par Hope&ChaDia
La crise diplomatique entre l’Algérie et la France révèle bien plus qu’un simple différend entre deux États. Elle expose une vérité dérangeante : la France n’est plus gouvernée par une vision stratégique cohérente, mais par une guerre d’ego entre clans politiques rivaux. À Paris, on ne parle plus d’unité républicaine, mais d’une cacophonie institutionnelle où chaque ministre joue sa partition, souvent dissonante, pour servir ses ambitions personnelles.
La Haine des clans :
À bien des égards, la crise actuelle entre Paris et Alger réveille une mémoire oubliée : celle de la France des guerres de Religion, lorsque le royaume était tiraillé non par des ennemis extérieurs, mais par des factions internes convaincues d’avoir raison seules contre toutes. À l’image des ligueurs et des protestants du XVIe siècle, les clans politiques contemporains ne cherchent plus à gouverner ensemble, mais à éliminer l’autre par la polémique, la mise en accusation publique et la disqualification morale. L’arène médiatique a remplacé les champs de bataille, mais les mécanismes restent les mêmes : chaque camp mobilise ses réseaux, manipule les émotions collectives, inonde l’opinion de récits et de récits contradictoires. La haine ne dit plus son nom, mais elle se lit entre les lignes, dans chaque dossier diplomatique saboté, chaque visite annulée, chaque mot de trop prononcé au nom de la République par un ministre en quête de pouvoir. Sauf que cette Haine/Guerre des clans se trompe de terrain …
L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin n’a pas mâché ses mots en dénonçant la surenchère identitaire de Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur, dans sa gestion des relations avec l’Algérie. Villepin, figure d’un gaullisme révolu, critique l’usage de “polémiques utiles” qui ne servent ni la France, ni son gouvernement, mais uniquement les intérêts électoralistes d’un ministre en campagne pour la tête des Républicains.
Il est rare d’entendre un ancien chef de gouvernement pointer si clairement la dérive politicienne d’un ministre en exercice. C’est un signe que l’État profond, celui des diplomates et des stratèges, observe avec inquiétude cette instrumentalisation de la diplomatie à des fins partisanes.
Mais pendant que Retailleau joue les cow-boys sur la scène publique, l’affaire Amir DZ fait imploser les canaux diplomatiques. L’arrestation d’un agent consulaire algérien en France, soupçonné d’avoir participé à l’enlèvement de cet influenceur controversé, a été perçue à Alger comme un coup bas — non pas contre la justice, mais contre un processus de réconciliation amorcé entre les deux chefs d’État. Résultat immédiat : l’Algérie expulse 12 agents français, une mesure radicale jamais vue depuis 1962.
L’affaire Amir DZ : un pion de plus dans la guerre des clans ?
De Hichem Aboud à Amir DZ, la droite française semble avoir perfectionné l’art d’activer certains profils exilés pour raviver à la demande les tensions avec Alger. L’affaire Boukhors n’est pas un fait divers : elle s’inscrit dans une stratégie plus large de manipulation politique.
Après avoir été marginalisé par l’opinion algérienne, Amir DZ, comme avant lui Hichem Aboud, redevient “utile” dans un scénario rodé — cette fois entre les mains d’une droite française néo-faschiste. À défaut de proposer une vision pour l’avenir, certains cercles semblent préférer raviver le passé, quitte à instrumentaliser un influenceur déchu pour provoquer une crise diplomatique.
Sous couvert de procédure judiciaire, c’est une ligne diplomatique qui est attaquée, et un Macron affaibli qui se retrouve pris en tenaille entre un dialogue fragile avec Alger et les coups de boutoir d’un appareil sécuritaire aux logiques claniques.
L’expulsion sans précédent : un coup de semonce d’Alger
L’expulsion de douze agents français par l’Algérie marque un tournant brutal et spectaculaire dans les relations entre les deux pays. Ce n’est pas une simple décision diplomatique — c’est une déclaration de force.
Derrière ce geste inédit depuis l’indépendance de 1962, se cache un message clair envoyé par Alger : “la provocation a des limites.”
Ces douze agents ne sont pas des diplomates classiques. Selon les informations du Figaro, ils sont tous rattachés au ministère français de l’Intérieur, autrement dit : aux services de renseignement. Leur présence en Algérie était couverte par un statut diplomatique, mais leur mission réelle était liée aux enjeux sécuritaires, à la coopération antiterroriste, à la surveillance des réseaux de trafic migratoire — et, selon certaines sources, au suivi des acteurs politiques locaux.
En les expulsant, Alger ne rompt pas seulement avec une tradition de collaboration : elle coupe volontairement l’accès de la France à un pan stratégique du renseignement nord-africain.
Ce n’est pas un geste anodin. C’est une riposte méthodique.
L’arrestation de l’agent consulaire algérien à Paris, sans notification préalable par le canal diplomatique, a été vécue comme une rupture des règles fondamentales du droit international. L’Algérie s’attendait peut-être à des tensions. Mais pas à une violation aussi frontale de la convention de Vienne.
