Par un beau jour de printemps à Montréal, la neige a fondu, les écureuils sont sortis, les arbres commencent à retrouver leur beau feuillage perdu durant l’hiver rude.
En tant qu’algérien qui se respecte et comme il fait beau, j’emmène ma blonde (1) faire du magasinage (2).
Et bien sûr, en tant qu’algérien qui se respecte, je la laisse entrer toute seule dans son magasin et je garde ma fille d’à peine 5 ans. Je n’aime pas le magasinage, encore moins l’attendre seul.
Le stationnement est pratiquement vide, il fait tellement beau, je propose à ma fille de se dégourdir les jambes et de s’installer sur un carré gazonné pas loin.
Chemin faisant, on rencontre LA chenille. Cette chenille toute minuscule qui m’a ébranlé. Cette rencontre inattendue qui, peut-être, a changé ma perception de la vie ! elle était là, à avancer tranquillement sur l’asphalte du parking.
Ma fille demande : Papa, c’est quoi cette bibitte (3) ?
– C’est une chenille ma fille
– Je peux la toucher?
– Je ne préfère pas ma fille, tu risques de lui faire mal, elle est très fragile tu sais.
Et je me lance dans une description pathétique sur l’avenir radieux qui attends la chenille.
– Cette chenille, ma fille, va bientôt se tisser un cocon et elle va y dormir un certain temps et quand elle en sortira, ce sera un joli papillon tout coloré qui va voler joyeusement de fleur en fleur!
– Un papillon rouge et noir ? me dit-elle, tout excitée !
– Oui ma fille, laissons-la maintenant et allons profiter du soleil plus loin.
On s’éloigne de la chenille et nous jetons, ma fille et moi, un dernier regard.
Un Monsieur, d’à peu près mon âge et son enfant d’a peu près son âge, s’arrêtent également pour observer la fragile petite chenille. Après avoir dû sûrement répondre aux mêmes questions, le brave Monsieur sort un mouchoir en papier, prends délicatement la chenille et la dépose dans un parterre fleuri, non loin de là, à l’abri des voitures, des piétons et des ennemis de la nature … comme moi.
J’ai menti à ma fille. La chenille n’aurait jamais pu se transformer en papillon sur cet asphalte. Elle n’aurait jamais pu voler de fleur en fleur. Comment aura-t-elle pu atteindre le moindre abri à la vitesse où elle avançait. Un char (4) l’aurait probablement écrasé dans l’heure qui suit !
Pourquoi n’ai-je pas pensé à la sauver ? Pourquoi n’en ai-je pas eu le réflexe ? Pourquoi protéger la nature et l’environnement ne m’interpelle pas ? Pourquoi n’ai-je pas donné l’exemple à mon enfant en sauvant cette fragile petite chenille ?
Je me repasse très souvent cette scène dans ma tête et je me repose toujours ces mêmes questions.
J’ai connu pourtant la nature en Algérie, mes parents entretenaient un joli potager, j’y participais même !
L’école algérienne ne me l’a pas appris, elle ne m’a jamais sensibilisé à l’importance de l’environnement ou si peu. Je me rappelle vaguement la fête de l’arbre, en mars je crois, où on nous demandait de dessiner un arbre ! chaque année, je dessinais le même, il n’a pas tellement changé au cours des années.
La mosquée? encore moins, elle veillait surtout à ce que je n’évolue pas, que je reste conforme à la génération précédente, comme elle l’a fait avec la précédente et la précédente et la précédente… la nature et l’environnement n’ont jamais été son fort, le seul lien à la nature était la météo, au paradis tempéré, en enfer brûlant. Ce Monsieur ira-t-il en enfer et moi au paradis ?
Tout ca pour vous dire qu’Il faut sensibiliser nos enfants à la protection de l’environnement en leur enseignant les bons gestes. Ne pas jeter de papiers par terre, éteindre la lumière quand on sort d’une pièce, trier les déchets, observer la nature de manière ludique ou encore consommer de manière responsable et donner le bon exemple… Il y a plein de petits gestes à adopter au quotidien afin de préserver notre planète.
Et pour que les générations suivantes acquièrent elles aussi ces bonnes habitudes, s’y prendre dès le plus jeune âge est indispensable.
Pour se faire, l’école, la mosquée, la société civile, les associations, les partis politiques, citoyens, … tous doivent y participer et le promouvoir.
Et vous, vous y auriez pensé a sauver la fragile petite chenille? vraiment ?
Définitions :
(1) Ma Blonde = Ma femme
(2) Magasinage – Shopping
(3) Bibitte = Petite bête
(4) Char = Voiture
Yazid Jzr
5 comments
Très bonne morale cet article Yazid . Bravo!
Yazid, tsé la chenille su mon perron j’lai laissé là et un oiseau la mangé……On ne peut pas sauver tout le monde tout le temps ….الا من رحم ربي
Un sujet plus qu’intéressent mon ami et la manière avec laquelle tu nous le présente est juste magnifique
J’adore ce style narratif qui fait promener son lecteur sous plusieurs ptits cieux pour qu’en fin l’emmener là où il veut.
Bravo
Belle leçon de vie surtout à un enfant à qui on doit tout apprendre.de mieux en mieux, que nous réserves-tu encore.
Cette prise de conscience est comme une douche froide qui réveille nos sens pour dévoiler tout ce qui nous entoure. Cet éclaircissement nous aide à voir les choses différemment, nous acceptons les petits bobos de la vie avec une sérénité qu’on ne se connaissait pas…c’est bien la preuve que nous passons à une maturité supérieure qui apporte un bonheur inébranlable. Je la souhaite vraiment à tout le monde et merci d’avoir partagé votre douche froide avec vos lecteurs 🙂