Source : elwatan.com 01 MARS 2021
Comme le rappelle souvent l’écologiste Pierre Rabhi, en répétant la légende du colibri : «Chacun doit faire sa part» pour faire de la planète une meilleure place à vivre. Les colibris sont de plus en plus nombreux aujourd’hui, au fur et à mesure que le monde évolue sans trop savoir vers où ou comment. L’écocitoyenneté devient un refuge, celui des millions de consommateurs qui cherchent à échapper à une sorte de machine industrielle qui a tout dévasté sur son passage. La quête des produits biologiques, naturels ou écologiques, devient une valeur sûre qui rassure en ces temps où on doute de tout, notamment de ce que nous mangeons.
La mondialisation, qui a fait du mode de consommation un moule taillé sur mesure par les mastodontes de l’industrie alimentaire, a également, malgré elle, permis la promotion du marché du bio.
Les mouvements militant pour la promotion de l’agriculture biologique, de l’agroécologie ou du bio de manière générale ont profité des moyens de communication de la mondialisation pour semer des graines partout dans le monde.
Les consommateurs algériens ne pouvaient donc pas rester en dehors de ce mouvement mondial en faveur d’une alimentation saine et respectueuse des savoir-faire ancestraux. La pandémie du coronavirus et la promotion d’une alimentation saine pour favoriser une bonne immunité contre les infections et les virus ont fait amplifier les réverbérations de cette tendance mondiale qui avance à pas de géant. Nous assistons à une multiplication d’échoppes et d’espaces dédiés à la vente des produits bio, du terroir ou des produits tout simplement renvoyant à un imaginaire collectif nourri à la sève de l’authenticité. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste dans ce mouvement «écologico-alimentaire» puisque différents supports en ligne proposent des produits biologiques. Produits cosmétiques ou d’hygiène (savons, maquillages, crèmes nourrissantes ou d’entretien), produits alimentaires (fruits, légumes, huiles, fromages, etc.), produits du terroir et artisanat (alimentaires ou décoratifs), etc.
La liste des produits proposée est loin d’être exhaustive et les consommateurs se ruent sur ces lieux pour acheter ce qui satisfait leur demande sur des aliments supposés être sains et ne comportant aucun risque pour leur santé. Mais face à cette offre multiple et variée de produits, le consommateur algérien exprime un besoin sans avoir la garantie que ce qui lui est proposé est réellement à 100% biologique ou de bonne qualité. «Beaucoup en Algérie continuent de confondre produits naturels, produits du terroir et produits bio. Or, l’un n’implique pas forcément l’autre ; tous les produits naturels ne sont pas forcément des produits bio, ni même du terroir. De même que tous les produits du terroir qui sont commercialisés en Algérie ne sont pas non plus bio ni même fabriqués avec des produits naturels.
Il en va de même pour les produits bio qui sont encore, pour beaucoup, importés et ne sont donc pas issus de terroirs locaux ; tandis que le qualificatif «naturel» «ne suffit pas pour les identifier comme produits issus de l’agriculture biologique», regrette Kerim Tedjani, fondateur du portail de l’écologie Nouara. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’activiste de l’écologie estime que pour parler de produits Bio, il faut avant tout un cahier des charges précis portant sur la production et non juste une manière de cultiver un produit.
«En Algérie, beaucoup de producteurs et de commerçants jouent, consciemment ou par ignorance, sur cette confusion. Tandis que nombre des consommateurs algériens ne savent pas comment l’éviter ou la déjouer. En Algérie, c’est surtout la consommation et donc la production de produits dits ‘naturels’ qui a le plus de succès. Puis vient celle des produits du terroir qui enregistrent une évolution assez encourageante.»
«Cela ne veut pas dire que les produits biologiques n’ont pas de plus en plus le vent en poupe auprès d’une certaine catégorie de consommateurs algériens. Mais les conditions effectives de leur certification en Algérie rendent la chose encore très anecdotique pour l’instant ; bien que les choses semblent évoluer progressivement vers des jours meilleurs pour la consommation ainsi que la production de tels produits en Algérie», soutient Tedjani.
Pour le Collectif Torba qui est une association militant en faveur de l’agriculture biologique, «le produit labellisé et certifié bio est destiné surtout pour l’export. Nous sommes pour que le citoyen algérien puisse accéder aux produits sains et à des produits accessibles. Pour cela, il lui suffit de s’organiser pour contacter des petits agriculteurs qui n’utilisent pas ou peu de pesticides et de leur acheter leurs produits. Ou carrément, faire en sorte de créer un marché local des produits agroécologiques, issus d’une agriculture saine et durable».
