De Victor à Onfray, rien ne change chez les Français !

De Victor à Onfray, rien ne change chez les Français !

Les faucons étatsuniens ne sont pas du tout contents à l’endroit de l’Algérie qui empiète sur leurs plates-bandes en long et en large sans leur accorder l’intérêt qui sied à une superpuissance dont l’arrogance a dépassé tout entendement. Le commandant de l’Africom, le général Michael Langley dépêché en urgence à Alger après la descente infructueuse du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, se souviendra longtemps de cette audience sollicitée auprès de la Présidence de l’Algérie. Cela frise l’impudence à la limite de l’irrévérence, mais l’Amérique n’est pas à une outrecuidance près. Les Américains, en maitres incontestés de la planète, ont pris ce fâcheux et dédaigneux pli de dicter à chaque pays la manière à suivre. Mal leur en prit. Cette fois-ci, le pays s’appelle l’Algérie et leur initiative est irrecevable et ses conséquences sont fâcheuses, pénibles et préjudiciables.

J’ai vu le général Michael Langley trébucher sur les mots accrochés à son gosier lors de son allocution à la sortie de son audience. Son laconisme fut on ne peut plus édifiant. Ce malheureux épisode rappelle un autre tristement pathétique : la visite de Colin Powel en Syrie lors de l’agression de l’Irak par les États-Unis. On connait la suite, malgré la participation, certes modeste, de celle-ci aux côtés des alliés. Feu ma mère disait : « face à un serpent, la poule n’abandonne jamais ses poussins, et ce même au mépris de sa vie ». Je l’ai vu debout comme un volcan actif dont la lave lui sort du nif. Mécontent et en colère en même temps, il enveloppa son venin dans du papier rose qu’il nous jeta à la figure par pure forme de procédure. Diplomatie oblige, notre baroudeur qui a pris le pli de sortir toujours vainqueur est parti bredouille et vaincu avec un crochet au cœur.

Entre Macron-Calliclès et Teboune-Socrate, il y a cette idée platonicienne qui s’intercale entre les deux hommes comme si la philosophie était une femme à courtiser. Au IVe siècle av. J.-C., Platon se faisait le chantre du bonheur et la manière d’être heureux en instaurant un dialogue entre les deux hommes-personnages où ils exposent leur point de vue sur ce sujet. En effet, à travers l’exemple de deux hommes possédant chacun plusieurs tonneaux, Socrate expose deux visions différentes de la vie :

— Un homme possédant uniquement des tonneaux remplis, pleins de lait, de miel, etc. Les provisions ne manquent jamais et l’homme mène une vie raisonnable. Il n’a plus à s’occuper du ravitaillement, car il a fait le plein.

— Un homme possédant des tonneaux percés qu’il doit continuellement remplir pour ne pas qu’ils se vident totalement.

Socrate prône le premier mode qu’il tente d’expliquer à Calliclès qui soutient la vie déréglée du deuxième. Pour lui, l’homme mène une vie de plaisir en profitant de chaque instant.

Les deux personnages s’opposent : chacun peine à convaincre l’autre. Cela nous renvoie forcément au duo France-Algérie dont les idées sont diamétralement opposées. Assonance et allitération caractérisent leur couplet qui ne peut se passer de rimer pour produire une certaine mélodie. Teboune-Socrate, par l’image du tonneau vide, montre que laisser libre cours à ses désirs, c’est se condamner à une éternelle frustration.

En trois ans de mandat tebounien, la Macronie a connu de sérieux revers, par air et par mer. Chaud derrière, vocifèrent les filles des Folies Bergère. Paris brule-t-il, cet hiver ? Se demandent en écho Larry Collins et Dominique, le succès du libraire, en imitant le jour le plus long de la dernière guerre. Macron-Calliclès dont la vérité pend au nez comme une vulgaire philosophie annonce que le tonneau rempli est comme une bedaine qui n’a ni joies ni peines. L’agrément d’une vie est d’y verser le vin en continu.

La Méditerranée est une mer tranquille pleine de reptiles et de filles françaises éparpillées au large de la Sicile à l’image des filles à l’image des filles de Danaos bien avant les Vandales et beaucoup plus après l’homme du Neandertal. La France coloniale ne perd pas de son entrain où elle traine des traines colossales pour son corps fluet de croquemitaine. Ce tonneau des Danaïdes est tellement absurde dans sa vision étriquée de l’histoire de l’Algérie qu’il veut reconquérir à coups de cocoricos poussés du fond d’un gésier atone, aphone et fatigué. Avec l’épisode Bouraoui, le tonneau France résonne toujours vide et creux et les échos se répercutent faméliques comme des chiens osseux qui n’ont que la peau et les os. La Pénélope française n’en finit pas de tisser sa toile marseillaise à l’ombre du rocher de Sisyphe du côté du Père-Lachaise où la mort est continuellement embusquée.

