Houari Boumediene, président de l’Algérie, meurt après un long coma
Une figure insaisissable et énigmatique
Par SHEILA RULE – New York Times – 27 décembre 1978
Le président algérien Houari Boumediene était l’une des figures les plus énigmatiques et insaisissables parmi les dirigeants du monde.
Même son nom faisait partie de l’énigme ; Houari Boumediene était un nom de guerre adopté pendant la guerre d’indépendance de huit ans contre les Français. Son nom d’origine était Mohammed Boukharouba.
Il ne fait aucun doute que le président a réussi à apporter la stabilité politique et le progrès économique au peuple algérien après avoir pris le pouvoir des mains d’Ahmed Ben Bella par un coup d’État sans effusion de sang en juin 1965.
L’intérêt du Président Boumediene pour la révolution, le progrès et le changement a fait de son pays une force influente dans de nombreux conseils mondiaux et l’a placé sous les feux de la rampe en tant que porte-parole des nations en développement, des gouvernements non alignés et des Arabes purs et durs.
Il a été à l’origine d’une initiative visant à rallier d’autres Arabes contre les efforts de paix du président Anwar el-Sadat avec Israël et a soutenu le Polisario rebelle au Sahara occidental contre le Maroc et la Mauritanie.
Sous la direction de M. Boumediene, l’Algérie est devenue l’un des principaux défenseurs des pays exportateurs de pétrole et de leurs alliés du tiers-monde.
Réélu par une majorité de 99,5% des voix
Le président Boumediene est devenu le dirigeant pratiquement incontesté de sa nation, en se faisant réélire en 1976 avec plus de 99,5 % des voix lors d’une participation de 96 %. En vertu de la Constitution, il est chef de l’État, commandant des forces armées, chef du gouvernement et également chef de la défense nationale.
Il a convoqué les élections de 1976, les premières depuis 13 ans dans le pays, dans le cadre d’une restructuration de la politique intérieure.
Au cours de ses années au pouvoir, M. Boumediene a donné la priorité à l’industrialisation, au développement des industries pétrolières et pétrochimiques, de la sidérurgie, des machines, de l’électricité, de l’électronique et de certaines industries axées sur la consommation.
Le Président s’est même transformé après son arrivée au pouvoir. M. Boumediene était timide et maladroit lorsqu’il est arrivé à la présidence et était un orateur et un habilleur indifférent. Il était tellement gêné par ses mauvaises dents, disait-on, qu’il demandait aux cameramen de ne pas mettre l’accent sur son visage lorsqu’il faisait des discours, mais plutôt sur le microphone.
Plus tard, sa confiance et son aisance sociale ont augmenté. Il est devenu un orateur infatigable et une figure même élégante lors des réunions internationales.
Il s’est marié discrètement en 1973 à une avocate. Anisa al-Mansali, et a commencé par la suite à manifester son enthousiasme pour les droits des femmes.
Son zèle pour l’innovation a pu sembler étrange chez un homme profondément attaché à la tradition musulmane. Mais M. Boumediene a déclaré : “L’Islam n’est pas seulement une voie spirituelle mais un programme social et politique. Il dépasse toutes les autres religions dans sa lutte pour la liberté de l’homme.”
Un révolutionnaire maigre, intense, fumeur à la chaîne, avec des cheveux roux ondulés et des yeux verts résolus, le président a fait peu d’efforts pour clarifier son passé.
Même sa date de naissance est vague ; elle a été placée de manière variable entre 1925 et 1932. Selon un récit, il est né à Guelma, dans l’est montagneux de l’Algérie, en 1925 ou 1926, l’aîné de quatre enfants d’une famille de paysans pauvres.
Il a fréquenté l’école islamique
Il a fréquenté l’Institut Ben Badis à Constantine, l’une des écoles créées par les oulémas – savants religieux musulmans – qui ont été les premiers centres du nationalisme islamique et anti-français en Algérie.
Il a été arrêté en 1945 par les Français à la suite d’un soulèvement des musulmans. Comme de nombreux autres Algériens, il aurait été converti au nationalisme violent par la brutalité des contre-mesures françaises.
En 1950, M. Boumediene apparaît au Caire, où il fréquente l’université Al Azhar, et c’est là, en 1952, qu’il rencontre M. Ben Bella, alors l’un des “neuf chefs historiques” qui planifient ce qui deviendra l’insurrection algérienne.
Premier vice-président et ministre de la défense de l’Algérie, M. Boumediene était à la fois le principal soutien et le plus grand rival potentiel de M. Ben Bella.
Il était le partenaire austère et silencieux du régime Ben Bella, souvent en désaccord en coulisses avec M. Ben Bella et les intellectuels marxistes du parti au pouvoir, le Front de libération nationale.
Traduit de l’anglais.