Par Hope&ChaDia
Invité sur CNews, l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, n’a pas mâché ses mots. Derrière le vernis diplomatique, c’est un véritable réquisitoire contre la stratégie française actuelle vis-à-vis d’Alger qu’il dresse. Et en filigrane, ce sont surtout les lamentations d’un camp politique — celui de la droite dure, voire de la fachosphère — qui s’expriment à travers lui.
Une visite sous tension, aux airs de soumission
Le point de départ de sa colère ? La récente visite à Alger du ministre Jean-Noël Barrot, qualifiée de véritable humiliation diplomatique. Driencourt décrit un accueil glacial : pas de ministre algérien, pas de tapis rouge, aucune hospitalité traditionnelle. Il convoque même l’image du roi Henri IV allant se soumettre au pape à Canossa. La France, selon lui, se serait agenouillée.
Mais ce qui l’agace profondément, ce n’est pas tant la forme que le fond : la France, en adoptant une posture douce et conciliatrice, aurait renoncé à toute fermeté, abandonnant ainsi le terrain à l’Algérie.
Coopération judiciaire : la réciprocité à sens unique
L’un des points les plus sensibles soulevés par Driencourt concerne la coopération judiciaire. Il dénonce une relation profondément déséquilibrée, où l’Algérie aurait unilatéralement accès à des informations judiciaires françaises, notamment sur les biens mal acquis durant la période Bouteflika.
« Les magistrats algériens vont venir en France consulter les dossiers… alors que Maître Zimer, avocat français, n’a même pas pu aller en Algérie défendre Boualem Sansal. »
Il souligne également l’hypocrisie du discours officiel : si l’on parle volontiers des anciens dignitaires algériens à épingler, on garde un silence assourdissant sur ceux toujours en poste, disposant de propriétés en France et bénéficiant d’une impunité tacite.
« Tous les dignitaires algériens qui ont des biens en France sont logés à la même enseigne, mais on ne va pas y toucher. »
Boualem Sansal, symbole du déséquilibre
Le cas de l’écrivain Boualem Sansal, détenu depuis plusieurs années en Algérie, est pour Driencourt un levier utilisé par Alger contre Paris. Il redoute que la France accepte de lourdes concessions — judiciaires, migratoires, diplomatiques — en échange de sa libération.
« Les Algériens vont monnayer sa libération au prix fort. »
Le silence prolongé sur d’autres cas similaires, notamment des binationaux emprisonnés sans jugement équitable, alimente le sentiment d’un gouvernement français passif, voire complice.
Immigration : l’accord de 1968, toujours tabou
Autre sujet explosif évoqué : l’accord bilatéral de 1968, garantissant des droits spécifiques aux Algériens en France. Alors que la droite réclame sa dénonciation, le gouvernement préfère parler de « mobilités », évitant soigneusement les mots qui fâchent : visa, OQTF, laissez-passer consulaire.
Driencourt y voit une lâcheté lexicale, reflet d’un abandon stratégique. L’idée même de fermeté est désormais reléguée au second plan.
Tebboune, gagnant de cette séquence ?
Mais le diagnostic de Driencourt ne s’arrête pas à la seule politique française. Il dresse un portrait habile du président algérien Abdelmadjid Tebboune, présenté comme un fin tacticien.
« Tebboune a réussi à ressouder autour de lui l’opinion publique algérienne. Un certain nationalisme finit toujours par payer. »
Il suggère que la France, à travers cette visite, a servi involontairement les intérêts internes d’Alger, en redonnant à Tebboune une stature internationale, sans contrepartie réelle.
Une stratégie douce… ou une absence de stratégie ?
En définitive, l’analyse de Driencourt se résume à une déploration du déclassement français. Pour lui, la méthode douce choisie par Emmanuel Macron et Jean-Noël Barrot n’est pas une tactique — c’est une reddition.
La France ne pèse plus, ne pose plus de conditions, ne fixe plus de lignes rouges. La droite dure est marginalisée, et les outils qu’elle rêvait de brandir — dénonciation des accords, expulsions, gel judiciaire — sont ignorés.