REVENIR À UN MODÈLE DE CONSOMMATION ANCESTRAL
L’agriculture biologique est un ferment de l’agriculture durable sur lequel peut s’appuyer l’économie d’un pays. «Si nous voulons rester sur un modèle de consommation basé sur le blé tendre, le lait, le sucre et les huiles industrialisées, nous ne pouvons pas prétendre à l’autosuffisance alimentaire. Parce qu’il s’agit d’un mode de consommation basé sur des produits exclusivement importés et que nous ne pouvons pas produire localement. Nous devons au contraire favoriser un modèle de consommation semblable à celui de nos aïeux basé sur des légumineuses, du blé dur ainsi que des légumes et fruits produits locaux, là nous pourrons garantir une autosuffisance alimentaire car nous ferons en sorte de renforcer la production locale», explique Karim Rahal, membre du collectif Torba, lors d’un webinaire organisé autour du concept de l’agriculture biologique.
Le même intervenant indique que l’agriculture biologique est susceptible de créer de la richesse et offrir des débouchés aux jeunes qui veulent créer leurs propres exploitations agricoles.
«L’agriculture biologique ne nécessite pas de grands espaces, mais de petites parcelles de 2 à 3 ha qui sont faciles à gérer et surtout offrant la possibilité de production diversifiée», dit-il, en dénonçant les grands projets monocultures développés notamment dans les régions du Sud et occupant plusieurs centaines d’hectares en favorisant l’utilisation de pesticides.
«Nous devons revenir au modèle agricole de nos parents et grands-parents qui cultivaient la terre dans le respect de la diversité biologique et en consommant des produits de saison», plaide Karim Rahal en notant que le collectif Torba œuvre à soutenir de jeunes étudiants, agriculteurs ou entrepreneurs pour lancer leurs exploitations agricoles, agroécologiques ou fermes pédagogiques.
UNE DIRECTION POUR SOUTENIR L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE
La réponse des pouvoirs publics face à cette demande pressante et grandissante d’aller vers une production agricole biologique s’est traduite par la création d’une structure au niveau du ministère de l’Agriculture appelée Direction de l’agriculture biologique de la labellisation et de la promotion des productions agricoles DABLPPA.
Cette nouvelle direction est composée de trois sous directions s’occupant de la labellisation des produits, de la préservation et la valorisation durable et va encore plus loin en se donnant pour mission la protection des patrimoines génétiques. Une sous-direction se charge, quant à elle, du volet relation avec l’agro-industrie et l’exportation.
«L’Algérie est un pays continent et dans chaque zone biologique et écologique, nous trouvons des spécificités, des savoir-faire locaux d’une grande importance… Il est vrai qu’il y a eu une érosion de certaines façons de faire, mais nous avons encore énormément de connaissances et savoir-faire qui sont maintenus et qui sont à valoriser», souligne Malika Korichi Hamana, première responsable de la DABLPPA.
«Nous avons eu tout un programme dans le cadre du développement rural dont une partie portait sur le thème fédérateur de la valorisation du patrimoine matériel et immatériel…Nous avons un très grand potentiel naturel, de savoir-faire et de tradition de consommation qui appellent à promouvoir l’agriculture biologique. Si on valorise l’agriculture biologique, nous augmentons nos capacités de production. Et d’ailleurs, nous disposons d’une multitude de façons de faire de nos agriculteurs qui sont à développer», estime notre interlocutrice très fière de la mission qui vient de lui être confiée de développer ce modèle agricole éco-responsable.
Les possibilités de développer les produits bio en Algérie sont multiples, mais pour l’heure quelques produits sont déjà connus et constituent des niches porteuses, comme la datte avec le label Deglet Nour. Mais l’Algérie exporte d’autres produits, comme l’oignon sauvage, l’huile d’olive, la caroube, et même des escargots.
«Il y a de plus en plus de marques qui sont vendues en vrac, mais une fois arrivées à destination, elles sont coupées, et donc ne sortent pas avec la spécification d’origine algérienne… Il y a donc un travail à faire sur le volet exportation en garantissant l’origine algérienne des produits exportés, c’est-à-dire aller vers un acte d’exportation et non pas d’importation inversée. C’est d’ailleurs une des raisons qui plaident pour la création de notre direction qui se chargera de la promotion mais aussi de la protection des produits du terroir sortant sous label IG AO ou AB ; nous avons l’obligation d’avoir une certification», explique Karima Korichi Hamana en notant que même le consommateur algérien est demandeur de qualité. Mme Korichi Hamana et son équipe s’attellent à la préparation d’une réglementation sur le bio qui devrait être prête d’ici la fin de l’année pour être sur le bureau du SGG (secrétariat général du gouvernement).
