En pleine escalade de violence à Gaza, deux écrivains d’origine algérienne se distinguent par leur omniprésence dans les médias français. Kamel Daoud et Boualem Sansal, connus pour leur francophilie exacerbée, se sont imposés comme des voix critiques envers leur propre culture et religion, se plaçant en opposition ouverte aux idées et valeurs qu’ils estiment être des obstacles au progrès.
Leurs interventions dans les médias français se caractérisent par des discours qui semblent épouser parfaitement les thèmes récurrents de l’islamophobie et de l’arabophobie. En utilisant leur origine comme caution, ils servent un discours qui rassure ceux qui redoutent une « menace islamiste » ou une « perte de valeurs républicaines ». Ces écrivains sont particulièrement appréciés parce qu’ils tiennent des propos que certains médias attendent d’eux : « la menace islamiste », « les zones de non-droit », « l’islamo-gauchisme », ou encore « le grand remplacement ». Le tout est énoncé avec une autorité qu’ils revendiquent, car, selon eux, « ils connaissent bien ces milieux ».
Prenons le cas de Kamel Daoud, qui, dans une interview récente, pose la question : « Suis-je un traître ? » Au lieu de réfuter cette accusation, il la revendique, définissant la « trahison » comme une libération personnelle et intellectuelle vis-à-vis des siens. Pour Daoud, critiquer les siens est un acte de courage, un effort pour briser ce qu’il perçoit comme un carcan idéologique et culturel. Il s’attaque frontalement à ce qu’il appelle le « poids idéologique » de la guerre de libération, qu’il voit aujourd’hui comme une entrave à l’émancipation du peuple algérien. En glorifiant ce qu’il qualifie de « belle trahison », il cherche à se démarquer de l’héritage historique algérien, allant jusqu’à promouvoir cette trahison comme une voie vers la modernité.
Boualem Sansal, quant à lui, va encore plus loin. Il déplore ce qu’il considère comme une « islamisation » rampante de la France et ne cache pas son désarroi face à la « perte de puissance » de l’Hexagone. Il alerte sur le danger du « grand remplacement », reprenant une théorie controversée qui agite les milieux d’extrême droite. Selon lui, la France est « un pays à la ramasse » qui a perdu son essence. Lui, qui autrefois défendait les droits de la langue française en Algérie, s’en prend désormais aux pays arabes, affirmant que « ceux qui trahissent leur langue n’ont pas d’avenir ». Ces propos, loin d’être anodins, s’inscrivent dans un discours qui semble vouloir flatter les peurs identitaires de certains milieux, tout en fustigeant l’incapacité des sociétés arabes à se moderniser selon ses standards.
Ces écrivains semblent non seulement rejeter leur propre héritage, mais également se délecter de cette prise de position qui leur assure une place de choix sur les plateaux télévisés et dans les colonnes des grands médias. Ils s’érigent en défenseurs de valeurs dites universelles, mais dont l’universalité semble s’arrêter là où commencent les spécificités culturelles des sociétés arabo-musulmanes. Leur discours se drape dans une prétendue objectivité, mais il sert surtout à conforter des idées préconçues et à justifier un rejet de l’autre.
En revendiquant haut et fort leur critique des sociétés arabo-musulmanes, tout en prenant soin de se démarquer d’elles, ils cherchent à se placer du côté des « éclairés ». Cette posture de dénigrement systématique est perçue par beaucoup comme une forme de trahison, non seulement envers leur culture d’origine, mais aussi envers toute idée de solidarité humaine. Leur jubilation à dénoncer ce qu’ils considèrent comme des maux intrinsèques à leurs anciennes communautés se fait au prix d’un reniement qui choque même ceux qui les écoutent. Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas la critique en tant que telle, mais la motivation derrière cette critique et son instrumentalisation.
Leur discours interpelle par sa véhémence et son acharnement. Ils semblent trouver une certaine jouissance à critiquer ce qu’ils qualifient de travers de leur communauté d’origine, comme s’ils se délectaient d’un rôle autoproclamé de redresseurs de torts, mais selon les critères d’un univers médiatique occidental souvent complaisant. Ce zèle, loin d’être perçu comme un simple acte d’analyse critique, est souvent vu comme une quête de légitimité dans un milieu qui les utilise pour justifier ses propres préjugés.
La question qui se pose est donc : à quel prix ces écrivains obtiennent-ils cette reconnaissance médiatique ? Leur discours, qui se veut libérateur, ne fait-il pas que renforcer les divisions et les stéréotypes qu’ils prétendent dénoncer ? En glorifiant une trahison qu’ils estiment nécessaire, ne participent-ils pas finalement à une autre forme de domination culturelle, celle qui consiste à rejeter toute appartenance pour embrasser une identité qui les dédouane de toute responsabilité envers les leurs ?
Par Hope&Chadia Inspiré de https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5332634