Home Histoire et Patrimoine Algérie : à la rencontre des baudets de la Casbah

Algérie : à la rencontre des baudets de la Casbah

by Alg DZ
0 comment
A+A-
Reset

Là où les camions-bennes renoncent, ils passent sans encombres. Dans les ruelles tortueuses de la Casbah d’Alger, l’âne reste incontournable pour le ramassage des ordures.

Dans le vieil Alger, la commune de Oued Koriche, dont relève administrativement la médina de la Casbah, possède des éboueurs d’un genre très particulier. Ils sont poilus, possèdent quatre pattes et de grandes oreilles et travaillent tous les jours que Dieu fait, sans jamais rechigner, à nettoyer la vieille cité de ses ordures.

Eux, ce sont les ânes éboueurs de la Casbah. Une cavalerie d’une soixantaine de baudets qui font ce travail depuis, dit-on, le temps de la Régence, lorsque les raïs corsaires régnaient en maîtres sur la Méditerranée. Ils font partie intégrante du paysage urbain de la cité millénaire et les curieux viennent parfois de loin pour admirer ces sympathiques bêtes aussi placides que stoïques.

La vieille médina d’Alger à l’architecture arabo-berbère typique est un dédale inextricable de ruelles étroites et raides où, sans guide, s’égarer est pour un étranger chose naturelle. Aucune voiture ne peut y pénétrer.

Ses vieilles venelles n’autorisent qu’un moyen de locomotion pour le transport des marchandises ou l’évacuation des ordures ménagères : un âne bâté. La Casbah est une ruche bourdonnante dont les quelque 1 700 maisons constituent autant d’alvéoles. Dans un décor de portes et de fenêtres en arcades, s’activent un plus de 70 000 âmes.

LA BÊTE LA PLUS EXPÉRIMENTÉE PREND LA TÊTE ET AVANCE D’UN SABOT ASSURÉ À TRAVERS LES RUELLES DE LA CASBAH

Ce cœur historique d’Alger est l’un des quartiers les plus peuplés et les plus emblématiques pour avoir été, notamment, le théâtre de la fameuse bataille d’Alger (1957).

Les murs gardent le souvenir de la guérilla entre les paras des généraux Massu et Bigeard et les hommes des chefs du FLN, Larbi Ben Mhidi et Yacef Saadi. La Casbah renferme également de vieux et mystérieux palais ottomans, des hammams au charme désuet ainsi que des ateliers et des échoppes d’artisans tout droit surgis des Mille et Une Nuits.

Dans l’écurie de Oued Koriche, appartenant à l’entreprise Netcom.
Dans l’écurie de Oued Koriche, appartenant à l’entreprise Netcom. © Arezki Saïd

Inscrite au patrimoine de l’humanité depuis plus d’un demi-siècle, la Casbah a été fondée au Xe siècle par Bologhine, un prince berbère de la dynastie des Zirides, dont le nom est encore porté par l’un des plus anciens quartiers d’Alger. Bâtie en amphithéâtre ouvert sur la mer, la Casbah est l’âme d’Alger.

Lancé en 2010, le projet pharaonique de rénovation de ce joyau architectural a englouti à ce jour près de 800 millions de dollars sans jamais donner de résultats probants. Les anciennes bâtisses continuent de s’écrouler les unes après les autres.

Suivi régulier

Été comme hiver, les ânes sortent aux premières lueurs de l’aube et ne rentrent qu’après avoir débarrassé toute la Casbah de ses monceaux d’ordures. Généralement en fin de matinée ou un peu avant si le volume des ordures n’est pas très important. La pratique n’a rien d’une activité informelle.

Les ânes sont très disciplinés, chaque baudet connaît son secteur, son itinéraire et sa place à l’écurie. « Quand ils rentrent de leur mission de nettoyage, on les inspecte pour s’assurer qu’ils ne portent pas de blessures, on les nettoie et on leur donne à boire et à manger », dit Mohamed, 56 ans, employé depuis vingt ans à l’écurie de Oued Koriche, appartenant à l’entreprise Netcom, l’établissement de nettoyage et de collecte des ordures ménagères de la ville d’Alger.

Les nombreux employés et maréchaux-ferrants de l’écurie sont tous aux petits soins avec leurs pensionnaires. Ils leur font raboter et curer les sabots, poser des fers, prendre leur douche et changent leur literie quotidiennement. L’écurie semble d’ailleurs bien tenue et sent très fort le grésil désinfectant.

LES ÂNES QUI NETTOIENT LA CASBAH VIENNENT TOUS DE L’ÉCURIE DE OUED KORICHE, LA PLUS ANCIENNE D’ALGÉRIE

L’unité dispose également de vétérinaires qui assurent un suivi régulier des bêtes de somme, qui sont toutes vaccinées et vermifugées. Par ailleurs, chaque baudet possède son matricule et son dossier médical propre.

Chaque bête porte entre 30 et 50 kilogrammes et peut effectuer jusqu’à trois rotations pendant son service. Les ânes travaillent toujours en tandem. C’est une règle. Et la préséance est fonction de l’âge. La bête la plus expérimentée prend la tête et avance d’un sabot assuré à travers les ruelles de la Casbah.

