Dans sa vidéo pompeusement intitulée “Le drame du dinar ou d’une Algérie qui produit de la monnaie sans savoir produire des richesses“, publiée le 10 août 2024, Abdou Semmar se lance dans une nouvelle démonstration de ses talents multifonctionnels. Il aborde la situation économique de l’Algérie en avançant une série d’arguments sur la gestion de la masse monétaire et la création de richesse. Toutefois, cette “analyse” – un terme ici utilisé avec la plus grande générosité – est truffée d’incohérences et de confusions conceptuelles si nombreuses qu’on en aurait presque le vertige. Mais, bien sûr, rien d’étonnant venant d’un podcasteur qui, en bon touche-à-tout, délivre trois analyses par jour, qu’il s’agisse de politique, d’économie, de sociologie, de culture, de tourisme, d’éducation, de stratégie, d’anthropologie… tout en jonglant avec brio avec son travail d’investigation sur le terrain.
Armé de concepts économiques complexes et d’un vocabulaire savamment choisi pour son effet dramatique, Semmar semble fasciner son auditoire. Cependant, à y regarder de plus près, on découvre des erreurs si fondamentales qu’elles évoquent le spectacle d’un charmeur de serpents, tel qu’on pourrait en voir sur la place Jemaa el-Fna à Marrakech, un endroit qu’il affectionne particulierement avec les studios de I24, où l’illusion remplace la substance, captivant le public tout en masquant habilement l’absence de véritable contenu.
Examinons cela un peu plus serieusement …
Interprétation Erronée de la Masse Monétaire
Abdou Semmar semble penser que la masse monétaire reflète directement la richesse d’un pays. Par exemple, à 2:00, il affirme : « La monnaie c’est le parfait miroir de la gestion d’un pays… », suggérant que la masse monétaire en elle-même indique la prospérité ou la pauvreté d’un pays. Or, la masse monétaire représente simplement la quantité de monnaie en circulation et sur les comptes bancaires. Elle peut augmenter pour diverses raisons, telles que des politiques de création monétaire pour stimuler l’économie, sans pour autant indiquer une augmentation de la richesse ou une meilleure gestion économique.
- Formule :
Cette formule simplifiée montre que l’inflation est liée à la croissance de la masse monétaire relative à la croissance du PIB réel. Cependant, d’autres facteurs influencent l’inflation, donc une augmentation de la masse monétaire n’entraîne pas nécessairement une mauvaise gestion ou une inflation excessive.
- Exemple des États-Unis :
Malgré une augmentation de la masse monétaire de 37,5 % entre 2008 et 2014, l’inflation est restée faible, autour de 1-2 % par an.
Confusion entre la Masse Monétaire et le PIB
Abdou Semmar affirme qu’il est anormal que la masse monétaire soit inférieure au PIB, en déclarant que la masse monétaire devrait toujours être plus élevée que le PIB. Par exemple, à 6:00, il déclare : « La masse monétaire est normalement toujours plus élevée que le PIB… », ce qui est incorrect. En réalité, la relation entre masse monétaire et PIB n’est pas aussi simple et linéaire. La masse monétaire (M1, M2, etc.) dépend de plusieurs facteurs, y compris les politiques monétaires, la vitesse de circulation de la monnaie, et non directement de la production économique (PIB). Il n’est pas nécessaire que la masse monétaire soit supérieure au PIB pour une économie saine.
- Formule :
Cette équation de Fisher montre que le produit de la masse monétaire M et de la vitesse de circulation de l’argent V est égal au produit du niveau des prix P et du PIB réel Q. Cette relation montre que la masse monétaire M n’a pas besoin d’être supérieure au PIB, car elle dépend aussi de la vitesse de circulation V
- Exemple de l’Allemagne (2019) :
Dans cet exemple, la masse monétaire M2 est inférieure au PIB nominal, ce qui démontre qu’une économie peut fonctionner de manière saine avec une masse monétaire inférieure au PIB, contrairement à ce que Abdou Semmar affirme.
Croissance de la Masse Monétaire vs Croissance Économique
Abdou Semmar affirme que la masse monétaire ne devrait pas croître plus vite que l’économie réelle (PIB). Par exemple, à 10:15, il dit : « Si la masse monétaire augmente plus que la croissance économique, cela démontre encore une fois que les chiffres n’ont pas de sens. » Cependant, il est possible d’avoir une croissance monétaire supérieure dans certaines circonstances, par exemple, pour lutter contre une récession ou en réponse à une demande accrue de liquidités dans l’économie. Cela ne signifie pas nécessairement que l’économie est mal gérée ou en déséquilibre, mais cela dépend du contexte et des objectifs des politiques économiques.
