Dans un podcast aussi dense que poignant, diffusé récemment sur la plateforme JazairHope, le chercheur franco-américain Olivier Gloag posait des mots clairs sur une réalité souvent étouffée sous les discours institutionnels : en France, les tensions diplomatiques avec l’Algérie ne sont pas qu’un enjeu d’État – elles ont des conséquences directes et douloureuses sur les communautés algériennes vivant dans l’Hexagone.
À la question de savoir si la situation actuelle entre Paris et Alger – que le gouvernement français désigne à demi-mot comme une “crise” – impacte les Franco-Algériens, Gloag répond avec prudence, mais lucidité. Depuis New York, il avoue ne pas vivre ce que vivent les enfants d’immigrés algériens au quotidien dans les couloirs du métro, dans les files d’attente, dans les regards ou sur les plateaux télé. Mais il est formel : ça ne va rien arranger. Le racisme, dit-il, n’est pas une “simple” falsification historique dans les livres scolaires. Il est aussi dans la rue. Il est dans les urnes. Il est dans les discours.
Et c’est là tout le paradoxe : alors même que la France est traversée par des vagues mémorielles de plus en plus visibles – entre la publication d’ouvrages comme La Première Guerre d’Algérie d’Alain Ruscio, ou les débats relancés par l’affaire Jean-Michel Apathie – cette montée en conscience se heurte à un mur bien plus solide : celui de la stigmatisation permanente de l’Autre.
Olivier Gloag rappelle que la France n’a jamais vraiment intégré l’histoire algérienne à son récit national. Et dans ce vide historique, le mépris trouve de l’oxygène. À défaut de pouvoir célébrer une victoire, on cherche un ennemi intérieur pour justifier ses défaites, dit-il en substance. Les Algériens de France, qu’ils soient citoyens, enfants de harkis, petits-fils de combattants de l’ALN ou simplement Français aux origines nord-africaines, deviennent les cibles d’un racisme à la fois décomplexé et structurant.
Mais Gloag ajoute aussi une nuance pleine d’espoir : il y a une autre France, dit-il. Celle des résistances, des manifestants, des écrivains, de ceux qui votent contre la haine. Celle qui lit, qui s’éduque, qui débat. Celle qui refuse de tomber dans le piège grossier des provocations électoralistes.
Dans ce podcast éclairant, Olivier Gloag ne s’est pas contenté de décrypter les relations diplomatiques. Il a mis en lumière ce qui se joue dans les marges du discours : les fractures sociales, les reflets de l’histoire coloniale dans les métros parisiens, les silences trop bruyants de la République. Et il nous a rappelé que la solution, si elle existe, passera d’abord par une remise en question profonde de la mémoire française – mais aussi par une mobilisation politique et citoyenne en France, y compris chez ceux qui portent l’Algérie dans leur nom, dans leur langue, dans leur chair.
Hope&ChaDia
Pour aller plus loin :
Olivier Gloag est spécialiste de littérature et d’histoire coloniale française. Il enseigne aux États-Unis et poursuit un travail rigoureux sur la mémoire coloniale, les récits d’État et les formes modernes de négationnisme historique. Ses interventions, comme celle donnée sur JazairHope, offrent une perspective précieuse pour comprendre les fractures profondes qui traversent la société française contemporaine.