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HAKIM LAÂLAM
«Il est toujours difficile de s’adresser à son peuple lorsqu’on passe son temps à vouloir le dresser !»
Le Penseur War Zazat
Et là, quoi ? Tu découvres effaré un Royaume de décors de péplums. Du carton-pâte édulcoré devant, en façade, avec derrière, juste quelques bouts de bois, des madriers à peine dégrossis pour tenir, caler ces illusions de vies citadines et villageoises. Ben oui ! T’as beau refuser les aides nombreuses, blackaouter les accès à la presse, vouloir passer par tous les filtres possibles les images tournées sur sites meurtris, y’a des trous dans ta raquette, Moulahoum ! À quelques kilomètres seulement de ta vitrine touristique, Marrakech, une autre planète. À vol d’oiseau royal, haut perché, un no man’s land. Une portion de terre lunaire, que même sur la lune, je suppose qu’il doit y avoir un peu plus d’urbanité villageoise, si j’ose dire, Moulahoum ! J’veux bien que tu ouvres ton clapet sur l’Algérie, que tu charges tes écuries royales de décrire la Dézédie comme une contrée de mangeurs de bananes qui font la queue dès le réveil et jusqu’à tard le soir pour un litron de lait, mais «Ebni Bladek», Moulahoum. T’as beau dire et faire dire du mal de l’Algérie par tes armées de mouches électroniques, mais nous avons des routes entre nos villes et villages. Pas les meilleures routes du monde, nous n’avons jamais prétendu à cela. Pas les moins budgétivores, nous l’admettons volontiers et sommes les premiers à le dénoncer sur tous les toits de la République. Mais elles sont là ! Et vois-tu, elles sont aussi l’œuvre d’une partie de la Içaba, aujourd’hui derrière les barreaux ! L’exception Dézédienne, Moulahoum, l’exception de ces satanés «mangeurs de bananes» ! Même nos voleurs ont laissé des «miettes infrastructurelles» qu’empruntent quotidiennement le peuple DZ. Mon Dieu, Moulahoum, Commandeur des Croyants en Colère, il n’y a pas de routes entre Marrakech et les villages de l’oubli, là-haut, les maisons en «Toub» et pisée où vivent les employés de tes Riads et de tes complexes touristiques en papier-mâché. Pas une F’tifta pour tes sujets, Moulahoum ? Je te le dis et te le répète, quitte à choquer, même notre «Içaba» a travaillé pour la collectivité. Elle s’en est mis plein les poches, mais «B’nat», elle a construit un Smig-Chouia pour la citoyenneté partagée. Tu vois ce que tu me fais faire, Moulahoum ? Je suis à ce point effaré devant les images que je découvre d’un Royaume sans accès, sans eau courante, sans électricité, sans gaz, sans… cimetières que j’en arrive à dénicher quelques bienfaits à la Içaba, avec du recul. Ce recul qu’il n’est même pas possible de prendre dans ta province que tu visites quelques fois, à cheval et en hélicoptère. N’en foulant presque jamais le sol, Moulahoum. Ce que j’ai vu ces derniers jours, me conforte dans l’idée que ces pauvres hères livrés à eux-mêmes, ces miséreux des «Hauts-de-M’rakech» finiront par te faire tomber de ton cheval. Ou basculer de ton hélicoptère. Cette route-là, la seule en fait est déjà tracée. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.