La période des manifestations de décembre 1960 marque un tournant décisif dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Cette séquence de l’histoire s’inscrit dans un contexte où le général de Gaulle cherchait à imposer une « troisième voie » pour l’Algérie. Cette proposition consistait à instaurer un gouvernement local, prétendument autonome, mais toujours sous l’ombre de la domination française. Derrière ce projet, se profilait une tentative de transformer l’Algérie en une sorte de protectorat déguisé, une indépendance sous tutelle.
Face à cette manœuvre, le peuple algérien a rapidement saisi l’enjeu. Dans un sursaut de dignité, des milliers d’Algériens, dans toutes les grandes villes du pays, ont décidé de descendre dans la rue. De Timimoun à Alger en passant par Oran, ces manifestations ont été un cri collectif pour dire « non » à la supercherie gaullienne et aux ultras de l’Algérie française. Ces derniers, en désespoir de cause, ont tenté de provoquer la population algérienne par la violence et l’intimidation. La répression coloniale n’a pas tardé. Des parachutistes, des gardes mobiles et des colons armés, postés sur les balcons, ont ouvert le feu sur les manifestants, faisant des morts et des blessés. La violence fut telle que même les hôpitaux, comme l’hôpital Mustapha à Alger, devinrent des lieux de terreur, certains blessés étant achevés sur place.
Mais au-delà de la répression, le mouvement du 11 décembre a révélé la détermination du peuple algérien. Ce sursaut de mobilisation populaire, porté par l’unité nationale, a mis en lumière la force d’un peuple uni derrière un même objectif : l’indépendance totale et non une pseudo-autonomie. L’élément symbolique le plus marquant fut la sortie massive de l’emblème national. Du 10 au 11 décembre, des milliers de drapeaux algériens furent cousus en secret et brandis fièrement dans les rues. Ce geste audacieux illustrait la volonté inébranlable du peuple de s’affirmer en tant que nation libre et indépendante. Le drapeau algérien, dans sa splendeur, devint l’étendard de la lutte pour la souveraineté.
Sur le plan international, ces événements eurent un impact majeur. À l’ONU, la cause algérienne gagnait en reconnaissance. Deux résolutions historiques furent adoptées. La première, la résolution 1573 du 19 décembre 1960, reconnaissait le droit du peuple algérien à l’autodétermination. La seconde, la résolution 1514, allait encore plus loin en affirmant ce droit pour tous les peuples colonisés. Ces résolutions représentaient une victoire diplomatique majeure pour le Front de Libération Nationale (FLN) et un revers retentissant pour la France, qui se retrouvait isolée sur la scène internationale.
Les manifestations de décembre 1960 constituent donc un moment charnière. La stratégie du général de Gaulle s’effondrait face à la réalité du terrain. Les slogans des manifestants, les drapeaux algériens et la répression brutale ont bouleversé l’opinion internationale. Un historien allemand ayant suivi de près ces événements a qualifié ce moment de « défaite politique et diplomatique » pour la France. Ce fut également un coup dur pour tout le système colonial, car il devenait clair que la domination par la force n’était plus tenable.
La mobilisation populaire s’est achevée après l’appel de Ferhat Abbas, qui invita les Algériens à se retirer des rues pour éviter un bain de sang supplémentaire. Ce retrait stratégique n’était pas un repli mais une affirmation de maturité politique, montrant que le peuple savait alterner entre la lutte et la préservation de ses forces.
En conclusion, le 11 décembre 1960 reste l’une des dates les plus importantes de la guerre d’indépendance algérienne. Ce tournant historique fut la démonstration éclatante de la volonté populaire de briser les chaînes du colonialisme. La répression féroce, les martyrs tombés, et les victoires diplomatiques à l’ONU marquent un épisode où la rue algérienne a pris le dessus sur la logique des armes et des manœuvres politiques. À travers les drapeaux brandis, les manifestations et le courage face aux balles, c’est l’âme même de la lutte pour l’indépendance qui s’est exprimée. Gloire éternelle aux chouhada qui ont permis à l’Algérie d’inscrire cette page de son histoire dans l’or de la dignité humaine.
Hope&Chadia