La réponse a donc été calibrée. Et ciblée. Car cette expulsion touche directement le clan de Bruno Retailleau, que l’Algérie accuse d’être à l’origine de cette escalade. C’est une manière pour Alger de dire : “Si votre ministre sabote notre coopération, nous ferons de même — et vous en assumerez seuls les conséquences.”
Cette mesure a un impact immédiat.
La coopération sécuritaire — déjà mise en pause par la décision algérienne de suspendre les échanges avec la DGSI — est désormais gelée de facto. Le renseignement français perd ainsi un point d’observation stratégique en Méditerranée, à un moment où la région est fragilisée par les ingérences étrangères, les manœuvres du Maroc dans le Sahel et les flux migratoires alimentés par l’instabilité. Dans ce contexte, c’est Paris qui aurait tout intérêt à maintenir une coopération équilibrée avec Alger — non l’inverse.
En sacrifiant la relation sécuritaire à une manœuvre politique, Paris semble s’être tiré une balle dans le pied — et Alger s’est empressé de faire saigner cette blessure diplomatique.
À long terme, cet épisode pourrait devenir un précédent grave.
Car si l’Algérie, longtemps prudente dans ses réactions, choisit désormais la réciprocité radicale, cela signifie que la confiance est rompue. Et dans les relations internationales, la confiance perdue est rarement retrouvée.
D’autant plus qu’en ciblant les agents du ministère de l’Intérieur, Alger vise symboliquement l’architecture même de l’État français actuel, devenu, aux yeux de beaucoup, une machine politicienne divisée où chaque clan se croit autorisé à conduire sa propre diplomatie.
Dans cette affaire, l’Algérie a montré qu’elle savait frapper là où ça fait mal. La France, elle, semble ne plus savoir qui pilote réellement sa politique étrangère.
Ce n’est pas une crise isolée. C’est un symptôme.
Paris n’a plus de cap unique vis-à-vis d’Alger. Le Quai d’Orsay prône le dialogue. L’Élysée jongle entre les intérêts de façade. Et l’Intérieur, désormais dominé par Retailleau, impose sa ligne dure, quitte à saboter la diplomatie classique.
On est loin de la diplomatie “maîtrisée et construite” qu’appelait de ses vœux Villepin. La politique étrangère est devenue un ring d’affrontements internes, où la moindre initiative est récupérée, contredite ou annulée selon le clan qui domine le moment.
Cette guerre de clans n’est pas sans conséquences.
Sur le fond, la coopération sécuritaire entre Paris et Alger — notamment sur le terrorisme ou la lutte contre les passeurs en Méditerranée — est gravement menacée. Sur la forme, la France piétine la convention de Vienne et brouille les règles du jeu diplomatique. Et surtout, elle montre à ses partenaires qu’elle est devenue une puissance imprévisible, incapable de tenir une ligne politique stable au-delà de quelques semaines.
L’Algérie, elle, joue désormais carte sur table. Son message est clair : la souveraineté ne se négocie pas. Et si Paris veut saboter le dialogue, elle en paiera le prix diplomatique. C’est une posture de fermeté mais aussi de lucidité dans un monde où les alliances se redessinent, notamment autour de l’énergie et de la sécurité régionale.
Alors que Trump impose ses conditions énergétiques à l’Europe, que les relations euro-africaines se recomposent, la France ne peut se permettre d’être dirigée par des calculs à courte vue. Pourtant, c’est exactement ce qui se passe. Ce ne sont plus les intérêts de l’État français qui dominent, mais les batailles internes pour le pouvoir.
Et dans cette guerre de clans, l’Algérie n’est qu’un prétexte, un terrain de manœuvre, une carte instrumentalisée.
Mais c’est là que les clans français se trompent de terrain.
Car ce qui est en jeu, ce n’est pas une polémique de plus à exploiter en plateau télé. C’est une relation stratégique, un levier énergétique, un front sécuritaire, et une mémoire historique qui, malmenée, finit toujours par se rappeler à ceux qui l’oublient.
La diplomatie ne devrait pas être un théâtre d’ombres pour ambitions personnelles. Si les clans français persistent dans cette logique, ils risquent de se retrouver seuls sur scène, sans partenaires, sans crédibilité, et sans avenir stratégique.
Hope&ChaDia
3 comments
Excellent! Mais:
Il y a un ce point qui dérange: “Le renseignement français perd un point d’appui clé dans la région, à un moment où les flux migratoires, les réseaux mafieux transsahariens et les tensions au Sahel imposeraient justement une collaboration renforcée.”
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“les tensions au Sahel imposeraient justement une collaboration renforcée.”
Cela donne l’impression (c’est ce que l’on comprend) que nos services bossent pour les services français au détriment des États du Sahel! On serait donc les “mouchards” alors que c’est la France qui déstabilise cette région avec les conséquences sur l’Algérie, en envoyant le Maroc comme “cheval de Troie”.
Je pense qu’il faut revoir ce passage.
relis stp … merci
Beaucoup mieux!!
Alors efface mon commentaire STP ainsi que celui sur mon FB!