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Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, semble ne pas vouloir patienter jusqu’à ce que l’agenda de Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères, lui permette de répondre à son invitation pour se rendre à Washington. À la Maison-Blanche, l’impatience est à son comble pour connaître les positions des autorités algériennes, au regard des évolutions géopolitiques brusques et à la dérive, entre autres, de l’Europe qui perd ses ancrages traditionnels en Afrique et dans le Monde arabe.
Les enjeux, pour les deux pays, ne sont pas similaires et ils peuvent être franchement contradictoires, dès lors que les perspectives de l’un et de l’autre, s’expriment en termes d’intérêts stratégiques bien compris. Toutefois, les espaces de coopération, dans et en dehors des hydrocarbures, et de développement industriel mutuel restent largement vierges et, voire, en déshérence. La politique partenariale américaine, toutes administrations confondues, a encore, pour un certain temps, les arguments qui imposent ses vues à l’international, sa puissance militaire et le dollar; cette politique ne s’attardait pas sur les détails de l’économie déclassée et appelée, quand il s’agit du continent africain, l’économie vivrière.
Il reste qu’une autre visite de Blinken, si elle se confirme, n’emballe personne du fait que la situation internationale focalise l’attention et que la Maison-Blanche a seulement besoin de mieux connaître et de mieux comprendre les résolutions de l’Algérie et ses projections dans la nouvelle configuration du monde. Les USA vont s’intéresser au rôle de médiateur de l’Algérie dans le conflit ukrainien, du marché pétrolier et, de manière superfétatoire, de la sécurité et de la stabilité régionales, de la coopération économique et de la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les quelques avancées positives dans la rhétorique diplomatique du président américain, à l’endroit de l’Algérie, sont à mettre à l’actif de l’ambassadrice US à Alger, Mme Elizabeth Moore Aubin qui fait preuve d’une activité débordante et, aussi, à un certain équilibrisme, fruit d’un compromis entre services de sécurité américains, imposé par la proximité de leurs élections et des déconvenues «Otaniennes» en Ukraine.
L’Algérie ne peut donc rien attendre de concret sur le plan économique et a déjà fort à faire avec les projets à engager dans l’immédiat. Le souci actuel est généré par l’effervescence qui règne sur toutes les frontières du pays, même si ce qui s’y passe est un ballotage favorable aux peuples, les séquelles sur les populations ne peuvent jamais être aisément gérées. L’instabilité politique et économique prolongée est, elle aussi, de nature à laisser des traces indélébiles. Le président de la République a le propos ferme à ce sujet et il sait que les Américains ne feront rien y compris pour la frontière ouest qui s’agite au gré des intérêts du Makhzen et des sionistes, comme ils ne feront rien pour les pays du Sahel, «chasse gardée» perdue de la France et de l’Europe.
Instabilité politique au Sahel
Le président Tebboune avait prévu l’aide au développement d’un milliard de dollars pour désamorcer les crises latentes et a mis en place le grand projet d’exportation de produits demandés par ces populations pour apaiser les tensions dans la sous- région. Mais au Sahel, les défis sont complexes, multiformes et difficiles à résoudre à cause de l’enchevêtrement des sources de conflits et des fléaux. Les problèmes humanitaires constituent l’essentiel de l’urgence à gérer dans l’immédiat. Les cinq pays du Sahel et plus loin, le Soudan, doivent bénéficier des contributions des organisations auxquelles ils sont affiliés et de l’aide internationale. La région du Sahel se caractérise par l’instabilité politique, par une violence généralisée, par des pénuries alimentaires. Elle est touchée de manière disproportionnée par la crise climatique et est, aujourd’hui, confrontée à une augmentation des mouvements de réfugiés en provenance du Burkina Faso.
Le président algérien refuse un quelconque rôle de l’Armée nationale populaire dans cette région et soutient l’idée que la solution est d’abord alimentaire et sanitaire. Ensuite, économique et politique. Les Occidentaux sont partis; ils ont suivi la France et l’Allemagne et il reste à l’Afrique de revoir ses forces intrinsèques pour se relever et ne compter ni sur les USA ni sur les Européens. L’idéologie des Américains est, depuis la Seconde Guerre mondiale, une et indivisible; que ce soient les faucons ou les supposées colombes qui sont aux commandes, ils restent les deux faces d’une seule pièce. Ensuite, il est de notoriété que la vraie guerre que mènent les États-Unis est non seulement contre la Russie et… la Chine, mais aussi contre le continent européen qui doit rester à la merci et au service de la puissance Yankee.
La guerre en Ukraine va durer le temps que les États-Unis délocalisent toute l’industrie de pointe de l’Allemagne, la vraie rivale industrielle de l’Amérique en Occident et l’industrie rentable du reste de l’Europe. La proposition de délocalisation est, en effet, alléchante?; après la destruction de North Stream 1 et 2, le gaz aux États-Unis, à consommer sur place, est beaucoup moins cher que la nouvelle situation post gazoducs russes. «La mise hors d’état de nuire» de North Stream 1 et 2, autrement dit le crime, ne profite qu’à l’administration Biden. Le deuxième facteur de longévité de cette guerre est la destruction de toutes les traces, en Ukraine, susceptibles d’être des indices sur les travaux américains de recherche sur les armes chimiques et bactériologiques.
