Quand l’Algérie bâtissait ADNOC : l’histoire oubliée de Mahmoud Hamra Krouha
par Hope&ChaDia
À une époque où les Émirats arabes unis n’étaient encore qu’un embryon d’État en voie de formation, l’Algérie post-indépendance, forte de ses compétences en matière de souveraineté énergétique, tendit la main. L’histoire de cette coopération — aujourd’hui largement méconnue — s’incarne dans un homme : Mahmoud Hamra Krouha, un économiste algérien diplômé de la Sorbonne, envoyé à Abou Dhabi par le président Houari Boumédiène.
Selon un câble diplomatique américain daté du 11 juillet 1979 et déclassifié par WikiLeaks, Sheikh Zayed avait demandé au président algérien Houari Boumédiène, lors du sommet arabe de 1974 au Maroc, d’envoyer un expert algérien pour aider à établir la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis. Le document précise :
“THEY TELL DR. KROUHA’S STORY: SHAIKH ZAYID HAD ASKED THE LATE ALGERIAN PRESIDENT, HOUARI BOUMEDIENNE, DURING THE 1974 ARAB SUMMIT IN MOROCCO, TO HELP ABU DHABI BY SENDING AN ALGERIAN EXPERT IN THE OIL INDUSTRY…”
🔗 Lien vers le câble sur WikiLeaks
Ce câble ne laisse aucune place au doute : Mahmoud Hamra Krouha était bel et bien directeur général de la société pétrolière nationale ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company). Il n’était pas seulement un cadre : il était l’architecte stratégique d’une entreprise aujourd’hui évaluée à plusieurs centaines de milliards de dollars.
Une autre source indiscutable, cette fois un document déclassifié de la CIA de 1974, confirme que :
“Dr. Hamra Krouha, an Algerian on loan from Sonatrach—the Algerian state oil company—is the new general manager of the Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).”CIA+1CIA+1
🔗 CIA Report – Document déclassifié
L’homme ne venait pas seul. Il a fait venir avec lui des cadres de Sonatrach, introduisant des pratiques de gestion inspirées du modèle algérien de nationalisation et de souveraineté sur les ressources.
Pourtant, cette contribution magistrale fut suivie d’un silence institutionnel glaçant. En 1987, après plus d’une décennie à la tête d’ADNOC, Krouha est remercié sans cérémonie. Aucune mention publique. Aucun hommage. Aucune reconnaissance officielle.
Une mémoire effacée ?
L’éviction de Krouha n’est pas qu’un détail biographique. Elle symbolise une réalité plus vaste : celle d’un monde où la reconnaissance diplomatique se conjugue à l’ingratitude historique. Malgré les preuves formelles de son rôle, ADNOC, dans son récit officiel, ne mentionne ni son nom, ni l’implication algérienne dans sa fondation.
À notre avis, ce silence n’est pas une omission mais un choix. Un choix politique, diplomatique et symbolique. L’Algérie, qui dans les années 70 exportait plus que du pétrole — des compétences, des idées, et une vision souveraine des ressources — ne trouve même pas une ligne dans les musées du Golfe. Pire encore : certains de ceux qui doivent leur assise économique aux élans de solidarité algériens participent aujourd’hui à des campagnes hostiles contre elle.
Mais où sont passés ces liens de fraternité ?
Aujourd’hui, ce que vos dirigeants ont hérité de cette générosité algérienne, ils l’utilisent à l’opposé des valeurs de respect et de reconnaissance.
Ils n’exportent plus seulement du pétrole — ils exportent l’instabilité.Maintenant, avec l’argent de ce pétrole que des hommes comme Mahmoud Hamra Krouha ont aidé à faire jaillir, vos dirigeants financent des milices, nourrissent des tensions autour des frontières algériennes, alimentent l’agitation au Sahel, soutiennent la propagande du Makhzen marocain, collaborent dans l’ombre avec la France post-coloniale, et pactisent avec l’occupant sioniste.
À mon avis, ce n’est pas seulement une trahison envers l’Algérie. C’est un déshonneur pour votre propre Histoire.
Mais la vérité, elle, ne s’efface pas.
Mahmoud Hamra Krouha est décédé en 1997. Loin de l’ADNOC qu’il a façonnée. Loin des honneurs qu’il aurait mérités. Mais il laisse derrière lui un héritage, documenté dans les archives diplomatiques américaines, qui démontre que même les sables brûlants du Golfe ne peuvent ensevelir la vérité.
Et à ceux qui voudraient réécrire l’histoire, nous disons simplement : nous savons. Et maintenant, vous aussi.