Israël, le Professeur qui Refusa de Se Taire: L’histoire de Meir Barouchin
L’histoire de Meir Barouchin, professeur d’histoire et d’éducation civique en Israël, est une illustration frappante du prix à payer pour exprimer ses convictions dans une société marquée par la guerre et les divisions politiques. Enseignant depuis 36 ans, Barouchin a été accusé de trahison pour avoir exprimé publiquement sa compassion envers les victimes civiles palestiniennes à Gaza. Ce geste lui a valu d’être licencié, ostracisé par une partie de sa famille et de ses collègues, et même placé en détention par les autorités israéliennes.
Un acte de compassion controversé
Tout commence le 8 octobre 2023, lorsque Meir Barouchin publie sur sa page Facebook une photo choquante montrant le corps d’un bébé palestinien, victime des bombardements israéliens. Ce geste n’avait pour but que de rappeler aux Israéliens les conséquences humaines de la guerre, et de leur faire prendre conscience des actions commises en leur nom. Pourtant, cet acte de compassion a été perçu comme un affront aux valeurs patriotiques israéliennes.
Rapidement, Barouchin reçoit un appel de la police de Jérusalem l’informant qu’il doit se rendre pour un interrogatoire. Classé comme détenu à haut risque, il est placé en isolement dans une cellule sans fenêtre. Pendant plusieurs nuits, il entend les cris d’autres prisonniers, dont certains, dit-il, étaient des adolescents palestiniens. Le professeur se retrouve accusé de trahison, une accusation qui lui semble absurde : « Je voulais juste que les Israéliens sachent ce qui est fait en leur nom », explique-t-il.
Les répercussions sociales et professionnelles
En plus des poursuites judiciaires, Meir Barouchin subit une vague d’humiliation publique. Le 19 octobre 2023, il est licencié, et sa licence d’enseignant est suspendue. Il lui est désormais interdit d’enseigner dans tout le pays. De plus, une partie de sa famille coupe les ponts avec lui, incapable de comprendre ses positions politiques. Dans son quotidien, Barouchin vit désormais dans la peur : chaque fois qu’il sort, il vérifie soigneusement sa voiture, craignant qu’un engin explosif n’y ait été placé.
La société israélienne, selon Barouchin, a atteint un « niveau de moralité des plus bas » dans son histoire. Il exprime avec amertume sa désillusion face à l’indifférence de ses concitoyens quant à la souffrance des civils palestiniens. Le professeur, autrefois respecté, est désormais rejeté par ses élèves. À son retour au lycée Isaac Shamir, plusieurs dizaines d’étudiants lui ont craché dessus et l’ont insulté, refusant de suivre ses cours.
Un débat polarisant
Le parcours de Meir Barouchin met en lumière les tensions profondes qui divisent la société israélienne. Son ami et collègue, Éric, est un fervent partisan de Benyamin Netanyahou. Ils ne sont d’accord sur pratiquement aucun sujet, mais restent néanmoins amis. Éric représente une grande partie de la population israélienne qui soutient la politique du gouvernement et voit en Netanyahou un leader inébranlable. Il considère que la guerre est nécessaire et voit dans les actions militaires une réponse légitime aux attaques subies par Israël.
Barouchin, quant à lui, déplore cette vision unilatérale et appelle à la reconnaissance de l’humanité des Palestiniens, espérant qu’un jour, ses élèves comprendront l’ampleur des injustices. « Peut-être qu’un jour, ils seront capables de les voir comme des êtres humains », dit-il avec tristesse.
Un symbole de désespoir
En filigrane, l’histoire de Meir Barouchin symbolise la fracture au sein de la société israélienne. Alors que certains voient en la guerre un moyen de défense nécessaire, d’autres comme Barouchin appellent à une réflexion plus profonde sur la moralité et l’empathie envers les civils innocents, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Pour lui, le refus de nombreux Israéliens d’envisager la souffrance des Palestiniens, souvent en raison d’un traumatisme collectif non résolu, est la cause profonde de l’absence de paix durable.
Au moment où il allume un feu symbolique, Barouchin conclut sur une note désespérée : « Ce feu symbolise mon propre peuple, la société israélienne qui s’autodétruit ».