- Formule :
Une croissance monétaire supérieure à la croissance économique peut être justifiée par la nécessité de stabiliser l’économie ou de répondre à une demande accrue de liquidités, comme dans le cas de la zone euro. - Exemple de la Zone Euro :
Cette différence a aidé à éviter la déflation et à stabiliser l’économie pendant la période de 2015 à 2019.
Erreur sur la Nature de la Richesse et de la Création Monétaire
Abdou Semmar suggère que l’Algérie « produit » de la monnaie sans créer de richesse, ce qui est présenté comme anormal. Par exemple, à 15:00, il affirme : « Nous produisons de la monnaie mais elle ne correspond pas à la production de richesse. » Cependant, dans toutes les économies modernes, la création monétaire est une fonction normale des banques centrales et du système bancaire, souvent indépendamment de la production de richesse directe. La critique aurait dû se concentrer sur l’efficacité de l’utilisation de cette monnaie plutôt que sur la simple existence de la création monétaire.
- Formule :
Où M représente la masse monétaire, C les espèces en circulation, D les dépôts à vue, T les dépôts à terme, etc. La création monétaire n’est pas directement liée à la création de richesse. C’est une fonction normale des banques centrales et du système bancaire, souvent utilisée pour réguler l’économie.
- Exemple de la Suisse :
La Suisse montre que même avec une masse monétaire importante, une économie peut rester compétitive et efficace.
Critique Excessive de la Réévaluation du PIB
Abdou Semmar critique le rebasage du PIB sans reconnaître que ces révisions sont courantes et nécessaires pour refléter une économie plus précise. Par exemple, à 5:06, il critique le rebasage : « Le régime a changé les méthodes de calcul… pour donner une autre évaluation du PIB », sans comprendre qu’il s’agit d’une pratique courante. Il s’agit d’une mise à jour méthodologique et non d’une manipulation des chiffres.
- Formule :
Le rebasage du PIB est une méthode courante pour mettre à jour les méthodes de calcul et mieux refléter l’économie actuelle. Ce n’est pas une manipulation mais une mise à jour nécessaire.
- Exemple du Nigeria :
L’augmentation de 89 % du PIB après rebasage en 2014 montre l’importance de réviser les chiffres pour refléter fidèlement la réalité économique.
Mélange de Concepts Économiques
Abdou Semmar montre une confusion entre plusieurs concepts économiques clés tels que l’inflation, la croissance économique, et la masse monétaire. Par exemple, à 11:30, il déclare : « Nous produisons plus de monnaie que de richesse, et c’est anormal », en liant de manière erronée la croissance de la masse monétaire directement à la création de richesse et à l’inflation. L’inflation, par exemple, n’est pas uniquement due à une augmentation de la masse monétaire, mais aussi à des facteurs comme la demande, l’offre, les attentes inflationnistes, etc.
- Formule :
L’inflation est affectée par la croissance monétaire (ΔM/M) mais aussi par d’autres facteurs tels que la demande (), l’offre (S), et les attentes inflationnistes (E).
- Exemple de l’Argentine :
Cette situation montre que l’inflation élevée en Argentine est due à des problèmes structurels et non uniquement à la croissance de la masse monétaire.
Conclusion
Le charmeur de serpents et le sophiste partagent un talent certain pour l’illusion : manipuler la distance et le positionnement pour maintenir leur audience dans un état de soumission ou de fascination. Le charmeur, avec son serpent, sait exactement comment rester juste à la bonne distance pour donner l’impression d’un contrôle total, sans jamais risquer de se faire mordre. De son côté, le sophiste utilise des concepts alambiqués et un jargon hermétique pour créer une barrière intellectuelle. Cette distance, qu’elle soit physique ou mentale, est essentielle pour entretenir l’illusion de savoir ou de pouvoir, captivant ainsi leur auditoire tout en masquant la faiblesse réelle de leur discours. En somme, ce n’est qu’un spectacle de fumée et de miroirs, où tout est dans l’apparence, à l’image des performances captivantes mais trompeuses des charmeurs de serpents de Jemaa el-Fna.
Et puis il y a Abdou Semmar, notre “grand pédagogue” auto-proclamé, qui pousse cette stratégie à un niveau encore plus raffiné. Avec une maîtrise digne des plus grands illusionnistes de la place de Jamaa ElFna, il instaure une distance intellectuelle si vaste qu’elle en devient presque comique. En déployant un verbiage complexe et des concepts économiques obscurs, il place son discours sur un piédestal si haut que son auditoire n’ose même pas penser à l’escalader, de peur de se casser la figure. Cette distance, bien calculée, protège son discours de toute critique, car qui oserait questionner un tel sommet de savoir ? Ainsi, comme un charmeur de serpents à la manière de ceux de Jemaa el-Fna, il hypnotise son public, les laissant sous le charme de son “savoir” inattaquable, tout en évitant soigneusement d’exposer la véritable fragilité de ses arguments.
Pauvre Abdou 🙂
Par Hope Jzr et Son Assistante ChaDia