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Béni Abbès : Le Mouloud se porte bien

by Toufan
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Unique en son genre, charriant une histoire séculaire et rayonnante, la célébration du Mawlid Ennabaoui Echarif dans l « Oasis blanche » de la Saoura, draine, chacun année, des foules de touristes venant de pratiquement toutes les régions du pays. Si l’occasion tient d’abord à la foi mystique dont cette région, parmi tant d’autres,  est le giron,  c’est aussi une démonstration artistique d’une incroyable beauté où se mêlent aux chants religieux, des danses folkloriques rythmés par une armada de joueurs de Tbal et de…baroud. Pour y gouter aux charme, suivez-nous.

Le cafetier semble dépassé. Comme pris de panique devant les clients qui se pressent sur le comptoir, visiblement séduits par les senteurs enivrants d’un café qu’on croirait débarqué du Brésil ou d’Italie. Du thé aussi, surement pas le meilleur mais succulent à coup sur.  Dehors, un mouvement inhabituel secoue le farniente de la masse. Le temps se fait plus douillet. L’automne s’installe timidement atténuant la géhenne de l’été. « La météo s’annonce clémente au bonheur de ces milliers de visiteurs qui viennent, chaque année, nous partager la joie du Mouloud » jubile Hammou, le serveur, le pas pressé pour combler son monde.
Dans la rue, par dizaines, des groupes de touristes écument le marché et les chapiteaux abritant, à l’occasion,  une variété de produits artisanaux.  Ce va et vient incessant annonce un événement grandeur nature auquel les habitants de cette petite ville, trônant au milieu des dunes, palmeraies et ksours, réservent une attention particulière. Nous sommes à la veille d’El Mawlid Ennabaoui Echarif.   Et à Beni Abbes, au cœur de la Saoura, tout le monde s y prête pour célébrer l’événement dans la pure tradition léguée par les aïeux. Femmes et hommes, jeunes et vieux, et même les enfants sont invités à pérenniser un patrimoine dont ils portent fièrement l’étendard.
Ville mystique,  Béni Abbès compte une nuée de saints patrons dont le plus célèbre est, sans conteste, cheikh Sidi M’hamed Ben Abdesselam, le protecteur des lieux, à qui on prête la fédération des tribus locales grâce notamment au savoir religieux qu’il prodiguait au sein du Ksar. C’est en respectant à la lettre les préceptes de sa voie initiatique que les Abbabsa veillent scrupuleusement à la noblesse du Mouloud. Tout est préparé dans les moindres détails. « La tradition exige que durant les douze jours qui précède le Mawlid, soient consacrés à la lecture du Coran et des textes panégyriques glorifiant le Prophète (QSSL) dans les mosquées autours des récitateurs » explique doctement, Lahbib Selmi, membre de l’association Nouba, versée dans la promotion et la sauvegarde du patrimoine religieux et culturel de Béni Abbès.
Une belle mosquée portant le nom du célèbre conquérant arabe « Okba Ibn Nafiâa » édifiée au bord du centre ville, est, en effet, rythmé par une effervescence spirituelle répandue par le moyen d’un haut parleur accroché au bout du minaret. A l’intérieur, autour du cheikh, des bambins, tout enthousiasme s’époumonent en donnant de la voix à des épopées poétiques trempées dans une mysticisme exalté. L’œil vigilent du maitre parcours l’aire réservée aux jeunes récitateurs. La moindre maladresse est aussitôt relevée et l’élève recadré. Le chœur des enfants mêlé aux envolées de quelques adultes, égaye l’ambiance de cette fin de journée pas comme les autres. Une journée abondante en activités, précédant l’entame les festivités folkloriques tant appréciées par les hôtes de la capitale de la Saoura. Dans tous les sens, les les carabiniers, vêtus de gandouras des grands jours et coiffé de chèches tout aussi blancs, aiguisent leurs armes et s’essayant des coups de Baroud. Un avant-gout de la fameuse soirée d’El Fezâa.
Barouds d’honneur
Habituellement présenté à El Masria, un petit théâtre en plein air,  de cinq cent places niché à l’entrée de la ville, le rituel El d’Fezâa, en raison des restrictions sanitaires observées dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, est, cette année, accompli simultanément dans plusieurs quartiers. Une armée de mille deux cents carabiniers se tient prête pour donner le LA d’un spectacle époustouflant devant un public en transe. Au sortir de la prière d’El Icha, dans le quartier mitoyen de la mosquée suscitée, se forme un grand cercle de spectateurs. Au milieu, des dizaines de baroudeurs exécutent des danses traditionnelles sur le rythme des tbal et bendirs, accompagnés par des chants glorifiant le Prophète (QSSL). Le chef de l’orchestre s’agite comme il peut. Tantôt d’accentuer l’ardeur de ses poulains tantôt pour donner l’ordre du tir collectif du Baroud. Tout autour, la masse est chauffée à blanc. Les youyous des spectatrices allument la scène. On fait comme on peut pour ne pas rater le spectacle. Les balcons des maisons avoisinantes sont bondées, et même les poteaux de l’éclairage public n’ont pas échappé à l’assaut d’un monde totalement ensorcelé par l’intensité de l’événement.  « El Fezâa est l’un des piliers du rituel du Mouloud tel que célébrée par les habitants de Beni Abbas. Il se tient entre les deux prières, El Asr et El Maghrib et peut durer, dans des situations exceptionnelles, comme cette fois-ci, tard dans la nuit » précise, de son coté, Badr Eddine Hassani, président de l’association locale « El Waha ». Une fête s’arrête, une autre est vite engagée. Tôt le matin du jour du Mouloud, des foules ininterrompues se dirigent vers El Masria. C’est le jour J. Le pic de la cérémonie.

