Par Houria Aït Kaci, journaliste
Au moment où de nombreux analystes et observateurs internationaux sont unanimes à dire que le monde occidental capitaliste qui domine seul la planète depuis la chute de l’Union soviétique en 1991 est en train de s’effondrer et en voie d’être remplacé par un nouvel ordre mondial multipolaire, M. Xavier Driencourt prend le contre-pied de tous et affirme tout de go que l’Algérie est en train de s’effondrer ?!
L’Algérie a failli s’effondrer, oui, mais en 2019, lorsque Bouteflika voulait briguer un cinquième mandat (anti-constitutionnel), avec le soutien actif de la France. L’effondrement a pu être empêché par le Hirak (mouvement populaire) et l’armée algérienne qui l’a accompagné, sans tirer une seule balle contre les manifestants, en dépit de toutes les provocations.
En Algérie, ce n’est, certes, pas le paradis, mais c’est mieux que sous le règne de Bouteflika et de ses amis les oligarques qui étaient bien introduits au palais de l’Elysée et qui organisaient la fuite des capitaux algériens vers la France et les paradis fiscaux. Ces oligarques ont été traduits en justice par l’actuel Président Abdelmadjid Tebboune, qui essaie de faire rapatrier cet argent qui appartient au peuple algérien pour financer des projets publics pour développer le pays et créer de l’emploi.
Dans quel pays vit donc cet ancien diplomate, car s’il y a bien un pays qui est au bord de l’implosion et de l’effondrement c’est bien la France et non pas l’Algérie, contrairement à ce qu’il affirme dans la tribune qu’il a publiée dans Le Figaro, journal appartenant au groupe oligarchique Dassault, société d’Aviation-Défense, classée sixième fortune de France. La plupart des médias en France ont été rachetés par les oligarques, les multimilliardaires, pour défendre leur image et leurs intérêts et «tirer» sur ceux qui les dérangent.
Or, la situation économique et sociale est explosive en France. Les citoyens n’arrivent plus à se chauffer correctement ni à payer le gasoil de leurs voitures, les enfants ne vont pas à l’école toute la journée car les classes ne sont chauffées que pendant quelques heures. Les rues ne sont pas éclairées, accentuant l’insécurité, la violence, créant un climat de «guerre civile». Sans parler de la hausse de la pauvreté et des inégalités qui se creusent entre les très riches et les pauvres. Un politicien de gauche, français, candidat à la dernière élection présidentielle, disait que plusieurs milliers d’enfants ne mangeaient pas à leur faim et ne faisaient qu’un seul repas par jour.
Toutes ces informations sont publiées par la presse française, indépendante et alternative, ou encore sur les réseaux sociaux qui ne mangent pas dans la main des oligarques et qui se font le relais des analystes et des politiques français qui dénoncent la politique de l’oligarchie macronienne et européenne. Certains d’entre eux pensent que la France se «tiermondise».
Voir : https://www.mondialisation.ca/coupures-delectricite-comment-nos-elites-dirigeantes-font-entrer-la-france-dans-le-tiers-monde/5673431
«La hausse du niveau général des prix a atteint des sommets jamais vus en France depuis plus de quarante ans. Tout augmente. Le gaz, l’électricité, le fioul, le bois de chauffage deviennent des luxes. Les prix alimentaires ont augmenté de 10% en septembre 2022, selon un récent rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), et une hausse de 12% en décembre était prévue.»
«L’inflation incontrôlable s’est transformée en catastrophe pour les consommateurs les plus vulnérables, pour les artisans et les commerçants. D’innombrables boulangers ont fait faillite parce qu’ils ne peuvent pas payer leurs factures d’électricité, les agriculteurs vendent du bétail pour faire fonctionner leurs entreprises, les entreprises en difficulté licencient du personnel parce que leurs factures d’électricité sont trop élevées. Les Français s’enfoncent lentement dans la pauvreté.»
Lire plus in : https://www.mondialisation.ca/france-derniers-jours-avant-le-chaos/5673940
Avec ces boulangeries qui ferment, bientôt les Français seront privés de pain et Macron dira : «Qu’ils mangent de la brioche !», comme l’avait fait la reine Marie-Antoinette en 1789.
En Algérie, on ne manque pas de blé, Dieu merci ; nous avons du pain fait avec du blé algérien et non plus avec du blé importé de France, depuis l’arrivée de M. Tebboune au pouvoir, qui défend la souveraineté nationale, encourage l’autosuffisance céréalière et alimentaire. Il a lancé plusieurs projets structurants bloqués sous Bouteflika et l’Algérie se développe et se modernise… Il y a certes des problèmes et des lacunes en Algérie, mais c’est aux Algériens et à eux seuls d’en débattre et de trouver des solutions.
A quel jeu se livre ce Driencourt lorsqu’il affirme son opposition à la candidature de Tebboune pour un second mandat, que celui-ci n’a même pas annoncé ? En quoi cela concerne ce diplomate ? Cela s’appelle de l’ingérence étrangère, un terme que ne doit pas ignorer un ambassadeur avec une aussi longue carrière, dont plusieurs années à Alger (2008/2012 et 2017/2020).
Il dit qu’il respecte le peuple algérien mais il lui dénie le droit souverain de décider, seul, de ce qui est bon pour lui. Est-ce que les Algériens se sont ingérés dans les élections en France et la dernière réélection de Macron ? D’où lui vient cette arrogance à donner des leçons aux Algériens ? Il pense que nous sommes encore sous la tutelle française ? Le temps où Paris désignait les présidents en Afrique, dans ses anciennes colonies, est révolu. Les troupes françaises sont en train d’être chassées d’Afrique !
