Brahim Takheroubt
lexpression.dz
Nouvelles et insoupçonnables révélations rapportées, hier, par Ignacio Cembrero, un grosse pointure du journalisme espagnol ayant travaillé pour les quotidiens El País, El Mundo et qui collabore actuellement à El Confidencial. Avec de menus détails, le journaliste nous éclaire sur l’immense réseau de corruption mis en place par le Maroc et qui fonctionne depuis douze ans. Ignacio Cembrero rapporte que le scandale du Marocogate est né en 2011 quand s’est nouée une relation entre deux hommes pour constituer cette camarilla: le député européen socialiste italien Pier Antonio Panzeri et Abderrahim Atmoun, député marocain du parti «Authenticité et modernité», fondé par le principal conseiller du roi Mohammed VI. Atmoun était coprésident de la commission parlementaire mixte Maroc-UE jusqu’en juin 2019 année de sa nomination à Varsovie en tant qu’ambassadeur du Maroc.
Panzeri quant à lui, a occupé des postes clés au Parlement, comme celui de président de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et de la sous-commission des droits de l’homme.
L’«équipe Panzeri», qui compterait d’autres membres non encore dévoilés, tourne à plein régime. Pour chaque amendement anti-Maroc torpillé, le groupe perçoit 50 000 euros, selon le quotidien belge De Standaard. Le groupe va même jusqu’à priver la militante sahraouie Sultana Khaya de gagner le prix Sakharov des droits de l’homme, le plus prestigieux de ceux que décernent les institutions européennes. Sultana Khaya est arrivée ex æquo avec Jeanine Añez, l’ancienne présidente de Bolivie.
Pour départager les deux candidates, «le groupe Panzeri» passe à l’action et fait gagner Jeanine Añez.
Cet épisode illustre à quel point le Maroc a été, depuis des décennies, l’enfant gâté du Parlement européen. Intouchable, le Maroc! Alors que de nombreux pays tiers ont fait l’objet de résolutions critiquant durement leurs abus en matière de droits humains, le Maroc a été épargné depuis 1996. «Pendant de longues années, les socialistes ont systématiquement bloqué tout débat ou résolution en séance plénière qui puisse déranger un tant soit peu le Maroc», regrette Miguel Urban, député du Groupe de gauche.
Quand en 2019, Abderrahim Atmoun, devenu ambassadeur, le réseau Panzeri passe sous la coupe de la Dged, le service de renseignements marocain à l’étranger. Concrètement, c’est l’agent Mohamed Belahrech, alias M 118, qui en a pris les rênes. «Cette intrusion des espions marocains dans les cercles parlementaires bruxellois attire rapidement l’attention des autres services européens», fait remarquer le journaliste Ignacio Cembrero. En 2018, ils avaient déjà détecté une autre opération d’infiltration de la Dged au Parlement européen à travers Kaoutar Fal. Avec l’aide du député européen français Gilles Pargneaux, elle a organisé une conférence sur le développement économique du Sahara occidental. Elle a finalement été expulsée de Belgique en juillet de cette année, car elle collectait des «renseignements au profit du Maroc», selon le communiqué de la Sûreté. Une autre expulsion survient en janvier 2022: celle de l’imam marocain Mohamed Toujgani, qui prêchait à Bruxelles dans le fameux quartier « islamiste» où il cherchait à coiffer les communautés musulmanes de Belgique pour le compte de la Dged. Mais quand on bâti sur du faux, de la triche et de la corruption, l’édifice finit toujours par céder. Soumise aujourd’hui en séance plénière, une résolution réprobatrice sur la liberté de presse au Maroc et les journalistes qui y sont emprisonnés, surtout les trois plus influents, Omar Radi, Souleiman Raïssouni et Toufiq Bouachire.
Ce sera la première fois, depuis plus d’un quart de siècle, que sera voté dans l’hémicycle un texte critique sur le Maroc. Le temps de l’impunité est terminé. Tel un château de cartes, le réseau de corruption grassement entretenu par le Makhzen, tombe sous les yeux révoltés des eurodéputés.