«Nous avons entamé un travail pour faire d’abord un état des lieux en concertation avec la société civile constituée des différents acteurs et intervenants… et aboutir à une réglementation concertée qui répondra aux attentes de tous… Nous pouvons construire un système d’agriculture biologique spécifique à l’Algérie. Nous essayons d’aller sur une feuille de route avec Algerac (Organisme algérien d’accréditation) pour identifier les points de contrôle… Des discussions avec des exports sur les possibilités d’exportation vers l’Europe ont montré que plus on va vers le bio, plus il y aura des niches à l’export, il s’agit de créneaux porteurs mais bien évidemment, il faut mettre au point des cahiers des charges et cela fait partie du chantier ouvert avec Algerac dans le cadre de cette feuille de route», indique la directrice, en soulignant que si on vise l’exportation hors hydrocarbures.
La mondialisation, qui a fait du mode de consommation un moule taillé sur mesure par les mastodontes de l’industrie alimentaire, a également, malgré elle, permis la promotion du marché du bio.
Les mouvements militant pour la promotion de l’agriculture biologique, de l’agroécologie ou du bio de manière générale ont profité des moyens de communication de la mondialisation pour semer des graines partout dans le monde.
Les consommateurs algériens ne pouvaient donc pas rester en dehors de ce mouvement mondial en faveur d’une alimentation saine et respectueuse des savoir-faire ancestraux. La pandémie du coronavirus et la promotion d’une alimentation saine pour favoriser une bonne immunité contre les infections et les virus ont fait amplifier les réverbérations de cette tendance mondiale qui avance à pas de géant. Nous assistons à une multiplication d’échoppes et d’espaces dédiés à la vente des produits bio, du terroir ou des produits tout simplement renvoyant à un imaginaire collectif nourri à la sève de l’authenticité. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste dans ce mouvement «écologico-alimentaire» puisque différents supports en ligne proposent des produits biologiques. Produits cosmétiques ou d’hygiène (savons, maquillages, crèmes nourrissantes ou d’entretien), produits alimentaires (fruits, légumes, huiles, fromages, etc.), produits du terroir et artisanat (alimentaires ou décoratifs), etc.
La liste des produits proposée est loin d’être exhaustive et les consommateurs se ruent sur ces lieux pour acheter ce qui satisfait leur demande sur des aliments supposés être sains et ne comportant aucun risque pour leur santé. Mais face à cette offre multiple et variée de produits, le consommateur algérien exprime un besoin sans avoir la garantie que ce qui lui est proposé est réellement à 100% biologique ou de bonne qualité. «Beaucoup en Algérie continuent de confondre produits naturels, produits du terroir et produits bio. Or, l’un n’implique pas forcément l’autre ; tous les produits naturels ne sont pas forcément des produits bio, ni même du terroir. De même que tous les produits du terroir qui sont commercialisés en Algérie ne sont pas non plus bio ni même fabriqués avec des produits naturels.
Il en va de même pour les produits bio qui sont encore, pour beaucoup, importés et ne sont donc pas issus de terroirs locaux ; tandis que le qualificatif «naturel» «ne suffit pas pour les identifier comme produits issus de l’agriculture biologique», regrette Kerim Tedjani, fondateur du portail de l’écologie Nouara. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’activiste de l’écologie estime que pour parler de produits Bio, il faut avant tout un cahier des charges précis portant sur la production et non juste une manière de cultiver un produit. «En Algérie, beaucoup de producteurs et de commerçants jouent, consciemment ou par ignorance, sur cette confusion.
Tandis que nombre des consommateurs algériens ne savent pas comment l’éviter ou la déjouer. En Algérie, c’est surtout la consommation et donc la production de produits dits ‘naturels’ qui a le plus de succès. Puis vient celle des produits du terroir qui enregistrent une évolution assez encourageante.» «Cela ne veut pas dire que les produits biologiques n’ont pas de plus en plus le vent en poupe auprès d’une certaine catégorie de consommateurs algériens.
Mais les conditions effectives de leur certification en Algérie rendent la chose encore très anecdotique pour l’instant.
Dossier réalisé par
Nadjia Bouaricha