Nass El Fadhila
Huit heures tapantes. Les gradins sont archicombles. Les troupes folkloriques font une entrée royale sous les acclamations et les youyous des femmes présentes en force. Le premier responsable de cette région récemment érigée en wilaya à part entière est invité à rejoindre le cheikh de la troupe pour la lecture de la Fatiha. Laquelle aussitôt récitée, que débute l’un des plus beaux rituels du Mouloud dans le pays. Commence alors une litanie de chants mystiques en la gloire du Prophète(QSSL). Portés à bout de bras, les bendirs et le tbal exécutent une variété de rythmes propres à la région. Les carabiniers, eux, sillonnent l’arène, chantant à pleins poumons et tirant des coups de Baroud qui secouent le lieu et les esprits. La tradition exige également que soient portés sur les épaules de l’aînée, le plus jeune de la famille, portant un bout d’une feuille de palmier, El Djrid. « Ce détail renvoie à l’accueil triomphal réservé au Prophète Mohamed (QSSL)  lorsque, chassé avec les siens, de la Mecque, entre en conquérant à El Madina El Mounawara (Médine). Il s’agit aussi de mettre dans le bain de nos coutumes, les enfants, appelés, plus tard, à faire pareil avec leurs progénitures » assure Lahbib Selmi.
En effet, l’intensité de cette partie du rituel, appelé El Fdhila, est tout juste impressionnant du fait notamment du périple engagé par les troupes à travers plusieurs points de la ville. D’El Masria, les troupes s’engagent dans les ruelles du Ksar, pour s’arrêter au mausolée du saint patron de la ville, badigeonné à la chaux à l’occasion.  Un passage obligé, chargé d’émotion de symboles tant les gens ici tiennent ardemment à préserver de toute altération leur culture identitaire. Sur place, une grande espace est aménagé pour la servir la nourriture  aux pèlerins. On y a droit à un délicieux couscous accompagnés de lait et de dattes fraiches. Bref, de quoi donner du jus aux pérégrinateurs de poursuivre la marche jusqu’au point finale. Ici, on appelle El Hibous cette offrande donné en mémoire des saints patrons. « Au lendemain du Mouloud, toutes les familles de Beni Abbes commencent la cotisation des frais d’El Hibous pour l’année prochaine » poursuit notre interlocuteur, mettant en avant l’incroyable élan de solidarité et de fraternité qui prévaut dans cette perle de la Saoura, qui porte le Mouloud comme on porte son enfant.
Pourquoi pas l’Unesco ?
Vaut mieux tard avant qu’il ne soit trop tard. Aussi méritable qu’il soit, le classement par l’Unesco, en 2008,  des chants de l’Ahellil du Gourara dans  liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, devrait pousser les responsables de la chose culturelle à agir de même concernant la célébration unique en son genre du Mawlid Ennabaoui à Béni Abbès . Nous ignorons si ceux-ci, ont entamé des démarches dans ce sens, mais, de l’avis de plusieurs représentant de la société civile, que nous avons rencontrés sur place plaident pour la même démarche.  Il est bien vrai que la population locale prend sur elle l’organisation, de bout en bout, jusqu’au petit détail, la cérémonie qui s’étale sur plusieurs jours, ne ménageant aucun efforts, financiers notamment, sans même quémander un sous auprès des autorités locales, mais aux pouvoirs publics de mettre le paquet tant pour la préservation de ce patrimoine inestimable que sa mise en valeur. Le mouvement associatif est particulièrement actif dans cette voie dans le sens où tout ce qui touche aux richesses naturelles, religieuses et culturelles de la région est pris en charge notamment à travers les réseaux sociaux, devenus au fil, du temps une fenêtre attrayante pour découvrir, à l’appui de textes, photos et vidéos, et même par des lives, le déroulement du Mouloud.
Les touristes locaux, à qui est réservé un accueil des plus chaleureux, sont également des ambassadeurs de premier plan de la culture de la Saoura. Tout le monde ici, reconnaît, et leur soutien et leur contribution à promouvoir la destination Beni Abbes, à travers, naturellement, le Mouloud. En un mot comme en mille, tous les leviers d’un développement culturel et touristique sont disponibles. La balle est dans le camp des autorités publiques, tant au niveau central que local.
De notre envoyé spécial : Amine Goutali, photos : Fouad Soufli
Mohamed Selmi, président de l’association El Moussem des arts folklorique : «Nos portes demeurent ouvertes à nos invités»
 Dans cet entretien, cet acteur majeur dans le mouvement associatif local, retrace l’histoire et les contours de la célébration du Mouloud, non sans en professer les valeurs et la symbolique.
 
