Dans la série des articles sur Alger et sa longue histoire, nous évoquerons dans cette livraison le travail monumental de l’historien Moulay Belhamissi sur la marine algéroise au temps de la Régence.
Tros siècles durant, la flotte d’Alger a rayonné sur la Méditérannée et au-delà. Cette longue histoire fut rapportée par des historiens européens, des militaires, des correspondances diplomatiques et même par la littérature de ce temps passé, mais pas si lointain. La réputaion des escadres d’Alger était connue et crainte par toutes les nations et les puissances maritimes entre 1518 et 1830. Toutes les tentatives pour anéantir cette redoubtable force ont échoué.
Au XVIe siècle, entre l’activité grandissante du commerce international et les appétits territoriaux de certaines nations, la Méditérannée était en ébullition. Alger se devait de défendre ses côtes de l’invasion chrétienne et appuyer les musulmans d’Espagne qui subissaient les agressions fanatiques des Espagnoles qui venaient de reconquérir l’Andalousie.
La marine d’Alger se distingue alors par son activité débordante et sa puissance grandissante. En face, les puissances n’avaient d’autre alternative que celle de «négocier»…
A l’arrivée des frères Barberousse, la marine algéroise s’étoffa et se professionnalisa. La foi et le courage des raïs donnèrent une certaine invincibilité à cette armée.
Dans l’ouvrage-thèse de Belhamissi, les travers de cette histoire, écrite souvent par «les autres», a été mise à nu. L’auteur, après moult recherches, livra une version nouvelle de cette tranche de l’histore d’Alger et de sa prestigieuse marine. Dans une interview parue en 2007, il déclara qu’«il fallait résoudre trois ou quatre problèmes avant d’écrire une histoire dépassionnée. Les historiens français, par exemple, avaient fait une sélection documentaire partisane, manifestement orientée, qui a fait endosser aux Turcs tout ce qui n’allait pas en Algérie». En effet, la marine algérienne était considérée comme une armada de pirates sanguinaires qui n’en voulait qu’aux richesses des Occidentaux. Il dira en substance : «Quand on réunit toute cette production européenne de l’Algérie du XVIe et XVIIe siècles, qu’est-ce qu’on constate ? Que l’histoire de l’Algérie était en fait assimilée à celle de la piraterie, que les captifs européens subissaient l’enfer à Alger, alors qu’il n’y avait aucune trace des captifs algériens retenus en Europe».
C’est ce qui a poussé Belhamissi à «revoir toute cette vision tronquée et fausse de l’histoire, en allant consulter les milliers d’archives à la Chambre de commerce de Marseille et au Quai d’Orsay.
«Comme l’historien est insatiable, j’ai pris mon bâton de pèlerin pour faire le tour du bassin méditerranéen, en commençant par Malte, qui a toujours été, sur le plan maritime, l’adversaire des Algériens. Puis ce fut au tour de l’Espagne, de la France… L’article intitulé ‘‘Le raid algérien sur l’Islande en 1627’’ que j’ai publié a eu un large écho et un intérêt insoupçonné». Plus loin, il raconte que des Algériens sont partis sur des bateaux en bois au péril de leur vie, «malgré les dangers de la mer du Nord. Finalement, c’était une expédition heureuse, car les marins ont mis la main sur un riche butin dont un butin humain de 400 femmes qui ont épousé des dignitaires, dont le roi du Maroc. Une seule est retournée dans son pays, rachetée par le roi du Danemark. Jusqu’à nos jours, tous les ans, il y a une fête commémorant cet événement à Reykavik. C’est dire que le souvenir du raid est resté vivace.»
Les ouvrages de Moulay Belhamissi constituent des socles inébranlables dans l’écriture de l’histoire de notre pays. Un travail scientifique minutieux qui balaye d’un revers de main les supputations et les allégations autour d’un passé glorieux.
K. Morsli
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Biographie :
Moulay Belhamissi est né le 17 janvier 1930 à Mazouna. Il est diplômé des médersas de Tlemcen (1952) et d’Alger (1954). Licencié ès lettres (1958 diplômé d’études supérieures à Aix-en-Provence (1963) doctorat 3e cycle en 1972 et docteur d’Etat à Bordeaux (1986) avec mention très honorable. Il a obtenu le CAPES des lycées à Paris en 1958 et l’agrégation d’arabe en 1966 à Paris où il a été major de promotion. Dans l’enseignement de 1955 à 1965. Dans le supérieur de 1966 à 2001. Maître-assistant de 1966 à 1969. Chargé de cours de 1969 à 1986. Maître de conférences de 1986 à 1988. Professeur de 1999 à 2000. Membre d’honneur de l’Institut Attaturc (Ankara) en 1986. Vice-président de l’Association internationale des historiens de la Méditerranée. Parmi ses publications, l’Algérie vue par les voyageurs marocains à l’époque ottomane (1979). Histoire de Mazouna des origines à nos jours (1981). Histoire de Mostaganem des origines à nos jours (1982). Alger par ses eaux (1994). Les Arabes et la mer dans l’histoire et la littérature (2003). Histoire de la marine algérienne 1516-1830. Captifs algériens en Europe chrétienne (1988). Alger, la ville aux mille canons (1990). La bataille de Zallaga (Andalousie) en 1086 et ses conséquences (1980) et d’autres ouvrages tout aussi intéressants les uns que les autres, ainsi que des contributions dans divers journaux.
Par Kamel Morsli 24.07.2021
elmoudjahid.com
2 comments
Toufan Salem 🙏
Comme Quoi l’histoire n’avait pas attendu Goebbles pour travestir les faits. Voici un proverbe chinois qui illustre assez bien cette réalité, qui perdure jusqu’à nos jours, grâce à cette boite d’abrutissement qu’on appelle 📺 TV !
” Si vous prévoyez pour une année, plantez du riz
Si vous prévoyez pour une décennie, plantez des arbres . MAis
Si vous prévoyez , Pour une vie, éduquez le Monde ”
Toufan Merci pour ce petit ( mais d’une grande importance) voyage Dans Le temps.
Namasté 🙏
@ Susu Vitch . Namasté🙏