Entre nostalgie et lucidité
Driencourt, qui s’apprête à publier France-Algérie : Le Double Aveuglement, offre ici une vision à la fois nostalgique et désabusée d’une diplomatie qu’il estime affaiblie, brouillonne, et soumise. Il parle en témoin d’un ancien monde où Paris dictait la cadence, un monde aujourd’hui renversé.
Mais au fond, ce que révèle cette intervention, ce n’est pas seulement la frustration d’un diplomate. C’est l’aveu implicite d’un échec idéologique.
Celui d’une ligne dure qui, même relayée par les chaînes d’opinion, n’a jamais su s’imposer sur le terrain réel de la diplomatie.
Conclusion : Et si l’Algérie avait simplement mieux joué ?
À écouter Xavier Driencourt, la France aurait perdu. Mais à bien y regarder, l’Algérie n’a-t-elle pas simplement gagné la partie diplomatique avec intelligence ?
Alors que Paris tâtonne, revoit sa copie, et recule parfois sur ses positions, Alger avance ses pions avec méthode, en maîtrisant le tempo et les symboles. D’un accueil glacial, elle a fait un message. D’un écrivain emprisonné, une carte. De la coopération judiciaire, un levier.
Et si l’on tend l’oreille aux commentaires sous la vidéo, une autre voix se dessine : celle d’un respect croissant pour la cohérence et la souveraineté algérienne.
« L’Algérie ne plie plus, elle impose le respect. »
« Il faut reconnaître que côté algérien, la stratégie est constante et lisible. »
« Tebboune joue sur l’échiquier régional avec bien plus d’intelligence qu’on ne le pense à Paris. »
La réalité, c’est peut-être celle-ci : dans un monde multipolaire, les anciennes puissances doivent renoncer à leurs automatismes de domination. Ce que Driencourt appelle humiliation n’est peut-être qu’un rééquilibrage des rapports, une négociation plus adulte, plus mutuelle.
Et si la « frustration » qu’il exprime n’était finalement que celle d’un ordre ancien qui voit émerger de nouveaux codes — et une Algérie plus forte, plus affirmée, décidée à ne plus jouer en position d’infériorité ?
4 comments
Driencourt: « Les Algériens vont monnayer sa libération au prix fort. »
C’est la France qui semble vouloir “monnayer” même à prix fort!
L’Algérie ne monnaye pas ses principes, contrairement à la France.
Les décisions de la justice ne se monnayent pas! Tous ceux que la France protège sont condamnés et recherchés par la justice algérienne.
Donc en conformité avec le droit international, la France doit les livrer à l’Algérie sans condition! Point!
« Tebboune a réussi à ressouder autour de lui l’opinion publique algérienne. Un certain nationalisme finit toujours par payer. »
—
“a réussi” ou “n’a pas réussi” ne le regarde pas! Cela concerne les Algériens!
Tebboune fait de la bonne politique, honnête et régulière contrairement à la France et Driencourt qui en sont incapables! La seule vérité qu’ils connaissent est le mensonge!
La faiblesse, aujourd’hui, de la politique et diplomatie française est la conséquence d’incompétents comme Driencourt. Ce dernier, comme ses semblables franco-israélo-sioniste, ne connaissent rien de la diplomatie! Ils ont toujours été des espions et des complotistes d’où le déclin de la France.
La France ne s’en sortira jamais avec cette espèce de dirigeants dont le corps est en France et le cœur en Israël!
Rappelons:
Driencourt n’est devenu «ambassadeur» nommé à Alger par Sarkozy, que par son alliance par mariage en épousant la nièce de Michel Debré – dont le grand père est le rabbin Simon Debré – et non par ses qualités intrinsèques.
Spéculons pour rappeler à Driencourt la mentalité des Algériens qu’il ne semble pas saisir:
Même si « Les Algériens» avaient l’intention de “monnayer sa libération” , ils ne le feront plus désormais parce que… Driencourt l’a dit!