L’Amérique, comme l’avait écrit Zbigniew Brzezinski, dans Le Grand Échiquier, en 1997, a réussi à créer l’Union européenne avec l’axe franco-allemand pour mieux maîtriser l’Europe qui devient ainsi, un espace du grand hémisphère géopolitique occidental d’obédience américaine. Explication: l’Union européenne est considérée du point de vue américain, comme une institution internationale, relais de la puissance des États-Unis ou relais du pouvoir hégémonique comme la Banque mondiale (BM) ou le Fonds monétaire internationale (FMI), l’Otan, le bras armé, (Organisation du traité de l’Atlantique nord), le Gatt (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) devenu OMC, (Organisation mondiale du commerce), l’OMS (Organisation mondiale de la santé)…
L’Algérie maîtrise son sujet et elle a bien structuré ses relations avec le nord de la Méditerranée?; elle a des pays amis (Portugal-Italie-Turquie), des pays voisins (France-Espagne) et des pays partenaires, l’Allemagne, l’Autriche, la Grande-Bretagne et Bruxelles des 27.
On ne gouverne pas avec les policiers
Les périmètres sont dessinés et les actions identifiées. Il est clair qu’il y aura de la coopération, du partenariat, des échanges, du commerce et tout ce qui entretient les relations cordiales et de bon voisinage. Le président Abdelmadjid Tebboune qui avait commencé la première mandature avec les pires difficultés, depuis le Covid jusqu’aux positions radicales, réactionnaires et réfractaires à tout changement, détient les leviers du lancement d’un vrai projet industriel qui mettra l’Algérie sur l’orbite du développement. L’action entreprise avec le seul parti politique qui n’en est surtout pas un, le Conseil des ministres, est une prouesse que l’Histoire retiendra. Le Président jouit d’une autorité non seulement avérée, mais reconnue. Autorité veut simplement dire la capacité de se faire accepter et de faire accepter des décisions sans coercition et sans violence. Sa parole a suffisamment de vérité, suffisamment de force pour être écoutée et pour être entendue. Le pouvoir, c’est la reconnaissance. On ne gouverne pas avec les walis. On ne gouverne pas avec les policiers. On gouverne parce qu’on sait saisir la société dans ses intérêts, dans ses passions, dans ses réalités. Il est vrai aussi que gouverner sans relais politique conscient et engagé ne saurait résister à l’usure du temps et à la multiplicité et à la diversité de l’adversité.
L’état des lieux est clair. La politique économique menée par le président Tebboune est axée sur les richesses hors hydrocarbures à investir pour en faire des activités à forte valeur ajoutée, non seulement pour les rentrées financières probantes mais pour ses dimensions structurantes en aval.
Le slogan creux d’une certaine époque «la route du développement passe par le développement de la route» prend son sens aujourd’hui avec de vrais projets qui, pour le chemin de fer, prévoit le maillage du territoire algérien d’Est en Ouest et du Nord au Sud. L’ambition africaine de l’Algérie ira jusqu’à la première zone humide, après la région subsaharienne, c’est-à-dire au Nigeria.
Le réseau actuel est de 4 500 km et doit être élargi dans l’urgence à 6 000 km. Les besoins pour l’objectif de Tebboune, à moyen terme, est de 12 000km. Les capacités de réalisation sont en cours de recensement, d’identification et de mobilisation. Le déficit en la matière est énorme et les capacités de réalisation des voies ferrées sont insignifiantes. Elles sont évaluées à quelques mètres par jour.
Le choix des Chinois par le président de la République est très pertinent; il répond aux besoins du financement et de la célérité dans l’exécution.
À titre indicatif, la société chinoise GR20 dont la création date de Mao Zedong embrasse une multitude de métiers et réalise dans la voie ferrée 400 m par heure et par machine. Cette société est proposée pour la création d’une société mixte avec un grand fleuron algérien, Cosider-groupe.
C’est dire que les 10 00km de Ghar Djebilet-Tindouf-Béchar, objet de l’accord algéro-chinois, s’annoncent en mois de réalisation et non en années. Le maillage du territoire national en voies ferrées, avec l’ambition africaine, serait de l’ordre de 20 000km.
L’exploitation des ressources naturelles de l’Algérie pour le développement est une priorité exprimée par le président de la République qui a mis en place une feuille de route pragmatique.
À titre illustratif, le pays dispose de 15% des réserves mondiales de minerai de fer, de 8% des réserves mondiales de cuivre, de 4% des réserves mondiales de lithium et de 37% de terres rares qui servent dans l’électronique et dans la mobilité automatique. Quand l’ensemble du potentiel national est agrégé, en y ajoutant le cobalt, l’Algérie prend l’une des toutes premières places, des plus grands pays miniers du monde.
L’avenir s’écrira en Brics, nouvelle Afrique, nouveau Monde multipolaire plus humain.
* Militant associatif
Abdelhamid Benhamla