Des travailleurs comme les autres

Le novice suit derrière pour apprendre les ficelles du métier et s’habituer au rythme du travail. « Le novice qui débarque à l’écurie doit faire son stage avec un ancien. Il apprend, par exemple, à monter les escaliers, ce qui n’est pas toujours évident pour un âne », explique Mohamed, qui travaille avec la même paire depuis des années. « Ils m’obéissent au doigt et à l’œil et comprennent quelques mots essentiels comme : tourne-toi, arrête-toi, avance, recule », assure-t-il.

Au fur et à mesure que les pensionnaires de l’écurie avancent en âge ou partent en retraite, d’autres ânes sont ramenés du sud du pays et parfois même importés d’Espagne pour les remplacer. « Les ânes qui nettoient la Casbah et les quartiers en hauteur comme Beau-Fraisier et Zghara viennent tous de l’écurie de Oued Koriche, la plus ancienne d’Algérie, construite à l’époque coloniale », rappelle Mohamed. L’homme est devenu au fil des ans une vraie star des médias.

« Nos ânes sont des travailleurs comme les autres. Ils peinent pendant des années jusqu’à ce que le médecin vétérinaire décide de les mettre à la retraite. Ils ont également des congés pour maladie ordonnés par le médecin s’ils ont des problèmes de santé », précise Mohamed, qui se souvient d’un vieil âne qui avait plus de trente ans de service et dont le poil était devenu tout blanc. « Nous devons signaler le moindre petit bobo au médecin vétérinaire, qui prend aussitôt soin de l’animal », explique encore Mohamed.

Après leur tournée, les ânes remontent vers les hauteurs de la Casbah afin d’être soulagés de leur charge. On les voit parfois se frayer un chemin au milieu de la circulation automobile pour aller déverser le contenu de leurs « chouaris », ces paniers en osier tressé qu’ils portent sur le dos, dans la « fosse », la grande benne de collecte sise au pied de la grande muraille de la Casbah.

Là, les sacs d’ordures sont déversés à travers des conduits métalliques directement dans des bennes tasseuses en bas d’un promontoire aménagé à cet effet. Des camions prennent ensuite le relais des bêtes qui regagnent, le pas léger, l’écurie où les attendent de la bonne orge, de la paille et de l’eau fraîche.

Source : https://www.jeuneafrique.com/1288250/societe/algerie-a-la-rencontre-des-baudets-de-la-casbah/

You may also like

Leave a Comment

Quick Links

À propos de nous

L’idée de créer le site JAZAIRHOPE.ORG est née durant la période du Hirak où l’on a pu observer la prolifération d’une multitude de médias, tous supports confondus, véhiculant des affirmations fallacieuses, et fake news visant à le faire dévier le Hirak de son caractère pacifique et entraîner la nation dans une spirale de violence et de chaos. S’inspirant des principes inscrits dans la Charte du 1er Novembre 1954 et guidé par ses valeurs, JAZAIRHOPE.ORG sera le média de tous les Algériens et Algériennes  patriotes, fiers de leur pays Continent et de sa diversité culturelle. Ce média  portera VOTRE voix.

Qui nous sommes

Hope JZR, fondateur du site et également détenteur de la chaîne youtube éponyme, a réuni autour de son projet une équipe de bénévoles issus du territoire national et de la diaspora, aux profils aussi divers que variés. Un cercle de patriotes qu’il ne tient qu’à vous et à votre enthousiasme d’agrandir. En effet, nous invitons tous les patriotes animés d’une volonté positive et constructive à nous rejoindre dans cette entreprise d’édification de l’Algérie de demain que nous appelons de tous nos vœux. Attachés à la devise   « Du peuple, par le peuple, pour le peuple », nous sommes  convaincus  que votre voix compte et sera entendue.

Ce que nous faisons

Nous œuvrons continuellement et scrupuleusement à procurer au public une information fiable, objective et éminemment positive. Fidèles au credo du fondateur « semer l’espoir », notre ambition est de créer une dynamique suscitant l’enthousiasme et fédératrice de compétences  au service de leur patrie. Sans pour autant verser dans le satisfecit ou l’euphorie béate. Notre site se veut  une plateforme consacrée à la promotion d’une image positive de l’Algérie, nos publications se focalisent essentiellement sur les performances et les réalisations allant dans ce sens. Toutefois cette démarche n’exclut pas de porter un regard critique sur les carences, les échecs ou les difficultés auxquelles font face nos concitoyens dans leur vie quotidienne, mais celle-ci ne peut s’envisager que dans une perspective constructive en y proposant les solutions idoines ou en alertant nos élites pour qu’elles y remédient. Notre seule exigence et notre leitmotiv : positivité,  « constructivité », et espoir.

Notre mission

Notre objectif est de faire de JAZAIRHOPE.ORG le premier média consacré exclusivement à l’information positive, afin de semer l’espoir parmi nos jeunes et moins jeunes et susciter en eux  l’envie de participer à l’essor et au développement de la mère-patrie. L’édification de l’Algérie de demain dont nous rêvons et à laquelle nous aspirons sera une œuvre collective de tous les citoyens jaloux de la grandeur de leur nation et de son rayonnement. Elle sera garante de la préservation de son indépendance et de sa souveraineté et fera honneur aux legs et aux sacrifices de nos valeureux chouhadas. 

© 2023 – Jazair Hope. All Rights Reserved. 

Contact Us At : info@jazairhope.org

Letest Articles