ALGER – “Korandjé” (le parler de Tabelbala), est l’intitulé d’un premier CD de six chansons, produit par le Haut commissariat à l’Amazighité (HCA) et dédié à la préservation de cette langue menacée de disparition, constituée principalement de Songhai, langue nilo-saharienne parlée dans plusieurs pays du Sahel, et enrichie de Tamazight et d’Arabe.
Conçus et interprétés par Mostefa Mekhloufi sur des textes de sa plume, les six titres de cet album qui contribue à la “réhabilitation de l’Amazighité et de sa promotion linguistique et artistique”, invitent les mélomanes à une belle randonnée onirique aux contenus autochtones et aux formes modernes ouvertes sur le monde.
Faisant renaître dans l’imaginaire du récepteur, le silence et la sagesse des grandes étendues, les pièces de ce nouveau venu dans la grande phonothèque anthropologique du patrimoine algérien, sont montées, en une trentaine de minutes, sur des cadences ternaires lentes, source de méditation rendue par une variété de percussions, et des sonorités denses du Oud (luth) et du goumbri.
Evoquant des thématiques en lien avec, l’appel profond de la patrie, l’espoir, la langue maternelle, la relation au père, la paix et la tolérance ainsi que la pluie, comme signe porteur de bienfaits symbolisant la vie, les textes de Mostefa Mekhloufi, interpellent l’individu dans les profondeurs de son être, à travers des variations mélodiques au mode essentiellement pentatonique, habillées par des arrangements esthétiques.
Relayé par les chœurs de Abdessalem Abdou et Ali Soudani, sur les cadences de Slimane Bourougaâ et Boualem Ouseghir, Mostefa Mekhloufi, à la voix sereine et accrocheuse, a notamment rendu dans un ton apaisé, les pièces, “Aâba âemyar” (envie d’un retour), “Tamissi” (comment serait-ce possible), “Kwarandi” (variante linguistique locale de Tabelbala), “Aânebba” (papa), Maghnissi (Paix sur toi) et “Baghni” (Pluie).
Le Korandjé est “concentré dans les villages de Kwara (Zaouïa), Ifrnyu (Cheraïa) et Yami (Mahkhlouf), autour de l’oasis de Tabelbala dans la wilaya de Béni Abbés, au Sud-Ouest de l’Algérie”.
La sortie de cet album est la “première phase” d’un “processus de sauvegarde” entrepris par le HCA qui répond à l’urgence absolue exprimée en février 2021 par les citoyens de la région de Tabelballa “soucieux de la préservation et du devenir” du “Korandji” qui figure sur la liste des langues menacées de disparition, comme le signale officiellement l’Unesco dans ses rapports.
Soutenu par l’APS, la Radio algérienne, la Commission nationale algérienne pour la Science et l’Education, ainsi que par l’Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture ( Unesco), “Korandjé” est un album qui n'”est pas destiné à la vente”, ayant pour seule vocation de mettre cette variante linguistique et ce parler unique en Algérie, à la disposition des “relais institutionnels de recherche et d’éducation”, qui contribueront à sa “description puis sa préservation”.
Traduction de la chanson par un anglophone :
عباعمير كُارا عباعمير
ʕ-baʕam-yər kʷạrạ, ʕ-baʕam-yər
I wanna go back home, I wanna go back,
تكُّاري ندا ادرا ن لهوا ابيسحر
tsəkkʷạrəy ndz’ adṛạ n ləhwa a-b-yisħər
The sand and the mountain air are enchanting,
عباعمير كُارا عباعمير
ʕ-baʕam-yər kʷạrạ, ʕ-baʕam-yər
I wanna go back home, I wanna go back.
ومّوغيسي، عباعميرنيسي
wə-ṃṃə̣w-ɣəy-si, ʕ-baʕam-t-ndzi-si
Y’all listen up, I wanna tell you all,
اوغ اكّس ان كُارا، توغا اڤُّاسي
uɣ əkkəs an kʷạrạ, tsuɣạ ggwạ-a-si
Someone who abandons his hometown, what’s left for him?
عباعمير كُارا عباعمير
ʕ-baʕam-yər kʷạrạ, ʕ-baʕam-yər
I wanna go back home, I wanna go back.
الله الله، ڤايو زّينيو بايو
əḷḷạh əḷḷạh, gạ-yu zzin-yu gạ-yu
O Lord O Lord, the old houses,
ڤايو، بايو ندا لغاديايو
gạ-yu, bạ-yu ndza lɣadya-yu
The houses, the people and the ???s,
ڤُند عفّكّر كُارا، عاهيو
gundz ʕa-f-fəkkəṛ kʷạṛạ, ʕa-hyu
When I remembered the hometown, I cried.
عباعمير كُارا عباعمير
ʕ-baʕam-yər kʷạrạ, ʕ-baʕam-yər
I wanna go back home, I wanna go back.
تاميسا عباعمدغنني، تامسّخ ما كُنّاني
tsamis a ʕ-baʕam-dɣən-ni, tsaməssəx ma kunna ni!
How could I forget you, how – what’s wrong with you!
ڤُا بايباهنڤاني، آ نمبغسي واراني
gwạ bạ-i-ba-hanga-ni; a nən bə̣nɣ-si wara ni
Stay, people are following you; ah, (stay) for yourself too!
تاميسا عباعمدغنني، تامسّخ ما كُنّاني
tsamis a ʕ-baʕam-dɣən-ni, tsaməssəx ma kunna ni!
How could I forget you, how – what’s wrong with you!
اقّا عقّوم عمزوني، عمزوني
əgga ʕa-ggum ʕa-m-zəw-ni, ʕa-m-zəw-ni – əgga ʕa-ggum
I had sworn to marry you, to marry you
نزّو افيط نكّسغي
nə-zzəw a-fyəṭ nə-kkəs-ɣi
You married another and left me;
تامسّخ ما كُنّاني
tsaməssəx ma kunna ni!
How – how could you!
نن لقبيلت اسبغغي، اسبغغي – نن لقبيلت
nn ləqbilət a-s-bəɣ-ɣəy, a-s-bəɣ-ɣəy – nn ləqbilət
Your tribe doesn’t like me, doesn’t like me – your tribe;
إدرامن اسباغيسي
idṛạmən əs-bạ-ɣəy-si
I don’t have money
آغي عمبين اكُّاري، نبّي مسّخ من بكري
aɣəy ʕan bin ək-kwạrəy, nə-b-bəy məssəx mən bəkri
But my heart is clear, you’ve always known that
تامسّخ ما كُنّا ني
tsaməssəx ma kunna ni!
How – how could you!