Le tapis traditionnel de pure laine fabriqué à Ghardaïa continue de susciter l’intérêt de tous. Très courtisé par les touristes étrangers, mais aussi par les habitants locaux, ce « bijoux » tissé à la main a malheureusement connu une chute dans les ventes et surtout une légère baisse de ses prix, en raison de la pandémie due à la Covid-19, qui a paralysé, un tant soit peut, la confection et qui est à l’origine de l’augmentation de la matière première.
Le tapis de Ghardaïa, fait face à d’autres problèmes aussi. Il s’agit de la concurrence déloyale de l’industrialisation.
Rencontré en marge du salon d’art tenu dernièrement à l’Opéra d’Alger Boualem Bessaih, l’artisan Mahfoud Benslimane, à la tête de l’entreprise familiale « Tapis Traditionnel » à la place du marché de Ghardaïa, a confirmé que l’artisane qui travaille chez elle, dans sa maison, souffre de difficultés à commercialiser ses produits, principalement le tapis. C’est ce qui la pousse, précise-t-il, à vendre son œuvre (tapis) aux commerçants, à bas prix.
Selon lui, les espaces dédiés aux artisans à longueur de l’année dans la région de Ghardaïa font défaut. Du coup, les spécialistes ne trouvent pas où exposer leurs produits, et se trouvent contraints à les céder à bas prix à d’autres marchands qui, à leur tour, les revendent à des prix excessifs. « La femme qui met toute son énergie et son savoir faire à tisser ce tapis gagne très peu d’argent, contrairement aux commerçants qui se font une petite fortune sur le dos des artisans », regrette Mahfoud. Raison pour laquelle, il préconise l’installation d’espaces qui activent à longueur d’année, et où les femmes peuvent présenter leur travail et écouler leurs produits à des prix accessibles, sans se soumettre au dictat imposé par certains commerçants.
Selon le même responsable, ces femmes artisanes peuvent aussi enseigner et former dans des ateliers spécialisés et aider à commercialiser les produits traditionnels lors des expositions et des salons que ce soit à l’échelle nationale ou internationale. « Elles peuvent même créer leurs propres associations et venir en aide à d’autres femmes artisanes qui travaillent dans leur foyer et les soutenir jusqu’à ce qu’elles puissent se faire connaitre », recommande t-il.
Certes, les femmes de Ghardaïa sont très conservatrices, et certaines artisanes préfèrent travailler chez elles, mais cela ne devrait pas se répercuter sur leurs produits qui doivent être connus aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et faire en sorte qu’ils soient plus rentables.
Selon Mahfoud Benslimane, plusieurs associations féminines ont été crées à Ghardaïa pour s’occuper du volet artisanat et la fabrication des tapis. Leur but, dit-il, est de vulgariser le travail des femmes artisanes qui travaillent à la maison et qui assurent des cours de formation sur le concept de la commercialisation.
Pour rappel, le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et du Travail familial s’est engagé dans la protection des produits traditionnels, à l’exemple de la dinanderie constantinoise, la porcelaine de Bider (Tlemcen) et le tapis de Ghardaïa pour leur donner des marques collectives. D’ailleurs, le cahier des charges relatif à la protection du tapis de Ghardaïa est en cours de préparation. Le ministère de tutelle veille à ce que la protection des produits artisanaux répondent aux normes scientifiques. Une démarche qui a été effectuée en collaboration avec l’Institut national algérien de la propriété industrielle et l’Institut algérien de normalisation, ainsi qu’avec des experts étrangers, dans le cadre du jumelage entre l’Algérie et l’Union Européenne, en coordination avec le bureau d’Algérie de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle, pour protéger les productions artisanales sur les plans interne et international.
Rym Harhoura
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