La frontière est habituellement définie comme «la limite de souveraineté et de compétence territoriale d’un Etat » elle assure, entre autres, 4 fonctions essentielles :
1 – La fonction de filtrage : Qu’on peut résumer par un control des flux afin de permettre une bonne maîtrise du territoire à travers un filtrage, un tri sélectif. La frontière devient une zone de contact mais aussi une zone de barrière et de filtrage.
2 – La fonction mise à distance : Quelque soit la proximité spatiale entre deux états, la frontière impose un éloignement d’ordre matériel (barrière, fossé, mur, tranchée, capteurs de mouvement, caméras…), et met en œuvre des mécanismes d’appropriation et de souveraineté.
3 – La fonction d’affirmation politique : La frontière est l’apanage d’un pouvoir, d’une autorité qui impose sa politique à l’intérieur des frontières qu’il a lui-même fixé ou qu’elles lui ont été imposées.
4 – La fonction de distinction : La frontière signifie le début ou la fin d’un territoire, le passage un autre territoire, elle inclut et exclus, elle établit un dedans et un dehors territorial. Par la distinction qu’elle incarne, la frontière devient le vecteur d’une identité territoriale.
La stratégie algérienne de sécurité aux frontières : Le problème de la sécurité aux frontières terrestres en Algérie est très complexe, vu le nombre important de pays avec lesquels l’Algérie est voisine. Sept pays dont la Libye, le Mali, la Mauritanie, Le Maroc, le Niger, la Tunisie et la RASD sont les voisins de « palier» de l’Algérie, aucun autre pays africain, mis à part la Zambie, ne possèdent autant de voisins immédiats.
Afin de cerner le problème, une bonne connaissance géographique de l’Algérie et ses voisins[i] s’impose, en effet, l’Algérie partage un linéaire frontalier terrestre de 6 385 Kms réparti comme suit : Maroc : 1 601 Kms, Mali : 1 376 Kms, Libye : 982 Kms, Tunisie : 965 Kms, Niger : 956 Kms, Mauritanie : 463 Kms, et enfin la RASD : 42 Kms. Le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement a identifié neuf zones frontalières[ii] : a – Zones frontalières du nord comprenant : le littoral oriental dont la wilaya El Taref avec ses 08 communes frontalières[iii], le Tell oriental dont la wilaya de Souk Ahras avec ses 05 communes frontalières[iv], et le Tell occidental dont la wilaya de Tlemcen avec ses 07 communes frontalières[v]. b – Zones frontalières des hauts plateaux comprenant les hauts plateaux-Est dont la wilaya de Tébessa avec ses 10 communes frontalières[vi], les hauts plateaux-Ouest dont la wilaya de Naâma avec ses 04 communes frontalières[vii]. c – Zones frontalières du Sud comprenant le Sud-Est dont les wilayas d’El Oued avec ses 03 communes frontalières[viii] et de Ouargla avec sa seule commune frontalière qui est El Borma, Le grand Sud-Est dont les wilayas d’Illizi avec ses 04 communes frontalières[ix], le Grand Sud dont les wilayas de Tamanrasset, d’Adrar et Tindouf avec leurs 12 communes[x] frontalières respectives, et enfin le Sud-Ouest dont la wilaya de Béchar avec ses 07 communes[xi] frontalières. La superficie totale des communes frontalières représente 42% du territoire national soit 1 323 395 Km² dont la population totale est de 892 062 habitants soit 3% de la population nationale ! Un chiffre aussi dérisoire que le pourcentage des personnes rousses dans le monde !
La question de la sécurité aux frontières est bien antérieure aux crises libyenne et malienne, elle débuta surtout durant l’année 1990 avec la rébellion des Touaregs au Niger et au Mali, vient s’ajouter, la vague révolutionnaire des printemps arabes qui toucha la Tunisie entre Décembre 2010 et janvier 2011 mettant le pays de jasmin dans une situation d’insécurité impactant et fragilisant la zone frontalière et par conséquent, devenant un terreau fertile pour la contrebande et l’émergence de réseaux de trafic de tout genre favorisant ainsi que le crime organisé et le terrorisme. Ces menaces d’origine non étatiques dans les zones frontalières (crime organisé, drogue, prolifération et circulation d’armes, contrebande, terrorisme…) ont mobilisé toutes les forces du pays pour faire face à cette problématique : armée populaire, gendarmerie, police, douanes, garde-frontières… ont conjugué leurs efforts pour le même but : ramener la sécurité aux frontières. Le bilan des opérations militaires de l’armée populaire du mois de février 2021 publié dans la revue « El Djeich »[xii] témoigne de la gravité de la menace à laquelle l’Algérie est confrontée. Bien qu’elle ne soit pas impliquée dans les deux conflits libyen et malien, l’effort de guerre que l’Algérie fournit pour protéger ses frontières, et par ricochets celle de ses voisins fragilisés, fait d’elle l’un des pays les plus engagés dans la sécurité régionale en termes de moyens mobilisés.
