Depuis la mort mystérieuse d’Evgueni Prigojine, une question fondamentale hante les cercles géopolitiques africains et internationaux : qui contrôle aujourd’hui le groupe Wagner, particulièrement dans la région stratégique du Sahel ? Si certains continuent d’associer Wagner exclusivement à la Russie, il est temps, selon moi, de regarder les faits d’un autre œil : et si Wagner n’était plus une force russe, mais un outil détourné par d’autres puissances, visant à saboter les alliances régionales et brouiller la relation algéro-russe ?
Prigojine : le virage étrange avant la chute
Le coup d’État avorté de Prigojine contre Vladimir Poutine, en juin 2023, reste l’un des événements les plus troublants de la scène russe contemporaine. Comment expliquer qu’un homme si proche du Kremlin ait tenté de renverser ou défier son protecteur ? À mes yeux, ce n’est pas un acte isolé. Ce soulèvement, aussi bref que spectaculaire, pourrait être le résultat d’un financement ou d’une manipulation étrangère, destinée à affaiblir la Russie de l’intérieur, et par extension, ses positions à l’extérieur, notamment en Afrique.
Il est possible que Prigojine ait été approché, ou au moins influencé, par des forces cherchant à prendre le contrôle de Wagner, pour en faire un acteur plus indépendant de Moscou, voire hostile aux intérêts russes traditionnels. Après sa mort, ce projet n’a pas disparu, bien au contraire. Les opérations de Wagner en Afrique, y compris au Sahel, continuent, mais elles semblent prendre une tournure plus ambiguë, laissant penser que le groupe serait désormais utilisé par d’autres acteurs pour servir des objectifs bien éloignés de ceux du Kremlin.
Wagner=Russie contre l’Algérie ? Une diversion bien orchestrée
Un discours se répand : Wagner au Mali agit contre l’Algérie. On parle de tensions sur les frontières, de conflits d’intérêts autour des Touaregs, de rivalités sécuritaires. Tout cela sert une idée simple : la Russie, par Wagner, trahirait son partenariat stratégique avec Alger.
Mais là, il faut réfléchir. Et si ce narratif n’était qu’une manœuvre ? Une opération psychologique visant à déstabiliser l’alliance russo-algérienne, en utilisant Wagner comme un outil flou, une force dont l’identité réelle est brouillée à dessein. Car si Wagner agit d’une manière contraire aux intérêts algériens, cela ne signifie pas forcément que Moscou est derrière ces actions. Cela peut signifier que Wagner a été détourné, pris en main par des puissances régionales ayant intérêt à isoler l’Algérie, et à réduire l’influence russe en Afrique.
Les Émirats, Israël et le Maroc : des acteurs bien présents
L’implication indirecte des Émirats arabes unis, d’Israël, et du Maroc dans certaines zones de conflits africaines n’est plus à prouver.
🔹 Au Soudan, des enquêtes internationales ont révélé comment Wagner pillait l’or, et comment ces ressources étaient exfiltrées via Dubaï. Les Émirats ont été le point de passage clé pour financer les opérations de Wagner, tout en apparaissant neutres sur le plan diplomatique.
🔹 En République centrafricaine, des entreprises basées aux Émirats ont été sanctionnées par les États-Unis pour avoir fourni un soutien logistique aérien à Wagner – avions, transport de troupes, matériel militaire. Ce sont des faits officiels.
🔹 En Libye, Israël, via le Mossad, a collaboré avec le général Haftar, principal allié de Wagner dans la région. Ce soutien discret a permis à Israël de protéger ses intérêts contre les milices islamistes et les forces pro-iraniennes.
Donc, pourquoi ne pas imaginer que ce trio, EAU-Israël-Maroc, cherche aujourd’hui à influencer le Sahel ? En utilisant Wagner (ou ce qu’il en reste), ces pays peuvent intervenir indirectement, semer le trouble, et surtout affaiblir l’axe Alger-Moscou, en rendant la Russie suspecte aux yeux de ses alliés africains.
Une guerre de l’ombre, pas une rupture affichée
Pour moi, la relation entre l’Algérie et la Russie n’est pas du tout entachée. Ce sont des forces extérieures qui cherchent à donner cette impression, en jouant sur la confusion autour de Wagner. Ils savent que si Alger doute de Moscou, alors l’équilibre géopolitique de la région peut basculer en faveur de ceux qui veulent redessiner le Sahel selon leurs intérêts.
Wagner n’est peut-être plus qu’un nom. Ce qui importe, c’est qui l’utilise aujourd’hui, et dans quel but. Et tout montre que ce but n’est plus forcément russe. Mais bien celui de puissances qui préfèrent agir dans l’ombre, tout en laissant croire à un conflit russo-algérien qui ne sert que leurs ambitions régionales.