Dans une nouvelle émission du podcast Hake Mawzoun, l’analyste stratégique Mikhaïl Awad livre une analyse percutante des transformations profondes et rapides que traverse le Moyen-Orient. Invité par la chaîne pour décortiquer les enjeux géopolitiques et les alliances mouvantes de la région, Awad explore les implications d’une coopération renforcée entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, ainsi que les répercussions d’une Amérique affaiblie sur l’avenir du Moyen-Orient. Il propose une lecture des faits marquée par une clairvoyance stratégique et une anticipation des changements qui se profilent, dans un contexte où les équilibres de pouvoir se renversent, mettant fin à un ordre régional autrefois régi par des alliances avec les États-Unis.
Au début de la discussion, Mikhaïl Awad aborde le rôle changeant d’Israël au sein de la région, pointant du doigt l’admission publique du ministre israélien de la Défense selon laquelle la force militaire ne suffit plus pour assurer la sécurité et imposer la domination israélienne. Selon Awad, cette prise de position constitue un tournant révélateur de la situation précaire d’Israël, désormais contraint de revoir ses ambitions à la baisse. Il en découle, selon lui, que les objectifs traditionnels d’Israël – la suprématie militaire et la domination totale – sont peu à peu érodés par une Résistance qui a appris à adapter ses tactiques, obligeant ainsi Israël à envisager des concessions jusqu’alors inimaginables. En effet, il considère qu’Israël fait aujourd’hui face à une configuration régionale transformée où les résistances palestiniennes et libanaises, plus aguerries et stratégiquement mieux positionnées, sont désormais en mesure d’influencer les décisions israéliennes, même à distance.
Un des développements les plus surprenants, souligne Awad, est la tenue récente de manœuvres militaires conjointes entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Ce rapprochement entre deux puissances traditionnellement opposées, chiite et sunnite, marque un tournant géopolitique dans la région. Selon Awad, ces exercices militaires vont bien au-delà d’un simple signe de détente : ils démontrent une volonté d’autonomie des pays du Golfe et du Moyen-Orient face aux politiques américaines de division et d’interventionnisme. Cette coopération, qui serait inconcevable il y a quelques années, témoigne du fait que Riyad et Téhéran prennent conscience de leurs intérêts communs et de la nécessité de stabiliser la région sans l’intervention des grandes puissances occidentales. Awad y voit une stratégie mûrement réfléchie pour asseoir une influence conjointe dans la région, où les deux pays pourraient jouer un rôle stabilisateur face aux menaces de conflits et aux pressions extérieures, renforçant ainsi une coalition qui limite l’ingérence étrangère au profit d’un équilibre de pouvoir endogène.
L’analyste stratégique entre ensuite dans un sujet sensible, celui des élections présidentielles américaines prévues pour novembre 2024. Ces élections, selon lui, constituent un carrefour crucial pour les dynamiques internationales, et les trois principaux scénarios qu’il envisage – victoire de Donald Trump, victoire d’un candidat démocrate, ou situation de chaos – auront chacun des répercussions profondes pour le Moyen-Orient. Dans le cas d’une victoire républicaine, notamment de Trump, Awad prédit un retour de la politique isolationniste et transactionnelle qui avait marqué son premier mandat. Une telle politique pourrait signifier pour Israël une pression accrue à opérer un retour à la table des négociations et à modérer ses ambitions. Dans l’éventualité d’une victoire démocrate, l’influence de l’État profond pourrait modérer les ambitions du Likoud et d’autres factions israéliennes. Mais le scénario qui pourrait le plus déstabiliser la région serait celui d’une crise électorale majeure aux États-Unis, un événement de plus en plus plausible selon Awad, et qui pourrait contraindre Washington à se concentrer uniquement sur ses affaires intérieures.
Quoi qu’il en soit, ces élections seront déterminantes, et dans chaque scénario envisagé par Awad, l’affaiblissement de l’emprise américaine en faveur de nouvelles alliances régionales apparaît inévitable. Israël, qui dépend depuis longtemps de son soutien stratégique avec les États-Unis, se retrouverait donc dans une position délicate, devant envisager de nouveaux compromis pour assurer sa survie dans une région en pleine reconfiguration.
Enfin, Mikhaïl Awad prédit que les prochaines années pourraient amener une restructuration radicale de l’ordre géopolitique régional, comparable aux bouleversements qui ont suivi les guerres mondiales. Cette nouvelle « reconfiguration » marquerait un tournant pour la région en orientant le Moyen-Orient vers davantage de justice et d’autonomie. Il anticipe une forme de « rééquilibrage naturel », où les anciennes lignes de fractures, souvent exacerbées par les ingérences extérieures, pourraient être progressivement apaisées au profit d’un système plus équilibré et moins dépendant des puissances extérieures. Dans ce cadre, le Liban, en tant qu’acteur clé des résistances régionales, pourrait renforcer son rôle de catalyseur pour une région plus unie et résiliente.
Le podcast clôt cette conversation intense avec un message d’optimisme quant à l’avenir de la région. Pour Awad, la coopération entre les pays arabes et islamiques pourrait symboliser le début d’une ère où le Moyen-Orient, se libérant progressivement de la tutelle américaine, s’oriente vers une autonomie politique et économique accrue. Le chemin reste semé d’embûches, mais les signes sont là : les alliances évoluent, et les transformations sont déjà en marche. Awad laisse entendre que, dans un avenir proche, le Moyen-Orient pourrait enfin se libérer des tensions chroniques qui l’entravent depuis des décennies et se positionner comme un pôle stratégique autonome dans le nouvel ordre mondial.
Pour approfondir cette analyse captivante, le podcast complet est disponible ici, avec la possibilité d’activer les sous-titres en plusieurs langues.
Hope&Chadia