Le temps où le système capitaliste occidental dictait sa loi à tout le monde et où la domination américaine régnait sur la planète a pris fin le 24 février 2022, lorsque la Russie a déclenché une «opération militaire spéciale» pour «démilitariser et dénazifier» l’Ukraine, son voisin de l’Ouest, qui mène une guerre pour le compte de l’OTAN contre la Russie. La victoire de la Russie en Ukraine sonnera le glas de l’OTAN et de la domination occidentale.
Les peuples européens et américains commencent à réaliser que leurs gouvernements leur demandent de serrer la ceinture, de mourir de faim et de froid pour envoyer de l’argent et des armes à Kiev avec l’argent des contribuables. Ils se rendent compte qu’ils ne sont en fait que de la chair à canon dans une guerre par procuration qui n’est pas dans leur intérêt, mais de celui des faucons à la Maison-Blanche.
La participation à cette guerre a été décidée sans consultation populaire ni parlementaire. Les véritables décisions sont prises par des organisations supra-nationales, au-dessus des gouvernements et des Etats nationaux, comme l’Union européenne, que beaucoup veulent quitter, pour retrouver leur souveraineté et leur indépendance vis-à-vis des centres de décision situés à Washington.
Voir plus : https://www.mondialisation.ca/michael-hudson-leurope-est-deja-en-train-de-sautodetruire/5673591
Le capitalisme américain qui a dominé le monde est aujourd’hui en déclin, de l’avis de plusieurs économistes et analystes financiers qui prédisent sa chute inévitable. D’autres puissances économiques et militaires ont émergé ces dernières décennies.
Le Pr. Richard D. Wolff, économiste marxiste américain, écrit à ce sujet : «Le capitalisme mondial avait entretenu des conflits entre les grandes puissances (Etats-Unis, Chine et UE) pendant un certain temps, alors que leurs forces et vulnérabilités relatives évoluaient. Le capitalisme américain et son empire sont largement perçus comme en déclin.» Les recompositions et les réalignements en cours montrent, dit-il, que «le sentiment répandu qu’un vieux monde capitaliste s’effondre ne s’estompe pas».
Source : https://www.rdwolff.com/the_economic_realities_we_face_at_the_end_of_2022
Cependant, le capitalisme financier concentré entre les mains d’une minorité d’oligarques cherche à instaurer une gouvernance mondiale, ou une dictature mondiale qui se substituerait aux Etats nationaux, souverains et toute représentation démocratique populaire, comme on peut le lire dans le livre de Klaus Schwab, La Grande réinitialisation (The Great Reset en anglais), président du Forum économique mondial (Davos), qui réunit tous les oligarques de la planète. La feuille de route de cette dictature mondiale, financière et technologique, vise à relancer la croissance en panne du système capitaliste touché par la plus grave crise depuis 2007/2008 et aller vers un système globaliste «durable», «immortel».
Mais la victoire de la Russie — qui ne s’est pas effondrée dans cette guerre en Ukraine — a changé la donne et faussé les calculs des globalistes pour la réalisation de cette gouvernance mondiale et a, au contraire, permis à un nouvel ordre mondial multipolaire d’émerger, notamment, à travers les BRICS (un acronyme qui désigne un groupe de 5 pays émergents).
Il vient d’être renforcé par la victoire au Brésil du Président Lula da Silva (Parti des travailleurs), malgré la cabale judiciaire pour l’empêcher de se présenter aux élections et la dernière tentative de coup de force par une prise d’assaut des locaux de son gouvernement par des barbouzes de son rival, Bolsonaro, réfugié aux états-Unis.
Les BRICS gagnent en popularité, avec la candidature de plusieurs pays — dont celle de l’Algérie — pour rejoindre cette alliance d’Etats souverains, d’égal à égal, pour développer un véritable partenariat gagnant-gagnant et développer en synergie des projets mutuellement bénéfiques. En 2014, la Nouvelle banque de développement (NDB) a été créée avec un capital initial de 50 milliards de dollars, à intégrer par les 5 pays membres, avec pour objectif de financer le développement des économies émergentes.
«Ce n’est qu’en se basant sur une coopération honnête et mutuellement avantageuse que l’on peut chercher des issues à la situation de crise frappant l’économie mondiale à cause des actions égoïstes et irréfléchies de certains pays», a déclaré le président russe, Vladimir Poutine, lors du dernier sommet virtuel du groupe, en juin 2022.
Une présence forte et influente des BRICS à l’échelle internationale signera la fin du monde unipolaire et de l’hégémonisme US et permettra de trouver des points d’appui et le soutien nécessaires pour que chaque pays membre de cette alliance puisse appliquer le système économique, politique et idéologique de son choix, sans ingérence extérieure. Il sera alors possible aux pays du Sud de se déconnecter de ce modèle capitaliste occidental, aujourd’hui empêtré dans ses crises, mais qui a encore des capacités de nuisance (voir le dernier coup d’Etat au Pérou et l’attaque contre Lula).
Donc, Mr. Driencourt, l’Algérie ne s’effondre pas ; bien au contraire, elle rejoint les pays émergents…
H. A. K.
lesoirdalgerie.com