Source: APS.dz Mercredi, 26 Mai 2021
AIN DEFLA – Le fondateur du mouvement des Scouts Musulmans Algériens (SMA), feu Mohamed Bouras, a effectué un travail “déterminant” dans la mobilisation des citoyens pour se révolter contre l’indu occupant et combattre pour l’Indépendance du pays, a souligné un spécialiste en histoire de l’Université Djillali Bounaâma de Khémis Miliana (Aïn Defla), à la veille de la journée nationale des Scouts musulmans.
Convaincu que la lutte pour l’Indépendance du pays ne pouvait être menée sans un peuple conscient et armé de savoir et d’éducation, ce nationaliste hors-pair, véritable école de militantisme, meneur d’hommes et grand rassembleur, s’est surpassé pour porter haut son pays, faisant preuve d’une détermination inégalable en dépit des obstacles dressés sur son chemin, a expliqué Abderahmane Tounsi, du département d’histoire de cet établissement d’enseignement supérieur, ayant fait des recherches dans le centre des archives militaires algériennes de Paris.
“Le 27 mai 1941 correspond, certes, à la mort d’un homme, il n’en reste pas moins que cette date est annonciatrice d’évènements constituant des tournants dans la lutte du peuple algérien visant son indépendance”, a-t-il noté, citant les évènements du 8 mai 1945 et le 1er novembre 1954 date de déclenchement de la lutte armée.
Observant que le mouvement des SMA fait partie “intégrante” de la mémoire collective nationale, il a rendu hommage à la “vaillance” et au “dévouement”, dont a fait preuve Mohamed Bouras.”Il est clair que les Scouts Musulmans Algériens font partie de la mémoire collective nationale et c’est dans ce contexte que s’inscrit la décision prise par le président de la République de consacrer une journée à ce corps dont le fondateur s’est caractérisé, tout au long de sa vie, par sa vaillance et son dévouement “, a-t-il dit.
Le centenaire de la présence française en Algérie, le déclic
Signalant que Mohamed Bouras et son ami et camarade d’études, Sadek El Foul, se trouvaient à Alger le jour de la célébration des 100 ans de la présence française en Algérie, il a fait part de leur admiration du tableau donné à l’occasion par les scouts français comptant en leur sein des chrétiens et des laïcs.
“Mohamed Bouras et Sadek El Foul étaient, certes, subjugués par le tableau donné à l’occasion de la célébration du centenaire de la présence coloniale en Algérie par les scouts français, mais, nonobstant leur admiration, ils se sont demandés + pourquoi pas nous +, allusion faite à une organisation similaire algérienne”, a-t-il expliqué, observant que l’idée de la mise en place d’un mouvement des scouts algériens a, dès lors, commencé à “germer”.
Joignant l’intention à l’acte, les deux compères ont décidé de mettre en place, durant cette même année à Miliana, le premier groupe des SMA (dénommé Ibn Khaldoun), lequel était domicilié au sanctuaire de Sidi Ahmed Benyoucef errachidi, le saint patron de la ville.
L’aura de ce groupe a été telle que, lors de la visite qu’il a effectuée à Miliana en 1931, le président de l’Association des Oulémas Musulmans Algériens, cheikh Abdelhamid Benbadis, s’est rendu à son siège, faisant part de sa grande satisfaction en entendant les chants patriotiques glorifiant la patrie.
Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Mohamed Bouras, après avoir constaté la réussite du groupe Ibn Khaldoun de Miliana, a décidé de créer le groupe “Al Fallah ” à la Casbah (rue Maringo) en 1936, en dépit des obstacles qui se dressaient sur son chemin, a fait savoir l’enseignant, faisant état de la création de structures similaires notamment à Guelma (Ennoudjoum), Annaba (El mouna) et Sétif (Al Hayat), soutenus qu’ils étaient par Ferhat Abass, l’Association des Oulémas, Messali el Hadj et l’Etoile nord-africaine.Mais, incontestablement, le plus grand mérite de Mohamed Bouras réside dans la création, en 1939, de la Fédération des Scouts Musulmans Algériens, a soutenu l’universitaire, également scout à la section Emir Abdelkader de Khémis Miliana ainsi qu’à celle d’Ibn Khaldoun (Miliana).
“En 1939, les différents groupes des SMA se sont réunis en fédération à la salle Majestic (Alger), un évènement rehaussé par la présence de personnalités de marque telles Ferhat Abbas et Abdelhamid Ben Badis”, a-t-il relevé.
Ce fait n’a pas été du goût des autorités coloniales qui voyaient désormais en Mohamed Bouras leur ennemi juré, l’exécutant le 27 mai 1941 au Caroubier (Hussein-Dey), relève-t-il.
A partir de cette date, les choses ont changé, le travail en secret ayant pris le pas, jusqu’aux évènements du 8 mai 1945, auxquels de nombreux scouts ont pris part, et dont le premier martyr, Bouzid Chaâl, en faisait partie.
Exécution de Mohamed Bouras, un acte basé sur des tromperies
Observant que le motif de la condamnation de Mohamed Bouras, exécuté en compagnie de jeunes scouts, était celui d'”atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat “, le spécialiste en histoire a noté que les accusés n’ont pas eu la possibilité de choisir leurs avocats.
A rappeler que l’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat est un motif courant, qui servait à poursuivre n’importe qui pour n’importe quoi, dès qu’il contestait la politique française par la parole ou par l’écrit. Se référant à de nombreux témoignages, il a indiqué que Bouras a cherché à se procurer des armes pour organiser la résistance dans le Zaccar (montagne qui domine la ville de Miliana).
“Comme Mohamed Bouras travaillait à l’amirauté d’Alger, il a entrepris des contacts avec la commission allemande d’armistice qui siégeait à Alger, avec l’accord du gouvernement de Vichy, en vue de se procurer des armes au profit de la région du Zaccar et de lancer une révolution avec les Béni Mennaceur “, a-t-il fait savoir.
“Bouras n’a rien obtenu de cette commission et la police n’a pas découvert d’armes chez lui ni chez ses compagnons”, a relevé M. Tounsi, observant que suite à cela, les autorités françaises l’ont accusé d’avoir remis des documents secrets aux Allemands.
Pour lui, il est pour le moins stupéfiant d’affirmer que Bouras “a collaboré avec l’ennemi”, alors que le gouvernement de Vichy collaborait avec les Allemands qui occupaient la France, d’autant que cette justice militaire était une justice coloniale qui ne s’embarrassait pas de recueillir des preuves solides et irréfutables et ne donnait aux accusés aucune chance de faire appel.
Il n’y avait pas d’accusations précises qui justifient l’arrestation de Bouras et des jeunes scouts, observant que la raison pour laquelle ils ont été condamnés réside dans le fait que le fondateur des SMA et ses amis étaient de jeunes nationalistes.
Selon le spécialiste, les rapports de police qui ont servi de base à cette justice expéditive sont l’œuvre d’André Achiary, un policier ayant surveillé Mohamed Bouras pendant près de deux ans et qui sera, 4 ans plus tard, l’auteur des crimes perpétrés à Guelma.
“La majorité des membres du mouvement des scouts a adhéré au groupe des 22 durant les années 1953-1954, préparant ainsi le terrain au déclenchement de la Révolution armée en 1954, à laquelle ils prendront part de manière active, c’est dire la contribution de cette organisation à l’Indépendance du pays “, a conclu M.Tounsi.