyle n’est qu’un souvenir ancien. Le
comportement, le mode et les modes du genre occidental, oriental voire
asiatique et d’ailleurs, viennent se greffer lentement sur celui du kabyle, affectant
notamment, la gente féminine et les enfants.
Un tel fléau étant insurmontable, il ne reste désormais, plus à parler du caractère
kabyle.
Conclusion :
Face à l’assaut direct et brutal des schèmes culturels différents, l’Algérie se trouve
pris au piège de tant de pseudo-valeurs d’une culture étrangère qui
dépersonnalisent l’être algérien ; il y a nécessité de prendre une part importante
au réveil des consciences pour une révolution culturelle nationale humanisant.
Ce projet vise en effet à contrer l’impérialisme culturel occidental devenu plus
complexe, plus tentaculaire et plus agressif que jamais, détruisant par le fait
même la culture du pays, en saccageant son incarnation dans l’histoire de
l’humanité.

L’enjeu est la redéfinition de l’identité nationale dont «la tradition ne doit pas
être ni un élément d’oppression, une espèce de refuge de refoulement, une
espèce de corset dont les dominants seraient heureux de se servir, ni un alibi à
l’usage de certaines bonnes volontés néanmoins paternalistes ; comme dans le
cas de l’apartheid »
18
, mais comme atout de réalisation de la nature humaine mis
au service de l’humanité.
Au-delà de ces pseudo-valeurs, la culture deviendra alors force de libération et
d’accomplissement de l’homme. Les diversités culturelles, nées avec les hommes
suivant le temps et l’espace, doivent aboutir à la culture, celle à laquelle aspire
toute l’humanité, celle faite des valeurs les plus essentielles et les plus actives
dans le processus de l’accomplissement parfait de l’espèce humaine. Car c’est elle
qui doit réaliser le projet de l’humanité en vue de donner à l’homme le sens de sa
liberté, de sa dignité et de sa juste place d’être humain au milieu du matérialisme
envahissant.
Références Bibliographiques :
1. CARRIER H Lexique de la culture. Pour l’analyse culturelle et
l’inculturation Paris, Desclée, 1992,
2. HERRIOT É., cité par KENMOGNE E., Comprendre la philosophie, Tome
I, Presses Universitaires de Yaoundé, 2000
3. LINTON R., cité par VERGEZ A., – HUISMAN D., Nouveaux Cours de
philosophie, tome II, Paris, Fernand/Nathan, 1980
4. MBUMUA W., Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974.
5. MBUMUA W.E., Un certain humanisme, Yaoundé, Clé, 1970

6. NJOH MOUELLE E., De la médiocrité à l’excellence, Yaoundé, Mont
Cameroun, 1988
7. PEELMAN A L’inculturation. L’Église et les cultures, Paris, Desclée,1988,
Ouvrages lus :
Aamar Mezdad. Tafunast igujilen. Isefra. Edition GEB,1991.
Tassadit Yacine. Poésie berbère et identité.
Salem Chaker. Imazighen Assa-A.(Berbère dans le maghreb contemporain).
Edition Bouchene,Alger.
Témoignage sur les caractéristiques du type kabyle par Muhend lmulud ubeqqa
écrivain, Romancier. Réalisateur.

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Toufan septembre 9, 2021 - 12:38

Je vous remercie pour ce beau travail et pour votre contribution, Welcome et vive l’Algérie Algérienne .

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