En juillet 2014, le Maroc fait ériger une clôture dotée d’équipements électroniques sur une partie de sa frontière avec l’Algérie, c’est le second mur que le Maroc construit après celui érigé au Sahara Occidental pour entourer la partie de ce territoire sous son contrôle. Paradoxalement, Le Maroc étant le 1er pays producteur de Cannabis au monde, cherche désespérément à écouler sa production de Cannabis en Algérie, la considérant ainsi comme un pays de consommation et de transit vers l’Europe, ainsi le 9 mars 2021, le Lieutenant-colonel de la gendarmerie nationale Yacine Boumrah, Directeur chargé de la toxicologie a déclaré dans les studios de la chaîne 3[xiii], que durant les dix dernières années, 1000 Tonnes de Cannabis en provenance du Maroc ont été saisies par les éléments de l’ANP et l’ensemble des forces de l’ordre ! Selon cet expert, depuis l’année 2020 et après des analyses scientifiques poussées dans des laboratoires algériens, qui ont révélé un pourcentage de THC (tétrahydrocannabinol) dangereusement élevé, le THC est la principale molécule active du cannabis, sa teneur doit varier entre 4 et 9%[xiv], alors que le Hashish marocain analysé contient jusqu’à 50% de principe actif ! Multipliant ainsi son pouvoir d’addiction.
Humainement parlant, les zones frontalières sont sensées être un espace de coopération économique et culturel, une zone de libre échange rapprochant les communautés et insufflant des liens d’amitié et de bon voisinage. Mais la réalité est toute autre, sans les efforts acharnés et constants de notre armée populaire en matière de sécurité régionale, toute la région serait embrasée !
En conclusion, l’Algérie doit renforcer la coopération et la coordination sécuritaire avec ses voisins à fin de faire face à :
1 – La couverture et le control de ses 6 385 Kms de frontières terrestres.
2 – La nature mobile, « évaporable » et transnationale des groupes terroristes.
3 – La faiblesse de certains états voisins.
4 – Les interventions étrangères et leur effet déstabilisateur contribuant à favoriser et à dynamiser l’activité terroriste. (Cas de la Libye)
5 – La contrebande, le trafic de drogue et d’armes et l’immigration clandestine.
La coopération bilatérale algéro-tunisienne en matière de sécurité des zones frontalières demeure pour l’instant un espoir et elle pourrait servir de modèle dans toute la région.
Fin
Mounadel DZ
[i] https://digitallibrary.un.org/record/3810825 (Pour télécharger la carte de l’Afrique établit par l’ONU)
[ii] https://www.interieur.gov.dz/index.php/fr/dossiers/2638-rencontre-nationale-sur-le-d%C3%A9veloppement-des-zones-frontali%C3%A8res.html
[iii] Communes frontalières d’El Taref : Bougous, Ain El Assel, Zitouna, Bouhadjar, Ain Kerma, El Aioun, Souarekh, Raml Souk.
[iv] Communes frontalières de Souk Ahras : Ain Zana, Haddada, Khedara, Sidi Fredj, Ouled Moumen.
[v] Communes frontalières de Tlemcen : Souani, Bab El Assa, Maghnia, Beni Boussaid, Bouilhi, M’sirda Fouaga, Marsa Benmhidi.
[vi] Communes frontalières de Tébessa : Bir El Ater, Negrine, El Kouif, Bekkaria, Ouenza, Oum Ali, El Meridj, El Houidjbat, Safsaf El Ouesra, Ain Zerga.
[vii] Communes frontalières de Naâma : Ain Ben Khelil, Sfissifa, Djenienne Bourezg, Kasdir.
[viii] Communes frontalières d’El Oued : Taleb Larbi, Douar El Maa, Ben Guecha.
[ix] Communes frontalières d’Illizi : Illizi, Djanet (promue en 2021 au rang de wilaya par le président Abdemlmadjid Tebboune), Debdeb, In Amenas.
[x] Communes frontalières de : Tamanrasset :
Ain Guezzam (promue au rang de wilaya en 2021 par Le Président Abdelmadjid Tebbounbe), Tazrouk, Tin Zouatine.
Adrar : Reggane, BordjBadji Mokhtar (promue au rang de wilaya en 2021 par le président Abdelmadjid Tebboune), Timiaouine.
[xi] Communes frontalières de Béchar : Boukais, Mogheul, Meridja, Tabelbala, Erg Ferradj, Knadsa, Beni ounif.
[xii] https://www.mdn.dz/site_principal/sommaire/revues/images/EldjeichFev2021Fr.pdf
[xiii] https://www.youtube.com/watch?v=f18DbqXfa8c
[xiv] https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-thc-4275/
4 comments
Merci Mounadel mon ami pour ce travail de recherche (avec Réf)
Merci Mohamed pour tes encouragements ! Thanks bro, I appreciate.
Merci , Excelent travail , tres informatif .
Merci Ameur pour tes encouragements, ça va droit au cœur 🙂