Avec la non-affaire Bouraoui, Madjid Zerrouky dont l’« y » signale une onomatopée sacrée en mélopée et Frédéric Bobin, deux plumitifs du « Monde », transforment l’Algérie à partir de leurs plumards en une bascule prise dans la tourmente du temps, du Hirak à la répression. Depuis le célèbre soulèvement, qu’ils qualifient de pacifiste pour la circonstance en vue de passer une grosse pilule, le climat politique s’est assombri. L’État algérien, devenu un régime sous leurs plumes, intensifie la traque des derniers noyaux protestataires. D’un coup de langue défraichie et fourchue, ils balaient la plus grande et la plus belle des manifestations aux couleurs d’une véritable révolution sans armes ni destruction. Leur héroïne, cette fouine de nulle part, n’est pas seule sur la route de l’exode. À l’instar de cette égérie, des opposants fuient à grande échelle une Algérie devenue un véritable traquenard. Un pays en pleine dérive autoritaire où le dictateur soutenu par les militaires empoisonne l’atmosphère. La chasse aux sorcières décidée, l’arrestation guette à tout instant les zélés qui se sont trop affichés. Oui, messieurs les nouveaux Français, L’Algérie va débusquer tous vos protégés que nous allons essorer et vous envoyer le jus récupéré pour vous souler et faire votre deuil à l’orée des Champs Élysées.

Évidemment, cela fait remonter le jeu déloyal des effluves du temps tapis dans la mémoire comme des ressorts armés dans l’histoire coloniale qui jalonne notre vie. La sortie anti épicurienne de Michel Onfray, ce trotskiste allaité au biberon marxiste et de Nietzche sur les médias affiliés à cette idéologie colonialiste teintée de philosophie maximaliste, nous renvoie dare-dare à la monarchie de juillet où les démocrates de l’opposition et les misérables hugoliens se sont ralliés à la colonisation de l’Algérie. En ce mardi du 30 aout, ce philosophe qui a droit de cité lance du fond de son gosier où crèche une arête algérienne une ineptie philosophique aérienne et symptomatique. « Il y a un problème avec l’Algérie, car on les laisse tenir un discours fautif », caquette-t-il tel le coq de basse-cour bien dressé sur ses ergots comme le fut bien avant lui son précurseur Victor Hugo. Michel, dit-il à Onfray, tu sais très bien que ce pays nous déteste depuis 1962 en effaçant d’une phrase plus d’un siècle d’atrocités encore impunies. Ce maitre-penseur, en parfait manipulateur de mots, loin d’être un sage hédoniste, reproche à l’Algérie de pointer la France comme responsable de ses maux. En épinglant Emmanuel Macron eu égard à sa position vis-à-vis de l’Algérie, il écrit dans son livre « Puissance et décadence » ce qui suit : « Nous allons couler, parce que nous Français, nous ne nous aimons plus, et que nous ne chérissons que ce qui nous salit, nous souille, nous corrompt, nous humilie, nous détruit… »

Sur un autre registre, ce bénédictin ne portant pas en sainteté le peuple et l’État algériens déclare en fanfare : « Si ça se passe mal en Algérie, c’est parce qu’il y a une mafia. Et cette mafia, on s’en va lui demander pardon, lui présenter nos excuses, on va chercher des gens pour qu’ils écrivent l’histoire pour que le pouvoir puisse y trouver son compte ». Cette attitude d’un grand esprit est révélatrice du degré de misère de l’intellectualité. Ce trait constitue le pivot central d’une mentalité adoptée par les intellectuels français pour cautionner le projet d’empire colonial républicain. En ferme partisan de la colonisation de la Régence d’Alger, Victor Hugo écrivait dans ses carnets : « La colonisation militaire doit couvrir et envelopper la colonisation civile comme la muraille couvre et enveloppe la cité. La colonisation militaire, c’est une muraille vivante. Quel meilleur obstacle continu qu’un camp français ? Mettez le soldat en avant du colon comme vous mettez un fer au bout d’une lance. » Plus tard, Hugo ne cache plus son jeu. Il ne joue plus avec les mots pour montrer sa couleur. Il plaide nettement en faveur de la colonisation : « Je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande. C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde, c’est à nous d’illuminer le monde. Notre mission s’accomplit, je ne chante qu’Hosanna. Vous pensez autrement que moi c’est tout simple. Vous parlez en soldat, en homme d’action. Moi je parle en philosophe et en penseur. » Le soldat ici, n’est autre que Bugeaud qui était venu le voir pour soutenir son action. Entre Hugo et Onfray, l’esprit français est tout à fait complet. Qu’on ne vienne pas nous chanter la balade des gens heureux et la complainte des occasions manquées.