Le folklore occupe une importante de premier plan dans la célébration du Mouloud à Béni Abbès 
Il faut d’abord rappeler, que la célébration de la naissance du Prophète (QSSL) est observée dans la région depuis le 16 siècle. C’est une tradition héritée de père en fils.  Il faut distinguer deux volets présidant à la cérémonie de célébration, l’un, à caractère religieux mystiques, qui débute avec Rabie El Awwal du calendrier islamique jusqu’au douzième jours du même. Cette partie est caractérisée par la récitation du Saint Coran et des textes de Madih tels qu’El Borda (Ya Rabbi salli wa sellem dayma, ala ab iwahabibi) et El Hamzia (Salatouka Rabbi wesalam ala ennabi) du grand poète, faqih et mathématicien, El Boussiri (Né à Dellys en 1213) dans les mosquées, entre les prières d’El Asr et El Maghrib.  En parallèle, sont animés dans les mêmes enceintes, des cours religieux notamment sur Al Sira Ennabaouia, des concours de récitation du Saint Coran…
Pour ce qui est du volet folklorique, depuis les temps immémoriaux, les gens de Beni Abbes, se réunissaient après la prière d’El Icha, à la place El Masria. C’est une occasion où sont chantés, pendant dix jours,  dans une forme de Nouba des textes poétiques soufis tels que « Rassoul Allah sidi ma âazou, Sallouala Rassoul Allah, Abou Lalla Rassoul…les chants sont exécutés au rythme du Tbal engagé par une troupe formant un cercle.
Qu’en est-il de la cérémonie d’El Fdhila ?
Il s’agit d’une cérémonie d’une importance capitale durant laquelle, les habitants de Beni Abbes s’emploient au badigeonnage à la chaux des lieux saints notamment les mausolées des saints patrons, Sidi Athmane, Sidi M’hamed, Sidi Redouane, Sidi Said…jeunes et vieux s y rendent pour se recueillir auprès de leurs tombes.  Dans le même, une famille de la ville s’occupe de la cérémonie El Hibous, qui consiste à préparer le Couscous pour tous les convives. Durant cette fête, les nouveau-nés sont portés par le plus âge de leur famille en prenant part aux danses exécutées par les membres de la troupe folklorique.
Les femmes sont-elles concernées par les festivités ?
Naturellement. Les femmes sont une pièce maitresse dans la célébration. D’ailleurs, un espace festif nommé El Hadra, leur été exclusivement dédié.
Il faut dire que l’organisation du Mouloud est bien prise en charge…
Dans le passé, tous les habitants s’employaient, chacun dans son rôle, à apporter sa contribution, mais depuis quelques années, le mouvement associatif s’est installé en force et a pris sur lui l’organisation du Mouloud de façon à lui donner une meilleure présentation en éliminant certaines insuffisances ou pratiques dangereuses telles que les tirs abusifs du Baroud qui ont causé bien des ennuis. Il faut dire que dans les années passés, la population locale ne comptait que quelque 500 carabines alors qu’aujourd’hui, ça dépasse les milles. Notre tache est justement de sécuriser le déroulement des festivités. Preuve en est, seulement trois quartiers, à savoir Tlayat, Châaba et le 1er novembre ont été choisis pour organiser les joutes folkloriques.
Une fête de cette envergure porte forcément une symbolique…
Il va de soi que l’envergure de cet événement tient au Prophète (QSSL) dont nous célébrons pompeusement la naissance. Et à travers laquelle, nous exprimons notre attachement inébranlable à sa ligne de conduite.  Le Mouloud chez nous est, dois-je rappeler, la meilleure occasion pour les retrouvailles entre les familles et la rencontre de nos invités qui viennent de pratiquement toutes les régions du pays. Nos portes demeurent ouvertes, nous leurs offrons le gite et la gamelle dans une ambiance marquée de joie et de fraternité.
Entretien réalisé par Amine Goutali

horizons.dz

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