Par Lamia Khalfallah
L’Afrique du Sud a récemment porté plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour génocide à Gaza, une initiative inédite qui témoigne de son engagement historique et politique en faveur du peuple palestinien.
Un soutien de longue date
L’Afrique du Sud, qui a connu le régime d’apartheid de 1948 à 1991, a toujours manifesté sa solidarité avec la Palestine, dont elle considère la lutte comme similaire à la sienne.
Nelson Mandela avait affirmé que la liberté de l’Afrique du Sud serait “incomplète sans la liberté des Palestiniens”.
Le parti au pouvoir, l’ANC (Congrès national africain), a maintenu cette position, malgré les pressions diplomatiques et économiques d’Israël et de ses alliés. L’Afrique du Sud a ainsi reconnu l’Etat de Palestine en 1995, a soutenu sa candidature à l’ONU en 2012, a condamné la colonisation israélienne et le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, et a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv à plusieurs reprises.
Elle a également renforcé ses liens avec le Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle Gaza, qu’elle ne considère pas comme une organisation terroriste, contrairement à Israël et à de nombreux pays occidentaux.
Une action judiciaire inédite
Le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud a franchi un pas supplémentaire en saisissant la CIJ, la plus haute juridiction des Nations unies, pour qu’elle ordonne à Israël de “suspendre immédiatement ses opérations militaires” à Gaza, où plus de 22 000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit en octobre 2023.
L’Afrique du Sud accuse Israël de se livrer à des “actes de génocide” contre le peuple palestinien, en violation de la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, à laquelle Israël est partie.
L’Afrique du Sud est le premier pays à porter une telle plainte devant la CIJ, qui a compétence pour régler les différends entre Etats. Elle a envoyé une équipe d’avocats de renom, dont John Dugard, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens, et Tembeka Ngcukaitobi, qui a notamment travaillé sur l’affaire qui a conduit l’ancien président Jacob Zuma en prison. Une audience publique s’est tenue les 11 et 12 janvier à La Haye, où Israël a rejeté les accusations de l’Afrique du Sud, qu’il a qualifiées de “diffamation sanglante absurde”.
Une influence internationale
L’initiative de l’Afrique du Sud vise à attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation dramatique à Gaza, et à faire pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international humanitaire. Elle s’inscrit également dans une volonté de renforcer le rôle de l’Afrique du Sud sur la scène mondiale, en tant que leader moral et politique du continent africain et des pays du Sud.
L’Afrique du Sud, qui siège actuellement au Conseil de sécurité de l’ONU, a ainsi appelé à une réunion d’urgence de cet organe pour discuter du conflit israélo-palestinien, et a proposé une résolution demandant un cessez-le-feu immédiat et la levée du blocus de Gaza.
L’action de l’Afrique du Sud a reçu le soutien de plusieurs pays africains, arabes et non-alignés, qui partagent sa vision d’un règlement pacifique et juste du conflit, fondé sur la solution à deux Etats, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine. Elle a également été saluée par les autorités palestiniennes, qui ont exprimé leur gratitude envers l’Afrique du Sud pour sa “position honorable” et son “soutien indéfectible”.