Il y a 134 ans, naissait le plus grand comique Algérien. Surnommé le Charlot Algérien ou Molière. Rachid Ksentini était auteur, comédien, chanteur, musicien, compositeur et… même clown.
Ksentini est venu au monde, le 11 Novembre 1887 à Bouzaréah qui vu naître de grands artistes – Cheikh Nador, Mohamed Iguerbouchene et Hassan Hassani. Artiste complet, il a fait partie quatre années durant d’un cirque américain. Il aurait pu devenir acteur de cinéma de renommée mondiale mais il a choisi la scène. Il n’aurait, durant toute sa carrière joué que dans un seul film « Sarati le terrible » sorti en 1937 d’André Hugon et dont une bonne partie a été tournée à Alger. Dans la fiche technique figure le nom du premier cinéaste algérien Tahar Belhannache comme photographe. Décédé le 4 juillet 1944, Ksentini reste surtout un des pionniers du théâtre algérien. Il aurait pu être un Mozart s’il s’était consacré uniquement à la musique. Il composait les musiques de ses chansons, les arrangeait et jouait de plusieurs instruments dont le banjo. Comme Charlot, il était à l’aise dans les rôles dramatiques ou comiques.
Facéties
De son vrai nom Bir Lakhdar, Ksentini était, dés son jeune âge doué pour le rire. Il a quitté tôt l’école pour apprendre le métier d’ébéniste. Devenu marin pour une longue période, c’est durant ses longs voyages qu’il intègre le cirque américain comme clown et vivra parmi les esquimaux.
En 1925, il retourne à Alger et sa rencontre avec Allalou (Ali Sellali) qui venait de créer « la Zahia » troupe changera sa vie. Il montera sur les planches, aux côtés d’ Allalou, Dahmoune et Mahieddine Bachtarzi. Au sein de la Zahia, il joue le rôle principal dans « Djeha », la première pièce en arabe dialectal en Algérie. La première a eu lieu le 26 avril 1926 à la salle Le Kursaal situéé entre la place des martyrs et Bab El Oued). Ksentini joua également dans « Zouadj Bouâaqline » et dans d’autres pièces. Ksentini deviendra très vite une star. Il se fera donc des amis et des ennemis. Certains concurrents jaloux iront jusqu’ à payer des spectateurs pour le chahuter. A l’un de ces spectateurs qui lui avait lancé «Faqou», Rachid avait répondu : «Elli faqou Rahou ! (Ceux qui se sont éveillés sont partis)». Un autre jour, alors qu’on lui jetait sur la scène des tomates et des légumes, il sort dans les coulisses et revient avec un couffin, ramasse le tout et dira à ses détracteurs : «Moi, j’ai gagné ma journée. si vous étiez intelligents, vous n’auriez pas payé 20 centimes pour venir me voir !». Durant cette période, Ksentini a enregistré au moins une dizaine de disques et faisait des tournées en duo avec Marie Soussan.
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Aucune salle ne porte son nom
Ksentini très doué dans l’improvisation était capable de monter sur scène sans avoir préparé un texte. Pourtant beaucoup de ses pièces, chansons sont écrites dans les règles de l’art et peuvent être rejouées. Ce sont surtout les sujets sociaux qui font sa force. La plupart de ses chansons sont toujours d’actualité notamment « Dengou Dengou » qui décrit les jeunes filles qui allaient nager sur les plages d’Alger, notamment à Padovani ( Bab El Oued) et «C’est le chômage» écrite au temps de la grande misère.
Ksentini alertait contre la montée de fléaux comme l’alcoolisme et le charlatanisme. La pièce « Faqou », aurait eu plus d’effet contre les charlatans que les discours des imams de l’époque qui avaient pourtant lancé une campagne. Ksentini restera le précurseur du rire sur scène et son école verra la naissance de grands comédiens dont Touri, Sid Ali Houat dit Fernandel, Rouiched et d’autres.
Ksentini en avance sur son temps était une star et son humour, sur scène et dans la vie est légendaire. Une fois, alors qu’il plaisantait avec le grand Cadi d’Alger et à la menace de ce dernier qui lui lança «Attention, mon bras est long», Ksentini avait répondit du tac au tac : «Ah bon, l’égout de ma maison est bouché, alors viens le nettoyer !»…
Hélas, aucune salle de théâtre ne porte son nom et nul maire de Bouzareah n’a eu l’idée de réaliser une statue à son effigie ni d’organiser un festival en hommage à son illustre enfant.
Bari Stambouli
horizons.dz 10.11.2021